Je regarde par la fenêtre de l’avion et la tension monte…
Je n’ai à mon compteur que six sauts, mais le prochain, le septième, est le premier que je vais faire entièrement seul… Je suis monté dans l’avion avec une certaine appréhension, les autres camarades de stage qui m’accompagnent effectuant leur sixième saut sont eux accompagnés de leur moniteur.
Dans l’avion, chacun est silencieux, concentré sur les figures imposées comme exercice pour son saut. Les moniteurs se font des signes entre eux, amusés par notre enthousiasme et notre inexpérience. Chaque stagiaire est dans sa bulle. La mienne grossit, grossit à mesure que l’avion prend de la hauteur. Le stress monte également, ce qui me surprend car les autres sauts ne m’avaient pas fait peur. Mais cette fois, je suis seul, sans moniteur pour me demander si tout va bien, pour me faire vérifier mon équipement encore une fois dans l’avion, pour me déstresser par un geste ou un sourire moqueur.
Je vérifie mon équipement : la poignée permettant de sortir l’extracteur de la voile est bien en place, les deux poignées de la terrible procédure de sécurité sont bien là (largage de la voile principale et ouverture de la voile de secours), les sangles sont bien mises…
[Note: le mot « parachute » désigne l’ensemble complet : sac + voile principale + voile de secours + sangles, poignées et dispositifs divers]
Je regarde l’aiguille de l’altimètre tourner lentement : 2500m, 3000m, 3500m, 4000m… Quand elle indique 4200m, le pilote secoue une grosse clochette et l’un des moniteurs ouvre la porte. Le vacarme ambiant augmente d’un cran. Je suis le premier qui doit sauter, je suis assis à même le sol de la cabine exiguë qui peine à loger les 9 parachutistes.
Je me lève tant bien que mal, chacun me laissant une petite place pour me permettre de bouger.
Pendant la montée, j’ai décidé du type de sortie que j’allais faire : un roulé-boulé arrière qui démarre dos au vide. J’ai également repensé à toutes les péripéties qui me sont arrivées tout au long de ces quatre derniers jours, pendant ma formation PAC :
– Lors du 1er saut, j’attendais je ne sais quel signe pour ouvrir ma voile, la main sur la poignée de l’extracteur… L’un des moniteurs a saisi ma main (et la poignée avec) et tiré dessus pour me faire ouvrir la voile !
– Autant la voile s’était ouverte en douceur pour mon 1er saut, autant elle a « claqué » lors du 2e saut. Je suis secoué comme un pantin désarticulé pendant son ouverture. Je ne m’y attendais pas du tout !
– Pour le 3e saut, le moniteur qui nous guide du sol pendant toute la descente sous voile (chaque élève dispose d’une oreillette radio) s’emmêle dans les couleurs des voiles et je prends pour moi un ordre impératif de faire demi-tour, alors que je ne suis plus qu’à 50m du sol. Me voilà donc vent arrière pour me poser. Trop tard pour changer de direction, je me pose en courant, avec une belle gamelle à la clef et une dizaine de mètres à brouter de l’herbe !
– Les conditions météo ont changé en altitude, et voilà qu’il fait -5°C à 4200m… Je n’avais pas vraiment prévu cela : je n’ai pas de gants, pas de pull. Y fait frette!
– Je n’ai pas réussi l’exercice du 4e saut consistant à rester en chute libre volontairement sur le dos pendant quelques secondes… Je suis tellement cambré que je me retourne immédiatement. A moins que ce ne soit mon (léger) ventre qui décale mon centre de gravité 😉
– Le roulé-boulé avant du 5e saut était correct (voir vidéo ci-après). Mais lorsque j’ai ouvert les bras, je me suis retrouvé sur le dos ! Du coup, je me suis cambré pour me retourner, mais le retournement a été plus brutal que prévu et je me suis désarticulé (voir vidéo).
– Pendant l’exercice consistant à faire un 360° à plat, à droite, puis à gauche, j’ai les deux coudes trop bas. Du coup, je n’arrive pas bien à tourner. Il me faut un peu de temps pour comprendre, mais à 200 km/h, le temps manque. Priorité au contrôle de l’altimètre et à l’ouverture de la voile !
– Lors du 6e saut (et dernier saut accompagné), après le roulé-boulé arrière et les deux séries de tonneaux de l’exercice, une fois stabilisé, j’ai perdu mes surlunettes ! Ce qui veut dire que mes lunettes de vue était exposée directement au vent relatif de la chute libre à 200 km/h. Elles sont restées par miracle sur mes yeux. Le moniteur a apprécié que je ne m’en occupe pas plus que ça et que je me concentre sur ma stabilité, mon altimètre et mon ouverture de voile. Néanmoins, juste avant que la voile ne me secoue comme un prunier, j’ai sauvé mes lunettes en mettant les deux mains sur les yeux !
5e saut PAC, où le pantin désarticulé qui cherche à se stabiliser 😉
Musique audionautix.com (Pentagram)
–oOo–
Je suis maintenant seul pour sauter de l’avion. Je tiens la barre à deux mains.
Je me lance un « go » dans la tête, lâche la barre qui me retient à l’avion, lance la tête en arrière, attrape mes deux genoux avec les mains et commence une série de 4 pirouettes arrières dans le vide.
Je me mets sagement à plat et stabilise comme je peux ma position. Je teste quelques mouvements des bras et des jambes et analyse leurs impacts sur ma position.
Je regarde mon altimètre toutes les cinq secondes.
A partir de 2000m, je ne le quitte plus des yeux, en révisant mentalement la procédure de sécurité à faire si la voile ne s’ouvre pas.
A 1700m, je sors l’extracteur et déclenche l’ouverture de la voile.
A 1500m, la voile est correctement déployée, je pousse un cri sauvage de joie et prend les commandes. Les six minutes suivantes sont une formalité : je profite de la vue, je fais quelques 360° sous voile, je me rends tranquillement vers mon point de rendez-vous de 300m, je fais mon approche finale et je me pose en douceur (sur les fesses, c’est ma technique 😉
Je savoure le plaisir intense que je viens de vivre. Je vous laisse deviner la définition la plus appropriée de l’expression « septième ciel » qui s’applique à ce que je ressens après ce septième saut.
J’ai une pensée pour Sid et je le remercie de m’avoir encouragé à faire cette formation.
Puis je range mon parachute et rentre à pied au hangar, avec des étoiles plein les yeux et la musique de « Top Gun » dans la tête 😉
Salut.
Ce poste me rappel de lointains souvenirs ( pac en 1999 ) ^^ Que du bonheur ..
Par contre tu est super prudent d'ouvrir a 1500m ?? si je me souvient a mon époque la consigne c’était d'ouvrir entre 1000m et 800m ….
Je n'ai fait que suivre les consignes des moniteurs encadrant ma formation : déclenchement à 1700m pour une mise en service de la voile à 1500m (perso, j'aurais ouvert encore plus haut 😉
1200m minimum pour élèves et brevet A, pas en dessous.
Je vous invite à faire un tour sur le site de la FFP.
Ouvrir haut permet aussi de découvrir sa voile en laissant une marge de manoeuvre en cas de pépin. Ne pas oublier le Cypres non plus…