Les populations légales

Je parle assez peu sur ce blog de mon activité de conseiller municipal. Pourtant, ce qu’elle me permet de découvrir ne lasse pas de me surprendre, tant du point de vue humain que du point de vue technique.

Aujourd’hui, en préparant le prochain conseil municipal, j’ai découvert la notion de populations légales. Je vous propose, sans rire, de devenir expert en calcul de populations légales.

Qu’est-ce que cela peut bien être que cette notion et à quoi sert-elle ?

Je ne suis pas juriste, mais j’ai cru comprendre que le nombre d’habitants d’une commune a son importance dans un grand nombre de domaines, comme par exemple la détermination de l’assiette de certains impôts, ou l’organisation des listes électorales.

Et naïvement, je pensais que le nombre d’habitants d’une commune, et bien c’est le nombre de personnes qui habitent la commune. FAUX.

Le terme générique de « populations légales » regroupe pour chaque commune :

1) sa population municipale

2) sa population comptée à part

3) sa population totale, qui est la somme des deux précédentes.

(j’aime bien ce genre de présentation 😉

C’est comme en algorithmique : nous avons décomposé le problème en sous-problèmes supposés plus simples à résoudre : la population totale d’une commune est la somme de sa population municipale et de sa population comptée à part.

Bien.

Accrochez vous.

La population municipale :

Voyons maintenant comment se compte la population municipale.

La population municipale est la somme de 4 catégories de personnes :

1) Celles ayant leur résidence habituelle sur la commune

2) Celles détenues dans les prisons situées sur la commune

3) Celles sans abri recensées sur la commune

4) Celles résidant habituellement dans des habitations mobiles, recensées sur la commune.

Attention, il y a un piège : la « résidence habituelle » indiquée au point n°1 est à préciser ainsi :

a) si la personne est mineure et réside ailleurs du fait de ses études, la résidence habituelle est la résidence de sa famille.

b) si la personne réside dans l’une des communautés suivantes : établissement de santé, maison de retraite, foyer social ou assimilé, communauté religieuse, caserne, quartier, base ou camp militaire, la résidence habituelle est la communauté.

c) si la personne est majeure et réside dans une communauté appartenant à la catégorie « établissement hébergeant des élèves ou des étudiants », la résidence habituelle est la communauté.

d) si la personne est majeure MAIS que du fait de ses études elle réside hors de la résidence familiale ET hors communauté, la résidence habituelle est son logement.

e) si la personne est mariée (ou en concubinage ou PACSé) et réside pour des raisons professionnelles hors de la résidence familiale ET hors communauté, la résidence habituelle est sa résidence familiale.

f) si la personne ne se trouve dans aucun des cas précédent, la résidence habituelle est la résidence dans laquelle elle réside le plus souvent.

Vous l’avez remarqué, dans les cas a) et e) la résidence habituelle n’est pas celle où la personne réside le plus souvent…

Attention, il y a encore un piège : dans le cas a), les élèves internes mineurs recensés dans un établissement scolaire sont comptés dans la population municipale de la commune de leur résidence familiale ET dans la population comptée à part (voir plus loin) de la commune de leur établissement scolaire. Ils seront donc comptés DEUX fois…

J’adore.

Je prends un cachet d’aspirine, naïf que j’étais à vouloir compter les gens de ma commune…

L’INSEE m’explique que la population des ménages est calculée en ramenant les résultats de la collecte en 2013. Il est bien écrit « en 2013 », pas « de 2013 ». Pour ramener les résultats de la collecte « en 2013 », on utilise la tendance observée sur la commune entre la dernière population légale au 1er janvier 2012 et l’enquête de recensement de 2014.

Et, je ne plaisante pas, le paragraphe se termine par : « et on ajoute ensuite la population recensée dans les hôtels ».

Concernant la population des habitations mobiles terrestres (pourquoi « terrestres », vous allez le comprendre au paragraphe qui suit) et les personnes sans abri, le chiffre est maintenu constant entre deux enquêtes de recensement, pendant cinq ans (pour les communes de moins de 10 000 habitants, le recensement se fait tous les cinq ans).

Enfin, ne pas oublier de prendre en compte les mariniers et les personnes vivant sur les bateaux de ces derniers (qui ont, eux, été recensés en 2011) : ils sont comptabilisés dans la commune dans laquelle ils ont déclaré avoir une résidence.

La population comptée à part :

La population comptée à part de la commune comprend les personnes recensées sur d’autres communes et qui ont conservé une résidence sur la commune.

Pour être plus clair, elle comprend :

1) Les personnes se trouvant dans la situation décrite au a), qui résident du fait de leurs études sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

2) Les personnes se trouvant dans la situation décrite au b), dont la résidence familiale est située sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

3) Les personnes majeures âgées de moins de 25 ans qui se trouvent dans la situation décrite au c), dont la résidence familiale se trouve sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

4) Les personnes majeures âgées de moins de 25 ans qui se trouvent dans la situation décrite au d), dont la résidence de la famille se trouve sur le territoire de la commune et qui ont leur résidence habituelle située dans une autre commune.

5) Les personnes sans domicile fixe rattachées à la commune et non recensées sur le territoire de la commune.

Pour ce dernier point, il semble qu’il soit fait usage des listes des préfectures.

Calcul de la population totale de ma commune :

Si vous êtes encore avec moi, voici ce que tout cela donne dans ma commune :

En 2014, le recensement (qui se fait une fois tous les cinq ans car ma commune a moins de 10 000 habitants) nous dit :

– ménages : 5412

– communautés : 380

– sans abri ou résidant dans une habitation mobile terrestre : 9

Total = 5801

Population municipale ramenée au 1er janvier 2013 :

– ménages : 5282 (normal, la population de la commune augmente)

– communautés : 380

– sans abri ou résidant dans une habitation mobile terrestre : 9

– mariniers : 0 (pas de cours d’eau à l’horizon)

Total = 5671

Population comptée à part au 1er janvier 2013 : 142

Population totale au 1er janvier 2013

(chiffre qui sera pris en compte à partir du 1er janvier 2016) :

5671 + 142 =

5813

Le premier qui me dit en conseil municipal que nous sommes 6000, je lui explique gentiment : NON, NOUS SOMMES 5813, RESPECTEZ UN PEU LE TRAVAIL DE CEUX QUI SE DÉCARCASSENT A COMPTER.

Désolé.

Je voudrais adresser tous mes remerciements et encouragements à l’Insee dont la devise est « mesurer pour comprendre ».

Note pour les juristes : ce billet contient toutes les approximations et erreurs habituellement rencontrées chez les novices du droit. Je conjure les étudiants en droit révisant ce type de problème de se référer directement aux textes originaux, et en particulier au décret n°2003-485 du 5 juin 2003 relatif au recensement de la population, publié au Journal Officiel n°132 du 8 juin 2003 et certainement révisé depuis.

Le prochain billet de la rubrique « vie publique » sera consacré à la préparation budgétaire et à ses différentes rubriques. /o

5 réflexions sur « Les populations légales »

  1. Chez les Papous, il y a des Papous papas et des Papous pas papa. Mais chez les Papous il y a aussi des Papou à poux et des Papous pas à poux…
    (C)Franquin dans Gaston Lagaffe

  2. Après on nous parle du choc de simplification… Ce n'est plus un choc qu'il faut à ce niveau là, c'est un cataclysme !!!

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