Je viens de fêter mes soixante deux années de rotation autour du soleil. Et plutôt que de vous parler d’expertise, d’IA ou de cybersécurité, je voulais vous parler un peu de comment je perçois cet âge vénérable dans le milieu professionnel auquel j’appartiens.
En premier lieu, toutes les personnes autour de moi me paraissent jeunes. Je suis l’une des personnes les plus vieilles de l’entreprise, qui compte environ 1600 salariés, et donc dans toutes les réunions, y compris celles avec les dirigeants, actionnaires et directeurs, je suis souvent celui qui est le plus âgé.
Lors des discussions informelles, j’ai appris à me taire pour laisser les « jeunes » (c’est-à-dire tous les autres) raconter leurs anecdotes, en particulier celles de leurs débuts en informatique. Les plus jeunes ne connaissent pas les blogs, et plus personne ne se souvient du SICOB où je regardais avec des yeux d’adolescent admiratif de grosses imprimantes matricielles cracher des dessins ASCII sur du papier perforé…
Le regard du monde de l’entreprise sur les plus de 60 ans est assez terrible : pour beaucoup, les plus de 60 ans sont des retraités. Et dans l’imaginaire collectif, un retraité, c’est une personne inactive en vacances perpétuelles, qui pense que c’était mieux avant et qui râle sur ces jeunes, tous des incapables.
Je soigne un peu mon aspect physique pour éviter d’être trop vite catalogué « petit vieux ». Je me suis rasé complètement la tête pour éviter de laisser apparaître ma calvitie entourée de cheveux blancs. Les chauves sont mieux acceptés, aujourd’hui, qu’à l’époque de Jules César.
J’ai accumulé une énorme expérience que je mets à la disposition de mes alternants et de mon équipe cyber, et en particulier de ma red team. Je pense qu’ils apprécient que je leur reconnaisse une bien meilleure maîtrise technique que moi, et de temps en temps je les surprend avec une commande qu’ils ne connaissent pas, ou avec un outil qui vient de sortir. Je reste dans la course.
Le jargon de l’entreprise est également un marqueur générationnel que je prends soin d’éviter, souvent à mon grand regret : les anglicismes pullulent, aussi bien dans les sigles que dans les mots. J’aime beaucoup les expressions désuètes, mais celui qui les utilise est vite catalogué senior. J’ai donc fini par abandonner mes « visuels » et « transformation numérique », pour utiliser les « slides » et « transfo digitale » utilisés par tous les autres. Il y a longtemps que je ne dis plus « je vais vous présenter quelques transparents » 😉
Enfin, il y a les références sociétales très utiles à la machine à café, mais souvent je n’ai pas « la réf » : je ne connais pas Nicocapone, ni le dernier clash à la mode sur les réseaux sociaux depuis que j’ai drastiquement réduit ma consommation… Mon univers social se réduit de plus en plus à celui de mes 20 ans : l’IA, les bidouilles sur mes ordis, le hacking. En ce moment, j’explore mon entourage hertzien avec mon flipper zéro. Retour à la case nerd.
Je suis un soixantenerd.

Soixantenerd !!! C’est magnifique ! 😀
Un Séxagénerd ça fait plus classe non ?!
Merci de continuer à partager avec les petits jeunes dont je fais partie (40 ans cette année… tousse !)
Fichtre, cela fait une bonne décennie que je vous lis avec plaisir et c’est seulement maintenant que je découvre que nous sommes des conscrits ! 😉
Comme disait Philippe Geluck : être vieux, c’est avoir été jeune plus longtemps que les autres…
Merci pour cet excellent post !
J’ai la cinquantaine et j’ai passé 17 ans dans la même entreprise qui est devenue ce que j’appelle « l’ancien monde informatique » – une société qui ne savait plus évoluer. Je m’étais juré de ne jamais aller en SSII ou en startup, mais je me suis finalement laissé tenter par l’aventure startup, et je ne le regrette absolument pas.
En quelque sorte, on prend toujours le wagon en marche !
C’est éprouvant, certes – toujours obligé de se mettre à la page (généralement sur son temps personnel) – mais en tant que geek, ça me convient parfaitement !
On s’aperçoit malgré tout que le niveau des nouveaux arrivants est considérablement en deçà de ce qu’on a connu. Mais c’est assez logique : contrairement à nous qui avons appris sur le tas (le meilleur apprentissage selon moi), l’Éducation nationale n’arrive pas à suivre le mouvement. Déjà qu’en 1997, elle nous formait sur le langage COBOL alors que les langages de prédilection étaient le C et HTML, Java…
Bref, concernant mon âge, je ne me sens pas du tout exclu de cette nouvelle génération. Je suis parfois surnommé « le druide » ou « l’homme qui parle aux ordinateurs » 🙂 – une sorte de reconnaissance de notre expérience !