Décret du 24 décembre 2012 relatif à l’expertise et à l’instruction des affaires devant les juridictions judiciaires

Le 24 décembre dernier est paru un décret méritant l’attention de mes lecteurs experts judiciaires ou avocats. Pour les autres, c’est l’occasion, pour les justiciables que vous êtes, de lire un peu de droit dans le texte.

Ce texte prévoit entre autres choses la désignation dans chaque juridiction d’un ou plusieurs juges chargés du contrôle des expertises, rend nécessaire la motivation du choix d’un expert hors liste, indique que l’expert doit simultanément au dépôt de son rapport adresser aux parties un exemplaire de sa demande de rémunération, pour leur permettre de faire part de leurs observations écrites (sur la rémunération) dans un délai de 15 jours.

Je vous en souhaite bonne lecture.

Décret n° 2012-1451
du 24 décembre 2012 relatif à l’expertise et à l’instruction
des affaires devant les juridictions judiciaires

NOR : JUSC1206979D

Publics concernés :
experts judiciaires, avocats, justiciables.

Objet : création de
la fonction de juge chargé du contrôle des expertises civiles au
sein de chaque juridiction ; mise en œuvre de mesures d’information
concernant la rémunération des experts ; critères d’inscription
sur les listes d’experts judiciaires ; modification de la procédure
orale devant le tribunal de commerce et instauration d’un juge
chargé d’instruire l’affaire.

Entrée en vigueur :
les dispositions des chapitres II et IV du texte entrent en vigueur
le premier jour du deuxième mois suivant sa publication. Les autres
dispositions entrent en vigueur le lendemain de la publication.

Notice : le décret
modifie le code de l’organisation judiciaire afin de permettre la
désignation dans chaque juridiction d’un juge chargé du contrôle
des expertises.

Il modifie certaines
dispositions du code de procédure civile relatives à la
rémunération des experts en prévoyant une obligation pour l’expert
de demander au juge une provision supplémentaire en cas
d’insuffisance manifeste de la provision initiale et en instaurant
la possibilité pour les parties de présenter des observations sur
la demande de rémunération. Le juge qui ordonne une expertise devra
désormais motiver la désignation d’un expert qui ne serait pas
inscrit sur les listes établies par les cours d’appel ou la cour
de cassation.

Le décret énumère
de manière non limitative les critères qui pourront être pris en
compte pour accepter ou rejeter une demande d’inscription sur une
liste des experts judiciaires. Enfin, la procédure orale devant le
tribunal de commerce est modifiée. Il est créé un juge chargé
d’instruire l’affaire qui coordonne la procédure avant renvoi
devant la formation de jugement. Ce juge peut faire un rapport oral à
l’audience avant les plaidoiries.

Références : les
dispositions du code de l’organisation judiciaire, du code de
procédure civile et du décret n. 2004-1463 du 23 décembre 2004
relatif aux experts judiciaires modifiées par le présent décret
peuvent être consultées, dans leur rédaction issue de cette
modification, sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la
garde des sceaux, ministre de la justice,

Vu le code de
commerce, notamment son article R. 661-6 ;

Vu le code de
l’organisation judiciaire, notamment son article L. 121-3 ;

Vu le code de
procédure civile, notamment son article 155-1 ;

Vu le code de
procédure pénale, notamment ses articles 157 et R. 115 ;

Vu la loi n. 71-498
du 29 juin 1971 modifiée relative aux experts judiciaires ;

Vu le décret n.
2004-1463 du 23 décembre 2004 modifié relatif aux experts
judiciaires ;

Le Conseil d’Etat
(section de l’intérieur) entendu,

Décrète :

CHAPITRE Ier

Dispositions
relatives au juge chargé de contrôler l’exécution des mesures
d’instruction

Art. 1er. −
L’article R. 212-37 du code de l’organisation judiciaire est
complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 10° Le projet
d’ordonnance préparé par le président du tribunal désignant le
magistrat chargé de contrôler l’exécution des mesures
d’instruction conformément à l’article 155-1 du code de
procédure civile. »

Art. 2. − Après
la sous-section 4 de la section 1 du chapitre III du titre I er du
livre II du même code, il est inséré une sous-section 5 ainsi
rédigée :

« Sous-section 5

« Le juge chargé
de contrôler l’exécution des mesures d’instruction

« Art. R. 213-12-1.
− Le président du tribunal de grande instance désigne un ou
plusieurs juges chargés de contrôler l’exécution des mesures
d’instruction conformément aux dispositions de l’article L.
121-3. »

Art. 3. − Le
troisième alinéa de l’article 155 du code de procédure civile
est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le contrôle de
l’exécution de cette mesure peut également être assuré par le
juge désigné dans les conditions de l’article 155-1. »

Art. 4. − Dans le
chapitre II du sous-titre III du titre I er du livre II du même
code, l’article 819 est ainsi rétabli :

« Art. 819. − Le
juge chargé de contrôler l’exécution des mesures d’instruction,
désigné dans les conditions de l’article 155-1, est compétent
pour assurer le contrôle des mesures d’instruction ordonnées en
référé, sauf s’il en est décidé autrement lors de la
répartition des juges entre les différentes chambres et services du
tribunal.

« Il est également
compétent pour les mesures ordonnées par le juge de la mise en état
en application de l’article 771, sauf si ce dernier s’en réserve
le contrôle. »

Art. 5. − Dans le
chapitre II du sous-titre III du titre VI du livre II du même code,
il est inséré un article 964-2 ainsi rédigé :

« Art. 964-2. −
La cour d’appel qui infirme une ordonnance de référé ayant
refusé une mesure d’instruction peut confier le contrôle de la
mesure d’instruction qu’elle ordonne au juge chargé de contrôler
les mesures d’instruction de la juridiction dont émane
l’ordonnance. »

CHAPITRE II


Dispositions
relatives à la désignation et à la rémunération des experts
judiciaires

Art. 6. − Le
deuxième alinéa de l’article 265 du code de procédure civile est
complété par les mots : « ou la désignation en tant qu’expert
d’une personne ne figurant pas sur l’une des listes établies en
application de l’article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971
relative aux experts judiciaires ; ».

Art. 7. − La
première phrase du second alinéa de l’article 280 du même code
est remplacée par les dispositions suivantes :

« En cas
d’insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des
diligences faites ou à venir, l’expert en fait sans délai rapport
au juge, qui, s’il y a lieu, ordonne la consignation d’une
provision complémentaire à la charge de la partie qu’il
détermine. »

Art. 8. −
L’article 282 du même code est complété par un alinéa ainsi
rédigé :

« Le dépôt par
l’expert de son rapport est accompagné de sa demande de
rémunération, dont il adresse un exemplaire aux parties par tout
moyen permettant d’en établir la réception. S’il y a lieu,
celles-ci adressent à l’expert et à la juridiction ou, le cas
échéant, au juge chargé de contrôler les mesures d’instruction,
leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de
quinze jours à compter de sa réception. »

Art. 9. − Au
premier alinéa de l’article 284 du même code, les mots : « Dès
le dépôt du rapport, » sont remplacés par les mots : « Passé le
délai imparti aux parties par l’article 282 pour présenter leurs
observations, ».

CHAPITRE III


Dispositions
relatives à la procédure d’inscription des experts judiciaires

Art. 10. − Après
l’article 4 du décret du 23 décembre 2004 susvisé, il est inséré
un nouvel article ainsi rédigé :

« Art. 4-1. − Les
demandes d’inscription sur les listes d’experts judiciaires sont
examinées en tenant compte :

a) Des
qualifications et de l’expérience professionnelle des candidats, y
compris les compétences acquises dans un Etat membre de l’Union
européenne autre que la France ;

b) De l’intérêt
qu’ils manifestent pour la collaboration au service public de la
justice. »

Art. 11. − Le
premier alinéa de l’article 8 du même décret est complété par
les dispositions suivantes : « en tenant compte des besoins des
juridictions de son ressort dans la spécialité sollicitée ».

CHAPITRE IV


Dispositions
relatives à l’instruction des affaires devant le tribunal de
commerce

Art. 12. − Le code
de procédure civile est ainsi modifié :

1° A l’article
861, sont supprimés les mots : « en qualité de juge rapporteur »
;

2° Dans l’intitulé
de la sous-section II de la section II du chapitre I er du titre III
du livre II ainsi qu’aux articles 861-3 à 868, les mots : « juge
rapporteur » sont remplacés par les mots : « juge chargé
d’instruire l’affaire » ;

3° L’article 869
est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 869. − Le
juge chargé d’instruire l’affaire la renvoie devant le tribunal
dès que l’état de l’instruction le permet.

« Art. 870. − A
la demande du président de la formation, le juge chargé d’instruire
l’affaire fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant
les plaidoiries. Ce rapport peut également être fait par le
président de la formation ou un autre juge de la formation qu’il
désigne.

« Le rapport expose
l’objet de la demande et les moyens des parties, précise les
questions de fait et de droit soulevées par le litige et fait
mention des éléments propres à éclairer le débat, sans faire
connaître l’avis du juge qui en est l’auteur.

« Art. 871. − Le
juge chargé d’instruire l’affaire peut également, si les
parties ne s’y opposent pas, tenir seul l’audience pour entendre
les plaidoiries. Il en rend compte au tribunal dans son délibéré.
»

Art. 13. − Au 3°
de l’article R. 661-6 du code de commerce, les mots : « selon les
modalités prévues au premier alinéa du même article » sont
remplacés par les mots : « sous le contrôle d’un magistrat de la
chambre dans les conditions prévues par les articles 763 à 787 du
même code ».

CHAPITRE V


Dispositions
diverses et transitoires

Art. 14. − Au
deuxième alinéa de l’article R. 115 du code de procédure pénale,
les mots : « le tiers » sont remplacés par les mots : « la moitié
».

Art. 15. − Les
dispositions des chapitres II et IV du présent décret entrent en
vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication.

Art. 16. − I. –
Le présent décret est applicable dans les îles Wallis et Futuna
selon les modalités suivantes :

1° A l’article
1575 du code de procédure civile, après les mots : « îles Wallis
et Futuna », sont insérés les mots : « dans sa rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du 24
décembre 2012 » ;

2° A l’article R.
531-1 du code de l’organisation judiciaire, après les mots : «
Wallis et Futuna », sont insérés les mots : « dans sa rédaction
en vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du
24 décembre 2012 » ;

3° Au troisième
alinéa de l’article R. 251 du code de procédure pénale, après
les mots : « îles Wallis et Futuna », sont insérés les mots : «
dans sa rédaction en vigueur le lendemain de la publication du
décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 ».

II. – 1° Le code
de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

a) Aux articles R.
552-9, R. 552-21 et R. 552-23, après les mots : « Polynésie
française », sont insérés les mots : « dans leur rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du 24
décembre 2012 » ;

b) L’article R.
552-10 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. R. 552-10. −
Les dispositions des articles R. 213-8, R. 213-9-1 et R. 213-12-1
sont applicables en Polynésie française dans leur rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 24
décembre 2012. » ;

2° Au deuxième
alinéa de l’article R. 251 du code de procédure pénale, après
les mots : « Polynésie française », sont insérés les mots : «
dans sa rédaction en vigueur le lendemain de la publication du
décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 ».

III. – 1° Le code
de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

a) Aux articles R.
562-9, R. 562-30 et R. 562-33, après les mots : «
Nouvelle-Calédonie », sont insérés les mots : « dans leur
rédaction en vigueur le lendemain de la publication du décret n°
2012-1451 du 24 décembre 2012 » ;

b) L’article R.
562-10 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. R. 562-10. −
Les dispositions des articles R. 213-8, R. 213-9-1 et R. 213-12-1
sont applicables en Nouvelle Calédonie dans leur rédaction en
vigueur le lendemain de la publication du décret n° 2012-1451 du 24
décembre 2012. » ;

2° Au premier
alinéa de l’article R. 251 du code de procédure pénale, après
les mots : « Nouvelle-Calédonie », sont insérés les mots : «
dans sa rédaction en vigueur le lendemain de la publication du
décret n° 2012-1451 du 24 décembre 2012 ».

IV. – Dans le
décret du 23 décembre 2004 susvisé, les mots : « dans sa
rédaction en vigueur le lendemain de la publication du décret n°
2012-1451 du 24 décembre 2012 », sont insérés à l’article 38-3
après les mots : « Polynésie française » et à l’article 38-4
après les mots : « Wallis et Futuna ».

Art. 17. − La
garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre des
outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution
du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la
République française.

Fait le 24 décembre
2012.

Par le Premier
ministre : JEAN-MARC AYRAULT

Le garde des sceaux,
ministre de la justice, CHRISTIANE TAUBIRA

Le ministre des
outre-mer, VICTORIN LUREL

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Source image: Wikipedia Allégorie de la Justice (Canada)

Une réflexion sur « Décret du 24 décembre 2012 relatif à l’expertise et à l’instruction des affaires devant les juridictions judiciaires »

  1. Votre image d'illustration ma tout de suite fait penser à celle que je me représentais de Ser Ilyne Payne, Justice du Roi dans "Game of Thrones" 😉

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