Tu ne seras pas un hacker mon fils !

Je suis l’heureux papa de trois enfants, qui sont maintenant grands. Il est loin le temps où j’écrivais ce billet sur l’ouverture du Skyblog de ma fille

L’aînée est maintenant en cinquième année de médecine, la puînée en deuxième année d’école de commerce. Et le troisième entre cette année au lycée. J’ai donc encore un ado à la maison 🙂

J’ai essayé d’élever mes enfants de mon mieux. Je les ai accompagné à l’école, d’abord jusque devant la grille, puis lâchés une centaine de mètres avant. Je les ai encouragé lors de leurs activités sportives et culturelles. J’ai essayé de leur transmettre des valeurs.

Enfin, pour dire la vérité, j’ai surtout été l’assistant de mon épouse qui a encaissé l’essentiel de la charge mentale de l’organisation familiale… Mais bon, au moins j’ai été présent. Je le suis toujours.

Mon rôle principal est d’être le « scientifique » de la cellule familiale, en charge plus particulièrement des outils numériques : ordinateurs, sauvegardes, réseau, accès internet, messageries, imprimante partagée, scanner, stockage partagé, protection de la vie privée, sécurité, dépannage, récupération de données, wifi, DHCP, DNS non menteurs, consoles de jeux, etc.

Concernant le suivi des leçons, je suis le mauvais flic du couple (au sens de la stratégie bon/mauvais flic), celui dont on craint le levé de sourcil en cas de mauvaise note. Curieusement, aucun de mes enfants n’aime me demander de l’aide pour expliquer un point obscur du cours de maths, ou de physique, ou d’anglais, ou de science de la vie : « En fait, tu expliques trop longtemps. Nous, on veut juste la réponse au problème, toi tu nous expliques toute la théorie en vérifiant qu’on a tout compris… C’est lourd. »

Être passionné n’a pas que des avantages 😉

C’est pourquoi je me suis fait une raison depuis longtemps sur le fait qu’aucun de mes enfants ne sera passionné par ce que j’aime : l’informatique.

Pourtant, hier soir, mon fils m’a dit à table la chose suivante :

« Papa, tu peux m’expliquer la carte mère ? »

Moi: « … »

Lui: « Parce que mon copain, il m’a dit que pour être encore meilleur en jeux vidéo, il faudrait que je passe sur ordinateur plutôt que sur console, et que je démonte mon ordinateur pour le bidouiller. Tu es d’accord pour m’aider ? »

Dans ma tête, il s’est passé une sorte d’explosion nucléaire. Mon cœur s’est arrêté de battre, puis s’est emballé à 200 bpm. Mes mains sont devenues moites. J’ai vu un de mes enfants accéder au Graal, devenir le maître du monde, et régner sur les sans-dent-bleue. Enfin, la chair de ma chair allait aider HAL et le Maître Contrôle Principal à surmonter leur inhumanité pour rejoindre Andrew, l’homme de 200 ans.

J’ai croisé le regard de mon épouse qui rayonnait de bonheur pour moi.

C’est pourquoi ma réponse a jeté un froid glacial : « Non ».

Mon visage est resté fermé. Avais-je entrevu l’immensité de la tâche qui reste à accomplir pour accéder au sommet de ma discipline ? Ou le visage écrasant de l’informatique omniprésente dans nos vies plus-vraiment-privées ? Allais-je laisser mon innocent de fils participer aux débauches numériques qui s’annoncent dans tous les objets qui vont nous encercler ?

NON.

J’ai laissé quelques secondes s’écouler. Mon épouse m’a regardé avec un regard navré. Mon fils était en plein désarroi.

Je venais de réussir ma plus belle « blague de père » de la semaine.

En effet, dans ma famille, les pères ont un humour extraordinaire, mais qui ne fait rire qu’eux-même. Le coup de klaxon dévastateur devant la grille du collège. Le jeu de mots subtil devant les ami(e)s des enfants. Bref, ce qu’on appelle dans notre petit cercle, une « blague de père ».

KrkrkrkrkrKRKRKRKR

hahahahaHAHAHAHA (risus sardonicus)

ÉVIDEMMENT, c’est avec une immense fierté que je vais apprendre à mon fils à démonter son ordinateur, à l’améliorer, à le bidouiller, à le hacker.

Tu seras un hacker, mon fils !

12 réflexions sur « Tu ne seras pas un hacker mon fils ! »

  1. Dans la série "En fait, tu expliques trop longtemps. Nous, on veut juste la réponse au problème", j'ai vaguement tenté d'expliquer à mon fils (niveau 3ième) qu'un quotient avait un nombre de décimales infini parce qu'au moins un facteur premier du diviseur ne faisait pas parti des facteurs premiers de la base utilisée…

    Maintenant, sur le fond, un PC, ça se démonte pas. On choisit les bonnes pièces et on le monte !

    • C'est vrai, mais un an, ou deux ans, ou trois ans après, on change LA pièce qui permet de l'améliorer. C'est ça le hacking 🙂

    • Rhoooo, non, j'aime trop passer du temps avec lui. Ceci dit, aucun intérêt si c'est moi qui hack son PC. Conseiller, oui, mais faire pour lui, non.

  2. Ha, ha, ha !
    C'est tout moi, ça !
    J'ajoute mes blagues favorites : serrer fort la main de ma fille pour ne pas qu'elle s'en dégage et m'accroupir en faisant des gestes et des bruits de chimpanzé en plein centre commercial bondé.
    Ou haranguer bruyamment les passants dans la rue comme un commissaire-priseur pour la vendre aux enchères. "Jeune fille, vendue au poids ! Parfaite santé ! qui en veut ? 10 euros ici ! 15 la-bas ! Qui dit mieux ?
    Mais mon épouse et elle ont trouvé la parade, avec le temps et la fin de l'adolescence. Elles feignent l'indifférence au lieu de s'exclamer avec des cris d'horreur.
    M'en fiche, j'attends les futurs petits-enfants en embuscade, quand tout le monde croira que je me suis assagi…

  3. Merci pour cet article plein d'humour et de tendresse. On sent que vous êtes un bon papa !

    Je me suis abonné à votre site et je ne le regrette pas !

    C'est rafraîchissant et bien écrit. Ça change du buzz world et des putaclicks.

    Longue vie et bonne continuation.

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