Je me souviens de mon enfance

Je me souviens d’une fleur bleue dans le jardin du logement de fonction de mes parents à Willems dans le Nord. J’avais quatre ans. Pourquoi mon cerveau a-t-il mémorisé cette image plutôt qu’une autre, je ne sais pas. Mais c’est le souvenir le plus ancien dont j’ai conscience.

Je me souviens des pas du premier homme sur la lune. J’étais en camping avec mes parents en Espagne. Nous regardions les informations le soir dans une salle commune sur une télévision en noir et blanc. La salle était bondée. J’ai longtemps cru avoir vu Neil Armstrong sortir de « Eagle » en direct, mais il est peu probable que mes parents m’ait laissé veiller jusqu’à 3h56 du matin. J’ai donc du voir la retransmission lors du journal du soir. J’avais six ans.

Je me souviens de la Peugeot 403 de mes parents. Il y avait un accoudoir au milieu de la banquette arrière sur lequel je m’asseyais fièrement pour mieux voir la route. Il n’y avait pas de ceinture, ni à l’avant, ni à l’arrière.

Je me souviens des lignes jaunes sur les routes de France, avant qu’elles
ne passent toutes en blanc. Je me demande comment étaient alors
signalés les travaux… C’est amusant de voir qu’à peu près en même temps, les États-Unis remplaçaient le marquage blanc des routes, par un marquage jaune.

Je me souviens du bruit que faisait le gros bouton de changement de chaînes de notre poste de télévision noir et blanc. Je me souviens aussi de la venue du technicien lors de la création de la troisième chaîne couleur de l’ORTF. Il possédait un savoir qui m’a fasciné: le pouvoir de régler cet objet incroyablement compliqué qu’était une télévision. Après son départ, nous avions une troisième lucarne sur le monde. Mais toujours pas le droit de la regarder la veille des jours de classe… C’est-à-dire en pratique uniquement le samedi après-midi. J’avais alors onze ans.

Je me souviens du « landi » (orthographe?) lendit, sorte de gymnastique dont on faisait tous les mouvement ensemble dans la cour de récréation.

Je me souviens des murs en torchis de la maison. Ce mélange de paille et d’argile recouvrait l’intérieur des murs de briques rouges, et était caché par nos tapisseries.  Il était impossible d’y faire tenir quoi que ce soit d’un peu lourd avec des clous. Je me souviens d’une armoire à médicaments qui s’est effondrée avec fracas, sans prévenir, emportant quelques poignées de torchis.

Je me souviens des quelques fois où mes parents sortaient le samedi soir, nous laissant ma sœur et moi blottis dans le grand lit de mes parents. Tous les craquements de notre grande maison me terrorisaient.

Je me souviens de la traversée de l’école des filles, par le 1er étage, pour aller à la cantine située dans l’école maternelle. Cette école, jumelle de la notre du point de vue architecturale, était subtilement différente.

Je me souviens du Manège enchanté et de Zébulon qui me faisait peur. Je me souviens d’Aglaé et Sidonie. Je me souviens de la Maison de Toutou, de Bonne nuit les petits qui donnait le signal du brossage de dents… Je me souviens des Shadoks saison 2 (ZO) et saison 3 (MEU), de leur univers étrange, de la voix de Claude Piéplu et du tombé de rideau final de chaque épisode, qui me terrorisait.

Je me souviens du grenier de la maison, encombré de vieilles tables d’école avec pupitre en bois et encriers. Elles sont recherchées maintenant par beaucoup de collectionneurs…

Je me souviens de la grande pièce où nous travaillions tous les soirs, ma sœur, mes parents et moi, chacun sur son bureau. Sur un mur étaient entassés des cageots en bois formant une grande bibliothèque dans laquelle étaient rangées toutes nos affaires. Des cageots originellement prévus pour le stockage des oranges.

Je me souviens d’une cravate à élastique que je devais mettre dans les grandes occasions, avec ma tenue du dimanche, les cheveux bien peignés.

Je me souviens de mon enfance solitaire et studieuse, heureuse et protégée par l’amour et la vigilance de mes parents.

Je m’en souviens surtout en cette soirée consacrée à la fin d’une expertise judiciaire en recherche d’images et de films pédopornographiques. Je me souviens et je pleure.

12 réflexions sur « Je me souviens de mon enfance »

    • De mon côté, quelques années plus tard , toutes les écoles de mon canton de seine-et-marne se retrouvaient annuellement pour ce que l'on appelait les "jeux du lendit".
      C'était l'occasion pour les écoles de pratiquer le chauvinisme communal et de s'affronter à des jeux très aboutis comme la course en sac, le parcours de cerceaux, le chamboultou…. Et on aimait bien ça 🙂
      Le tout finissait avec une petite dansette qui finalement devait s’apparenter au lendit décrit dans votre lien.
      je viens peut-être de comprendre l'origine d'un terme qui est flou dans mon esprit depuis cette époque, merci 🙂

  1. Je me souviens des Shadoks…
    Et moi je m'entrainais à compter en shadock (comme Boby LAPOINTE comptait en "bibi"…)
    0. GA
    1. BU
    2. ZO
    3. MEU
    4. BUGA
    5. BUBU
    6. BUZO
    7. BUMEU
    8. ZOGA
    9. ZOBU
    10.ZOZO

  2. Tout suffocant
    Et blême, quand
    Sonne l'heure,
    Je me souviens
    Des jours anciens
    Et je pleure…

    Belle référence, Merci

  3. La nuit est vraiment "le" moment de la création, pas vrai? 🙂

    N'empêche… c'est quand même fou comme on peut perdre tout sens logique parfois, simplement en repensant à des flashback d'une mémoire sélective. J'entends par là que d'autres enfants subissaient d'autres maux déjà à l'époque. Les temps on changés, mais pas vraiment l'homme, et le "bon vieux temps" est juste maquillé.

    Allez hop, au dodo! –> Zzzz… -o-

  4. Ayant mon tout jeune fils de 17jours dans les bras je n'ai pu m'empêcher de partager vos pleurs en lisant la dernière phrase de votre billet.

    Courage à vous pour ces durs soirées, et merci pour ces belles évocations de souvenirs que je partage pour certain d'entre eux, malgré notre différence d'age.

  5. La fin est dure, et invite le lecteur à reconsidérer l'image. Finement trouvé.
    Tous ces souvenirs communs à une génération, le brusque retour à l'horreur, vous n'êtes pas loin d'un Stephen King (je ne ferai pas de liens littéraires pour un tel post). Mais je crois que je me répète.

  6. Ce billet résonne particulièrement pour moi qui ai récemment appris que deux camarades de classe au collège avaient été victimes régulières d'attouchements par leur chauffeur de car.

    Je n'ai pas vérifié les chiffres, mais il me semble que statistiquement, chacun d'entre nous connaissons sans le savoir plusieurs victimes de viols, de maltraitance et/ou de pédophiles. Quand on y pense, ça fait froid dans le dos, et il n'y a pas grand-chose d'autre à faire que de se souvenir, et de pleurer.

  7. Je me souviens de mon premier Noël j'avais 1 ans je me souviens de la premiere fois ou je suis allée a plopsa land j 'avais deux ans je me souviens de beaucoup de chose de quand j'avais 1 ans 2ans et même quelques moi quelqu'un serai me dire ppursoui je me souviens d'autant de chose?

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