Le chant des sirènes

Je suis responsable de tous les problèmes informatiques et techniques de l’école d’ingénieurs où je travaille (bon, en vrai, je suis soutenu par six techniciens qui font un boulot formidable). Cela inclut l’entretien des espaces verts, l’accessibilité, les parkings, le chauffage, la ventilation, l’hygiène, le nettoyage, la téléphonie, la reprographie, les serveurs, le réseau, la sécurité incendie, la sécurité des biens, etc.

Et donc, alors que je travaillais tranquillement dans mon bureau, j’entends soudainement le bruit des sirènes d’alarme des pompiers… Je regarde ma montre : il est 15h13, et nous ne sommes pas le 1er mercredi du mois !

J’écoute attentivement le signal d’alarme : cinq hululements sinistres d’environ sept secondes. Le tout répété plusieurs fois…

Il se passe quelque chose.

Il se passe quelque chose, mais je ne sais pas quoi !

Parmi la multitude des casquettes de responsabilité que je porte, j’enfile celle de responsable de la sécurité des personnes. Je jette un œil à la page Wikipédia consacré aux alertes à la population. Et je prends une décision : il faut confiner l’ensemble des étudiants et du personnel dans les bâtiments de l’école.

Me voici en train de faire le tour des bureaux en demandant la fermeture immédiate des fenêtres. J’explique rapidement la situation : sirènes d’alerte à la population = confinement. Tout le personnel obtempère sans broncher.

Je me saisis du mégaphone qui me sert pour communiquer lors des exercices incendies et me précipite à l’extérieur pour demander aux étudiants (en pause) de rentrer rapidement dans les locaux de l’école. Les étudiants obéissent, en traînant les pieds et en rigolant. Les fumeurs râlent.

Je demande ensuite à mon équipe technique d’arrêter toutes les ventilations du bâtiment. En quelques minutes, toutes les climatisations et tout le système de circulation d’air est arrêté.

Je souffle un peu.

Il faut que j’écoute la radio. Zut, je n’ai pas de radio, encore moins en grandes ondes… Je cherche sur internet. France Inter et France Info sont en grèves. Pas de bol. Je zappe sur des radios locales : il n’y a que de la musique et des animateurs anormalement normaux.

Les sirènes se sont tues. J’attends le signal de fin d’alerte qui ne vient pas. Je vérifie sur internet : nous avons plusieurs usines de type « Sévezo » dans le coin. Un incident est toujours possible.

J’appelle la préfecture. Le planton me dit qu’il n’est pas au courant. En désespoir de cause, je me résous à appeler le 18, ce qu’il ne faut bien entendu jamais faire pour ne pas surcharger les liaisons.

Bingo : il s’agit d’un simple essai de sirènes suite à un remplacement à neuf. Sauf que nous n’étions pas prévenus…

Je me suis fendu d’un email d’explications à toute la communauté, dans lequel j’ai rappelé les consignes de bases dans ce type d’exercice. J’en profite pour le rappeler ici, si cela peut servir un jour à quelqu’un :

Si vous entendez les sirènes d’alerte à la population, et qu’il n’est pas midi le premier mercredi du mois, il faut vous abriter rapidement à l’intérieur d’un bâtiment.

Extrait de Wikipédia :

Lorsque le signal d’alerte retentit, les personnes sont invitées


  • à se confiner dans l’endroit clos le plus proche (domicile, lieu
    public, entreprise, école…) en colmatant les ouvertures, en coupant
    les ventilations, climatiseurs et chauffages, et en restant loin des
    fenêtres ;
  • à s’abstenir de faire des flammes, de fumer, d’ouvrir les fenêtres ;
  • à s’abstenir de téléphoner (ni téléphone fixe, ni téléphone mobile)
    sauf détresse vitale, afin de laisser les lignes libres pour les
    secours ;
  • et à écouter la radio : France Inter sur grandes ondes (1 852 m, 162 kHz) : il s’agit de la radio de service public, et en cas de destruction de l’émetteur en modulation de fréquence (FM) le plus proches, l’émission en grandes ondes peut toujours être captée ; à défaut, écouter France Info ou les radios locales. La station répétera en boucle la situation et les consignes à suivre.


Les enfants scolarisés sont pris en charge par l’école, c’est le lieu
où ils sont le plus en sécurité. Il est donc dangereux et inutile
d’aller les chercher.


La fin de l’alerte est indiquée par un signal continu de trente
secondes.

Extrait de interieur.gouv.fr :

Ce qu’il faut faire

La mise à l’abri est la protection
immédiate la plus efficace. Elle permet d’attendre dans les meilleures
conditions possibles l’arrivée des secours.

Au signal, il faut :

  • rejoindre sans délai un local clos, de préférence sans fenêtre, en
    bouchant si possible soigneusement les ouvertures (fentes, portes,
    aérations, cheminées…).
  • Arrêter climatisation, chauffage et ventilation.
  • Se mettre à l’écoute de la radio : France Inter, France Info ou des radios locales.


Ce qu’il ne faut pas faire

  • rester dans un véhicule.
  • Aller chercher ses enfants à l’école (les enseignants se chargent de leur sécurité).
  • Téléphoner (les réseaux doivent rester disponibles pour les secours).
  • Rester près des vitres.
  • Ouvrir les fenêtres pour savoir ce qui se passe dehors.
  • Allumer une quelconque flamme (risque d’explosion).
  • Quitter l’abri sans consigne des autorités.



La sécurité est l’affaire de chacun, il est normal de s’y préparer.

L’alerte est destinée à prévenir de l’imminence d’une situation mettant
en jeu la sécurité de la population et permet de prendre immédiatement
les mesures de protection.
Elle peut être donnée pour signaler un
nuage toxique ou explosif, un risque radioactif, une menace d’agression
aérienne, certains risques naturels.

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Et évidemment, si vous êtes responsable de la sécurité, attendez-vous à être ridicule quand vous agissez alors qu’il s’agit d’un test anodin et que vous n’avez pas été prévenu…

Ce qui m’a fait plaisir, c’est que plusieurs personnes ont répondu à mon email pour me féliciter et me dire qu’elles se sentaient en sécurité de savoir que quelqu’un veillait sur eux.

Et ça, ça efface bien le sentiment d’être ridicule 🙂

11 réflexions sur « Le chant des sirènes »

  1. Je ne vois pas en quoi tu as été ridicule à vouloir protéger l'établissement auquel tu es responsable. Tu as joué ton rôle à la perfection. Merci pour ses consignes que, pour la grande majorité des citoyens, nous ne connaissons pas. Il serait peut être bon de faire un rappel.

    • Deuxième phrase. "Je suis responsable de tous les problèmes informatiques et techniques de l'école d'ingénieurs où je travaille (…). Cela inclut l'entretien des espaces verts, etc.

    • Je suis responsable informatique ET technique. Cela signifie que je m'occupe de tous les problèmes techniques (autres qu'informatiques). Dans certaines entreprises, on parle des moyens généraux. Ce périmètre couvre l'entretien des espaces verts.

  2. C'est toujours facile à dire après, et je ne suis pas du tout convaincu d'être capable de faire la différence sur place, mais le son joué lors d'un test ou d'un exercice n'est pas non plus le même que pendant une alarme réelle.
    Un seul appel : c'est un test.

    "La France a défini un signal unique au plan national (Décret n°2005-1269 du 12 octobre 2005, Arrêté du 23 mars 2007). Il se compose d'un son modulé, montant et descendant, de trois séquences d'une minute 41 secondes séparées par un silence de cinq secondes. Il ne peut donc pas être confondu avec le signal d'essai d'une minute seulement, diffusé à midi le premier mercredi de chaque mois ou avec les déclenchements brefs utilisés par certaines communes pour l'appel des pompiers. La fin de l'alerte est annoncée par un signal continu de 30 secondes."

    Quant au ridicule : il ne tue pas. L'inaction, oui.

  3. Rien de ridicule dans cette réaction. «Juste» un boulot bien fait.
    Et il faut regarder le verre à moitié rempli : ça a pu servir d'exercice à tout le monde !
    Et en profiter pour en tirer quelques conclusions. Telle que : il va falloir acheter une petite radio portable 🙂

    • Et à ce titre, sans vouloir faire de pub', chez Natures et Découvertes ils ont un petit modèle à manivelle (pas besoin de s'inquiéter des piles) qui fonctionne très bien 😉

  4. Comme d'autres l'ont dit plus haut : pas de ridicule dans le fait d'avoir suivi et fait suivre les règles de sécurité, au contraire !

    Ça change des (nombreuses) fois où l'alarme incendie se déclenche et où tout le monde reste à son poste en se disant "mais non doit pas y avoir le feu" — alors qu'aucune alerte ou test n'était annoncé.

    Et le mail d'explications ensuite, c'est très bien : un peu de communication honnête ne fait jamais de mal. Mieux vaut que tout le monde autour de toi se dise que tu fais bien ton boulot, que tu prends soin d'eux et te fassent donc confiance pour la suite, plutôt qu'ils considèrent que les sonneries d'alarme ne servent à rien et sont à ignorer.

  5. Au contraire, je doute sincèrement que quiconque ai réagi de la même façon.

    Ne serait ce pas le petit côté geek qui tilte lorsqu'il entends des alarmes…? 😉

    Comme quoi nous pourrions sauver le monde!

  6. Tu as fait ton travail, c'est complètement idiot qu'ils n'aient pas utilisé le cycle unique qui est le signal de test (dans ma campagne il servait jusqu'à assez récemment à rameuter les pompiers volontaires quand ceux de garde ne suffisaient pas).

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