La première fois que je t’ai rencontré, tu dépassais de la foule réunie dans ce café de Lille privatisé pour une rentrée « saoulennelle » où le champagne coulait à flots.
Puis nos chemins se sont recroisés au procès de Maître Eolas dont tu étais l’avocat et où j’intervenais comme expert informatique. Tu m’avais sauvé la vie en venant m’annoncer que finalement je n’interviendrais pas à la barre des témoins, quand la panique menaçait de m’emporter dans cette salle des pas perdus.
Pour t’excuser de m’avoir fait venir inutilement de ma province profonde, tu m’avais proposé de prendre un verre dans un bar près du palais, avec Maitre Eolas et Pascale Robert-Diard. Je m’étais retrouvé, sans y croire vraiment, entouré de grandes personnes importantes, moi le petit expert de province taiseux.
Tu m’avais placé dans ta Mô’groll en bonne compagnie et ça m’avait ému. Quand je t’en avais remercié, tu avais éclaté de rire en ajoutant « et maintenant tu me dois une bonne bouteille ». Nous l’avons bu ensemble à ton cabinet que tu venais d’aménager et que tu m’avais fait visiter avec fierté, non sans m’avoir présenté ta secrétaire « la seule vraie personne qui fait tout fonctionner ici ».
Les organisateurs des Confluences Pénales de l’Ouest nous avaient placé dans le même hôtel. Tu me titillais en DM sur Twitter pour un soi-disant problème informatique sur les ordinateurs de ton cabinet, parce « bon l’informatique ça ne marche jamais comme on le souhaite ». Mais tu étais avocat ET geek, à ta façon. En descendant de ma chambre d’hôtel, je t’ai vu de dos à la réception, et chose extraordinaire que seule une personne comme toi a réussi à me faire faire, je t’ai accueilli d’un tonitruant « AH BEN T’ES ENFIN LA, MIN BILOUTE » lancé à la cantonade. Tu t’étais retourné doucement avec un grand sourire, en demandant à l’accueil d’appeler la sécurité…
Ces deux jours, aux Confluences Pénales de l’Ouest, ont été riches de discussions privées, lors de nos marches côte à côte dans les rues d’Angers. Parmi ces anecdotes, tu m’avais raconté celle du nom de la SCI que vous aviez donné avec des camarades de jeunesse et qui m’avait fait rire. J’ai depuis oublié ce nom et je m’étais promis de te le demander lors de notre prochaine rencontre. Tu m’avais aussi confié que tu étais malade en me demandant de ne pas en parler. J’ai tenu parole. Nous avons beaucoup parlé du sens de la vie, de l’importance des proches, et de mille anecdotes qui donnent du sel à l’existence. Tu savais faire oublier le gouffre de notoriété et de compétences qui nous séparait.
Ta mort laisse un grand vide, bien sûr auprès de tes proches et de tes amis, mais aussi auprès des personnes comme moi qui t’ont croisé quelques fois. C’est dire la place de ton humanité, ta tendresse et ton excentricité…
Repose en paix Maître Mô, min grand biloute.