J’ai commencé ma carrière professionnelle comme « Assistant Professeur ». Je parle de ‘carrière professionnelle’ là où mes amis parlent « d’éternel étudiant » tant il est vrai que la fonction occupée alors me permettait d’assouvir ma passion d’étudiant pour l’intelligence artificielle, tout en préparant un doctorat et en bénéficiant d’un faible mais réel émolument.
Intelligence artificielle signifie ici pour moi « réseaux de neurones artificiels ». J’y ai sacrifié cinq de mes plus belles années pour mon plus grand plaisir, entre rétropropagation et algorithmes de minimisation, et en particulier sur l’utilisation des réseaux de neurones en modélisation non linéaire.
J’ai en tête une anecdote qui en fera sourire quelques uns: un concours avait été organisé sur le thème de la prédiction: une courbe de mesure était fournie, sans information sur la nature des grandeurs utilisées pour les abscisses et ordonnées. La courbe comportait une centaine de points et semblait vaguement sinusoïdale sans l’être. Aucune information n’était donnée sinon que les mesures concernaient un phénomène naturel complexe.
Le défit était de poursuivre la courbe en traçant les vingt points suivants.
Plus de quarante équipes de chercheurs dans le monde ont étudié cette courbe et fabriqué des outils plus ou moins complexes pour rendre compte (on parle de modélisation) des mesures connues (la courbe fournie) et pour prédire la suite de la courbe (on parle alors de la réalisation d’un prédicteur).
Les résultats ont été publiés, le vainqueur a été connu et glorifié, la nature de la courbe a été dévoilée (il s’agissait du nombre de tâches solaires au cours du temps).
Mais le plus amusant, c’est qu’un chercheur a eu l’idée de concourir en proposant comme outil son propre cerveau: il a étudié la courbe et dessiné à main levée la suite qu’il trouvait la plus juste… et il est arrivé troisième du concours!!!
J’ai toujours regretté de ne pas avoir pu participer à ce concours, mais j’imagine ma tête si mon réseau de neurones artificiels récurrents à poids calculés avec mes propres algorithmes avait été battu par la « simple » réflexion humaine.
Je suis sur que cela m’aurait fait plaisir.