Mélanges

J’ai plusieurs activités que je mène en parallèle : ma vie professionnelle de responsable informatique et technique, une activité d’expert judiciaire, un mandat de conseiller municipal (délégué au développement numérique de la commune), des missions de conseils auprès des avocats, une vie familiale, une identité numérique et une vie personnelle (et sportive)…

Tous ces univers sont relativement étanches et indépendants.

J’ai des collègues de travail dont je suis relativement proches, j’ai de très bonnes relations avec des confrères experts judiciaires, je m’entends très bien avec mes colistiers de la commune (même avec certains de l’opposition, c’est dire ma bonne composition), j’ai une vie familiale riche et grisante, des copains…

Mais je ne suis pas quelqu’un de très bavard (sauf quand on me lance sur mes marottes 😉 et en dehors de ma proche famille, je n’ai pas d’ami, au sens que Montaigne donnait à ce terme (Par « ami », j’entends « quelqu’un qui peut traverser la France en cas de coup dur », pas un lien Facebook)

Finalement, je me sens assez seul, et ce blog me permet de tromper ce sentiment par l’écriture, en parlant de moi (oui, je sais, ce blog perso est TRES égocentré).

Pourtant, je peine à expliquer à la
plupart des personnes que je rencontre, l’intérêt des interactions
issues du monde virtuel. Probablement parce que le mot « virtuel » n’est
pas approprié. Un blog, un compte Twitter, une page Facebook, cela permet de générer des interactions sociales, des échanges d’idées, des piques, des blagues, des nouvelles sur tous les sujets, avec des vrais gens qui vivent dans le vrai monde réel.

Les outils numériques me permettent d’échanger avec un nombre très important de personnes, sans avoir à aller boire un coup au café, sans m’abrutir devant le journal télévisé, sans attendre la prochaine réunion familiale. Cela m’ouvre sur le monde, moi qui suis un peu autiste.

Quand je retrouve les copains avec qui j’ai fait mes études, j’ai du mal à leur faire comprendre l’intérêt des blogs. J’ai beau leur expliquer que ce blog m’a permis de rencontrer des gens formidables, de discuter avec des internautes par réseaux interposés, de participer à des conférences, de progresser dans mon savoir faire et dans mes opinions, je sens une certaine résistance de leur part…

Twitter est un outil plus compliqué à expliquer, car derrière la simplicité du concept se cache des interactions et des codes plus complexes. C’est un outil également très chronophage, que j’utilise avec parcimonie, car j’ai le souhait de lire TOUTE ma ligne de temps, c’est-à-dire TOUS les tweets des personnes que je suis. Je suis aussi le roi du retweete et je tweete souvent des liens d’articles de blogs que j’aime bien. Je suis assez pauvre en création personnelle (du coup vous pouvez me suivre sans crainte d’être flooder, enfin pas souvent 😉

Ma personnalité se transforme, au gré des passages d’un type d’interactions à un autre. Je suis sérieux dans mon travail, en charge d’une équipe, d’un groupe d’étudiants ou d’un projet. Je sais décider, trancher, avancer, tel un petit Salomon de Prisunic (©Desproges). Alors que dans ma vie publique de conseiller municipal, je suis beaucoup plus hésitant, à l’écoute, près à changer d’avis. Et sous mon identité numérique, je m’épanche volontiers sur mes sentiments, mes doutes, mes souffrances, ce que je ne fais jamais dans mon univers professionnel.

Je souffre d’un trouble dissociatif de l’identité : j’ai plusieurs personnalités qui se mélangent, et chacune se complaît dans un univers particulier. C’est assez étrange. Je peux assister à un événement très privé et me faire la réflexion, tout à fait hors de propos, « tiens, ça ferait un bon sujet de blog ». Je peux me rendre compte en réunion d’expertise que le problème évoqué pourrait tout à fait concerner le système informatique de ma société. En faisant la fête avec mes copains, j’ai parfois envie d’en faire profiter mes followers sur Twitter.

Mes copains sont bienveillants envers moi, les internautes qui me lisent
aussi, pour la plupart. Mes collègues, les étudiants, les magistrats, les clients me
trouvent compétent, enfin certains. Ma famille et ceux qui me côtoient de près, me trouvent un peu étrange, comme un grand gamin. Tous ces mondes se mélangent et s’interpénètrent, comme une surface de Boy.

Je m’enrichis de ces différences et, quand « les autres » m’effraient un peu, le filtre de l’écran me rassure un peu. Je suis un enfant qui ne veut pas mûrir.

Je crois que j’abuse aussi parfois des mélanges.

Mais c’est un abus fort commun et très plaisant.

3 réflexions sur « Mélanges »

  1. J'aime beaucoup ce billet, dans lequel je me retrouve beaucoup (pluri-actvité, rapport aux autres, pas de blog personnel mais très actif sur un forum en particulier…). Merci !

  2. C'est marrant, sur ce sujet autrement plus fédérateur que votre billet du 30 octobre, bien peu de monde (aussi bien XX que XY ne sachant d'un côte comme de l'autre faire la part des choses entre "l'humour" – de gustibus…- fût il d'une confrérie universitaire américaine mâle et le sexisme, quoique là c'est quand même assez compliqué). C'est pourquoi je me permettrai de citer ici notre Jauni national (non, pas celui-là, l'autre avec aussi un perfecto mais en plus un bandana autour du cou…) :
    "Même à la dernière des connes
    Je veux dédier ces quelques vers
    Issus de mon dégoût des hommes
    Et de leur morale guerrière
    Car aucune femme sur la planète
    N’s’ra jamais plus con que son frère
    Ni plus fière ni plus malhonnête
    A part peut-être, Madame Thatcher"
    Ou notre Pierrot lunaire au bindi naturel :
    "Plus je connais les hommes, plus j'aime mon chien. Plus je connais les femmes, moins j'aime ma chienne."
    Sexiste ? Phallocrate ?
    Merde, j'dois avoir l'esprit d'escalier !

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