Matheux

En prenant le train ce dimanche, revenant de mon Nord natal, j’étais assis à côté d’un jeune. Nous formions un couple relativement étonnant: lui en sage pantalon chemisette, travaillant sur un carnet, et moi avec mon baladeur sur les oreilles et mes culottes courtes mon pantacourt.

Avec la discrétion qui me caractérise, je jette un coup d’œil en biais sur son carnet, avec l’air perdu de celui qui écoute de la musique les yeux mi-clos.

Et c’est avec stupeur que je constate que ce jeune pourtant bien mis était en train de couvrir son carnet d’équations mathématiques…

Tiens, me dis-je, d’habitude les matheux se font plus discrets. Ce n’est pas vraiment la mode d’afficher ce genre d’occupation plus complexe qu’un Sudoku niveau 9.

J’utilise ma technique du regard en biais avec les yeux dans les coins, qui m’a si bien servi lors de certaines interros dans ma jeunesse, et essaye de voir si je peux capter une démonstration ou deux. Las, aucun théorème n’arrive à remonter du fond de ma mémoire, pourtant parfois capable de faire rougir Donald Hebb.

C’est alors que, et quand j’y repense j’en suis surpris tant est légendaire ma timidité à adresser la parole à un inconnu, je lui dis: « il ne manquerait pas un signe « moins » là?

Il me regarde un peu surpris, regarde son carnet et entreprend une vérification rapide pour me répondre: « heu… Non, je ne crois pas. »

Je le regarde alors avec un air malicieux et lui dis: « en fait, c’était une plaisanterie. »

« Ah.  » me fait-il.

Mais la glace était brisée et je lui demandais ce qu’il faisait comme études.

« Je suis en math spé » me fait-il.

Et alors qu’un siècle nous sépare, un millénaire devrais-je dire, nous avons discuté entre taupins des difficultés des classes préparatoires, de la gestion du temps, et bien entendu de la beauté des mathématiques. Le temps est passé très vite jusqu’à notre destination finale. Nous nous sommes séparés et je lui souhaitais bonne chance pour ses concours.

Le lendemain, il me faisait face pour l’entretien de motivation du concours d’entrée à l’école d’ingénieurs où je travaille.

Cette fois, j’étais en cravate, et lui en costard…

Il est resté un peu surpris à la porte d’entrée de la salle.

Je lui ai demandé si l’oral de mathématiques s’était bien passé.

Il m’a dit que oui.

L’entretien de motivation s’est également bien passé.

Je lui ai quand même demandé pourquoi il ne l’avait pas révisé dans le train.

Il m’a dit qu’en classe prépa, on ne préparait pas ce type d’entretien, alors il s’était dit qu’il essayerait de se comporter le plus naturellement possible.

Exactement ce qu’il fallait faire.

12 réflexions sur « Matheux »

  1. Bonjour

    Je viens de découvrir la fonction "webreader" qui permet de lire le texte du billets pour les malvoyant.

    Je trouve le résultat plus que surprenant et il ne manque plus grand chose pour obtenir une diction parfaite.

    Cependant, une mise en forme "régulièrement" employé dans billets ne passe pas dans le lecteur audio.

    Je veux parler du texte barré (sur les oreilles et mes culottes courtes mon pantacourt.)

    En fait le lecteur ne prenant pas en compte la mise en forme, il n'interprète pas la barre et lit le texte comme une phrase complète.

    Cela "perturbe" légèrement l'écoute audio et ne rend pas du tout l'idée du texte.

    Mais l'avantage de la lecture par rapport à cet inconvénient l'emporte. Reste à espérer que le lecteur audio intègre rapidement une reconnaissance de certaines mise en forme de texte.

  2. Une grosse vague de souvenirs vient de remonter à la surface à la lecture de votre article…

  3. "Il m'a dit qu'en classe prépa, on ne préparait pas ce type d'entretien, alors il s'était dit qu'il essayerait de se comporter le plus naturellement possible."

    Pour beaucoup d'écoles, c'est en effet le meilleur moyen de passer l'oral. Testé et approuvé! 🙂

  4. De toute façon, on ne prépare pas à grand chose en prépa… On prépare des cerveaux à oublier les apprentissages vus quelques semaines avant?
    Des études superficielles…. nos élites en rafollent. Quelle organisation des études bien étrange pour le reste du monde….

  5. Un ami me disait, après 10ans de carrière suite à une école en 5ans qu'il regrettait aujourd'hui de ne pas avoir fait "prépa". Non par le contenu de l'enseignement qu'on y reçoit, mais par ce qui lui semble flagrant dans l'analyse d'un problème.

    J'avoue que j'ai pas vraiment compris, mais sur 30personnes, au jeu du "prépa pas prépa", il ne s'est pas trompé une seule fois (sur 28 une seule fois, les 2 dont il connait le CV, c'est pas du jeu)

    Je ne sais pas si les taupins sont différents après par rapport à avant, j'avoue ne plus me souvenir de grand chose du contenu des cours de l'époque. J'avoue aussi que quand je dois me remettre dedans, ça revient vite. Très vite. Je ne regrette aucune des 3 années que j'ai passé… en taupe.

  6. "Le lendemain, il me faisait face pour l'entretien de motivation du concours d'entrée à l'école d'ingénieurs où je travaille."

    Bonjour,

    il y a beaucoup de dossiers qui échouent dans ce type de syst§me (concours d'admission) ?

  7. Dans ce cas je m'étonne moins de la proportion d'étudiants français rencontrée dans le cursus supérieur en Belgique francophone.

    La France fait payer son manque d'investissement (d'autres appelle ça 'son élitisme') de son tissu éducatif par les pays voisins. C'est malheureux tant pour les étudiants français que pour les établissement qui subissent une surpopulation dû à l'accès libre aux études.

    C'est fort confortable pour les enseignants français qui peuvent aligner des taux d'encadrement idéaux et grimper dans les stats internationales.

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