J’ai passé trois années parmi les plus belles de ma jeunesse à souffrir sur les bancs des classes préparatoires aux grandes écoles (Math Sup et Math Spé). Je ne savais pas à l’époque qu’il existait des grandes écoles qui délivraient également le diplôme d’ingénieurs en cinq ans, sans passer par le laminoir intellectuel des classes prépas (je tiens à préciser qu’il existe même des écoles d’ingénieurs en cinq ans sans classes préparatoires intégrées, où les études s’effectuent à un rythme normal sur cinq ans, je le sais parce que j’y travaille!).
Les conditions de travail étaient classiques, avec comme avantage non négligeable sur les parisiens d’avoir un lycée situé au cœur d’un parc arboré de plusieurs hectares.
J’avais choisi d’être interne, pour pouvoir profiter des conditions de travail et de l’émulation du travail en équipe, avec cette solidarité que l’on ne trouve que lorsque l’on vit en groupe sous pression.
L’internat des 1ère années était un grand bâtiment de trois étages, assez vétuste. Au rez-de-chaussée se trouvaient les espaces collectifs (foyers et salle TV), le 1er étage comportait deux salles de 48 lits chacune (soit 96 garçons plus le surveillant), le 2e étage des salles de travail et le 3e étage était réservés aux redoublants de 2e année (surnommés « cubes » ou « 5/2 »).
Un deuxième bâtiment, neuf celui-là, était réservé aux 2e années et comportaient une centaine de chambre individuelle lit+bureau+lavabo.
J’ai des centaines d’anecdotes d’internat, toutes plus dérisoires ou pathétiques mais intenses. Ces années terribles furent aussi des années d’amitiés très fortes qui perdurent encore aujourd’hui.
L’internat était mixte, mais bien entendu à l’époque, les filles étaient logées dans un bâtiment séparé. Malheureusement pour elles, ce bâtiment unique était particulièrement ancien et ne disposait pas d’espaces communs, et en particulier pas de salle de télévision.
Je vous parle d’une époque où internet n’existait pas pour le grand public et où posséder un ordinateur nécessitait de sacrifier un mois de salaire pour une machine de 16Ko de RAM (avec extension à 48Ko en sacrifiant un mois de salaire supplémentaire).
Grands seigneurs, nous acceptions que les filles viennent regarder la télévision dans notre salle commune et leur présence réchauffait nos ardeurs cœurs.
Oui, mais voilà, à 22h, l’internat des filles était fermé à clef! Pas question de laisser les portes ouvertes à je ne sais quelle pression hormonale… Si une fille n’était pas rentrée dans son bâtiment à 22h, elle devait passer la nuit dehors, et s’expliquer avec la surveillante le lendemain.
Alors la résistance s’était organisée: un garçon de confiance proposait aux filles sa chambre individuelle, avec matelas au sol et garantie que personne ne vienne les embêter. La plupart des films se terminaient après 22h, ce qui servait d’excuse pour justifier d’être restée « hors bâtiment des filles » après 22h. Une fille externe qui disposait d’un logement en ville fournissait un alibi en béton pour servir d’accueil virtuel auprès de la surveillante de l’internat des filles (accueil virtuel car trop loin du lycée).
Pendant une année, j’ai été le garçon de confiance qui a hébergé les quelques filles qui ne rentraient pas à 22h pour être enfermées. La grande majorité revenaient d’une séance de cinéma en ville, ou même d’un concert de l’opéra. Quelques unes finissaient de regarder le film télévisé que leur avait recommandé leurs professeurs de Khâgne. Parfois d’une soirée étudiante (que nous appelions un zinzin chez moi dans le Nord).
Pendant cette année, j’ai vu défiler une ou deux fois par semaine mes camarades féminines de combat d’étude. J’ai été à la fois leur Galahad et leur amoureux courtois…
Aujourd’hui, les années ont passé, ma jeunesse est partie, et je me dis que les choses ont du sensiblement s’améliorer, et que les filles d’aujourd’hui bénéficient des combats remportés par leurs ainées.
Las, en lisant ce billet de Maitre Veuve Tarquine, je me rends compte que bien des luttes restent à terminer.
Ouvrez aux filles les portes de tous les internats de France!
Bonjour,
Je me souviens très bien pour ma part de l'internat en prépa, normal me direz vous cela ne date que de 3ans !! Pour notre part, les filles avaient des chambres dans le même internat aux même étages que nous. D'ailleurs assez rapidement une chambre devenait mixte et accueillait un couple qui 2 mois après se défaisait en général.
Je garde comme vous un excellent souvenir de cette période même si on y travaillait beaucoup à un rythme pas permis, mais cela a créer des liens pour toujours…
Merci pour votre blog que je découvre que récemment et qui est très intéressant et agréable à lire.
J'avoue je n'aie pas fréquenté les « machine à laminer'' que sont les classes prépa,
je me pose tout de même la question de l'interet, de ce systeme et en particulier de sa généralisation, OK j'admet que les Normaliens sont plutot bon, que les Polytechnicien et les centraliens sont généralement pas mauvais, je comprend qu'une logique soit de dire, a potentiel exceptionnel, moyen exceptionnel,
D'ailleurs ces écoles sont également assez accessible a un élément brillant sortit de la fac sans être passé par une prépa (OK, beaucoup se sont aller en fac, après fait jeter de la meilleure prepa de la région en fin de première années)
Maintenant le problèmes du système prépa école, c'est qu'a force de monter le nombre de place en prepa, il a fallu suivre sur la création de plus en plus d'école dont certaine sont franchement…,
résultat des courses, on se retrouve avec des écoles, qui ont plus de moyen et de moins bon étudiants que la Fac voisinne (je sais de quoi je parle j'ai enseigné dans les deux)
C'est un peu hors sujet, avec le problèmes des internats pour fille, même si certains internat et les logements en CROUS, propose de toute façon, des chambres individuelles réduisant fortement les conséquence d'une mixitée !
Bonjour,
J'ai moi-même été en internat/filles au lycée et j'en garde aussi un excellent souvenir d'amitié et de belles années (1982/1984 é oui les années passent si vite !)
Je sais que les internats de lycée sont essentiellement composés d'internes mineurs mais nous étions quelques terminales à être majeures.
Les garçons étaient en chambres de 4 dans une tour moderne où ils n'occupaient que la moitié des 8 étages mais l'ensemble bien sûr était chauffé l'hiver (rude en Savoie !) – bonjour les économies !
Les filles étaient dans un bâtiment super vieux en dortoirs de 48, à l'isolation illusoire (mitaines dans les salles d'étude en hiver -rude en Savoie !), et portes fermées à clés (oui ! même les issues de secours !) – bonjour les économies ET la sécurité !
Lorsque nous avons montré quelques velléités de changement (notamment être logées dans la 2° partie de la tour inoccupée) et que nous avons commencé à protester publiquement, la seule réponse de l'administration pour rétablir l'équité a été de ….. tourner la vis pour les garçons !
Et, pour répondre à votre article, pourquoi des internats de filles en prépa puisqu'elles ne sont PAS scientifiques ! :-))