Samedi matin, une semaine de 15 août où la France est massivement en vacances, je reçois un coup de téléphone du gardien qui habite dans la startup.
Comme tous les salariés de la startup, je suis en vacances depuis
trois semaines et la réouverture des locaux est prévue lundi (dans deux
jours). Je suis en train de profiter des dernières heures de calme avant
le retour dans mon quotidien professionnel un peu agité. Le gardien est aussi en vacances, mais comme il habite dans la startup, il jette un œil aux locaux en complément de la télésurveillance.
« Zythom, de la fumée sort du local haute tension. J’ai appelé les pompiers qui arrivent. Le courant est coupé dans tout le quartier. Je fais quoi ? »
J’ai les cheveux qui se dressent sur la tête, exactement comme le CAPCOM Jack Lousma quand il fit répéter à l’astronaute Jack Swigert la phrase qui allait devenir célèbre : « Houston, we’ve had a problem« , pendant que sur tous les écrans de contrôle les indicateurs s’affolaient…
Après quelques secondes d’hésitation, je lui réponds :
« Tu gères les pompiers. Tu leur facilites l’accès. Tu fais attention au jus. Tu me tiens au courant. »
C’est toujours dans ces moments-là que je fais une mauvaise vanne…
Je raccroche un peu sonné. Je m’assoie. Pendant quelques minutes, je reste immobile. Je me demande quoi faire. Très vite, les réflexes « plan B, plan C, plan D » reprennent le dessus. Je décide d’appeler le propriétaire des bâtiments, c’est-à-dire le conseil départemental. Nous sommes samedi, un week-end qui suit le 15 août… Je sens poindre une difficulté. Surtout que je n’ai pas beaucoup d’éléments. Je décide d’attendre. J’attaque les ongles.
Le gardien me rappelle, et me donne les informations suivantes : « Zythom, c’est bon. Les pompiers sont sur place. L’incendie est maîtrisé. Il s’est éteint tout seul dans le local haute tension. C’est bon. C’est bon. Par contre, les armoires électriques haute tension sont hors d’usage. Les pompiers me disent qu’il y a peu de chance qu’on puisse remettre l’électricité. Je fais quoi ? »
Je lui réponds : « Tu appelles l’astreinte ENGIE avec qui on a un contrat d’intervention sur la haute tension. Tu as le numéro dans ton téléphone, sinon il est affiché dans l’atelier technique, ou dans mon bureau sur la porte de l’armoire. Tu leur dis de rappliquer fissa, et de remettre tout en état : on rouvre lundi. Tiens moi au courant (bis repetita placent). »
Il me rappelle une heure plus tard, alors que j’attaquais avec les dents mes phalanges distales.
« Zythom, c’est bon, les techniciens d’ENGIE sont là. Ils ont remis le courant dans le quartier. Mais pour nous, c’est mort : ce sont nos disjoncteurs haute tension qui ont brûlé. Ils doivent faire un devis et passer commande. Avec ce type d’armoire, il y en a pour des semaines… Je fais quoi ? »
« Tu leur dis de faire un état des lieux complets, et d’activer au plus vite leur chef pour un devis et une commande rapide. Tu vérifies bien la fermeture de l’accès au local haute tension derrière eux, et tu rentres chez toi. Et n’ouvre pas ton congélateur et tu vides ton réfrigérateur en faisant un bon repas ce soir. J’essaye de trouver une solution à distance. Bravo pour ton intervention. Je prends le relais. J’accélère mon retour de vacances, je viens te voir demain dimanche sur place. Je t’appelle avant de venir. »
Une fois le téléphone raccroché (même s’il n’y a pas vraiment de crochet), je fais mentalement le point : nous sommes samedi 17 août, il est 16h, la startup n’a plus d’électricité pour les semaines à venir, en dehors de la salle serveurs. Il faut que j’arrive à joindre un décideur du conseil départemental. Lundi nous serons 20 personnes présentes dans les locaux à rembaucher, 100 la semaine suivante et 900 dans quinze jours…
Le temps s’est arrêté. Putain, mais je fais quoi, moi ?
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Ce récit est basé sur des faits réels, les noms et certains lieux ont été changés.
Quand le temps s’arrête, il est temps de faire une pause (haha). Hum. |
Ca me rappelle une histoire du temps où j'étais stagiaire dans un labo de biologie.
Qui stockait donc de l'ADN, ARN, etc. dans des frigos à -80°C. Devant rester à -80°C.
Sauf que personne ne s'était posé la question "et si le courant saute?". Ou plutôt si, la réponse était "les frigos tiennent 24h (isolation thermique)".
La vrai bonne question était "et si le courant saute dans la nuit du samedi au dimanche un we où il n'y a personne?"…
La catastrophe fut évitée parce qu'un biologiste avait des cultures cellulaires à changer de milieux (nutritif) ce dimanche là et qu'il a voulu aller voir un truc du coté des frigos…
Sans lui, plusieurs recherches qui avaient nécessité 5ans à 10ans étaient foutues.
Je ne sais pas s'ils ont mis en place un groupe électrogène ensuite mais je leur souhaite.
PS: vos clifhangers sont terrifiants et super bien écrits.