Le 11 septembre 2001, je me souviens très bien de ce que je faisais, comme beaucoup de monde, alors que je suis souvent incapable de me souvenir avec précision de ce que je faisais la semaine dernière.
J’étais en TP d’informatique avec mes étudiants. Un TP consacré à la recherche d’information sur Internet… Altavista était encore l’un des moteurs de recherche les plus utilisés. Windows 98 SE était encore bien utilisé dans mon établissement. C’était une autre époque, un autre monde.
J’étais en TP avec mes étudiants quand l’un d’entre eux m’appelle pour me montrer les deux tours en feu. L’information a fait le tour de la salle et nous nous sommes tous retrouvés hypnotisés face aux écrans.
J’aimerais pouvoir dire que j’ai tenu des propos alertes sur le monde libre face à la lâcheté du terrorisme. Mais je me souviens surtout avoir dit à mes étudiants quelque chose comme: « A force d’opprimer les peuples, de vivre grassement sur leur misère, les pauvres se rebellent… Le fossé est trop grand entre ceux qui ont des problèmes de cholestérol et ceux qui ont des problèmes de malnutrition. »
Un étudiant m’a alors regardé en disant: « Monsieur Zythom, nous sommes en train de regarder des milliers de personnes mourir. Ce n’est pas le moment de parler politique. »
Me faire ouvrir les yeux et le cœur si justement par un jeune de 18 ans m’a montré à quel point je pouvais être à côté de la plaque dans un moment historique.
A titre de pénitence, j’ai regardé mourir des gens en boucle toute la soirée. Et je n’ai plus jamais fait la moindre allusion plus ou moins politique avec mes étudiants.
Alors oui, je me souviens d’où j’étais, de ce que je faisais, mais aussi de ce que je disais. Et chaque année, les commémorations me renvoient à ma propre insensibilité. Je suis pitoyable.
Et vous, vous souvenez vous vraiment de votre attitude ce jour là?
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Photographie Marc Lamey
Moi j'aurais répondu: au contraire c'est justement le moment de faire de la politique, et de ne surtout pas la laisser à ceux qui en feront un prétexte pour, par exemple, déclencher des guerres, passer des lois liberticides, toutes ces choses là.
@Spyro: Il y un temps pour chaque chose: un temps pour l'émotion, un temps pour la réflexion, un temps pour la discussion, etc. Il faut (je pense) à chaque fois partager ces moments en phase avec les autres.
"Et vous, vous souvenez vous vraiment de votre attitude ce jour là?
De manière étonnamment claire, avec pleins de détails débiles en plus, comme je le racontais hier sur mon blog…
Comme vous, j'arrive à me souvenir de choses totalement insignifiantes que j'ai faites ce jour là, alors que des choses qui datent d'il y a à peine deux semaines me sont totalement sorties de la mémoire… Quand on parle de sélectivité de la mémoire…
Oui, je me suis dit " que pensent les (rares) japonais survivants de Hiroshima et Nagasaki ?
"La plus grande peine, pour tous ceux qui ne s'intéressent pas à la politique est qu'ils seront gouvernés par des gens qui, eux, s'y intéressent."
– Arnold Joseph Toynbee (inspirateur de Sid Meier's Civilisation)
Cela vaut avant, après, mais aussi pendant le spectacle atroce qui se déroulait ce jour-là.
@Elu_Local
Je suis un peu comme Zelba, avec ses deux notes "ce qu'il en reste". Mon cerveau se souvient d'un comportement insignifiant de ce jour là dont je ne suis pas fier. Et cela prend tout l'espace…
Auteur de commentaires du même acabit en ce jour le plus long de notre génération, je n'en éprouve cependant pas autant de remords que vous, Zythom. Je me souviens très bien de cet ouvrier sur le quai du métro romain qui, plus trivialement, disait en substance qu'«ils» l'avaient bien cherché, les Américains…
Puis il y a eu les images en boucle, leur mise en forme à sens unique et notre alignement, notre alignement à nous Français, Européens, Occidentaux, nécessaire réflexe salvateur, certes… qui depuis est devenu sécuritaire et s'est imposé comme le « parce que » des enfants à nos vies adultes désormais contrôlées -pire : épiées.
Aucune mort ne mérite le mépris. Que ce soit celles du 11 septembre ou celles des 18000 enfants qui chaque jour meurent de faim ou de malnutrition.
moi, ce jour là, je gérais l'accès Internet de la boite. 128ko/s à l'époque !! Et je me souviens avoir râler toute la journée sur l'upgrade que l'on aurait du faire à 2Mo le mois d'avant et là Internet était complètement HS et pas du tout de télé. Retour à Radio France dans le bureau. Mon 11 septembre, c'est Radio France 🙂
Et le tsunami de Fukushima nous apprendra la modestie face aux désastres terroristes…
Je ne me rappelle plus précisement du moment où j'ai appris la nouvelle, cela devait être à la radio en rentrant chez moi.
Par contre je me rappelle très bien d'avoir allumé la télé tout habillé et d'être resté médusé un bon moment en me disant "mon dieu c'est la 3ème guerre mondiale demain".
Je me suis beaucoup documenté sur ces attentats très choquants.
Mais mon choc à été plus grand encore après avoir vu le film 11'09"01 September 11 (https://en.wikipedia.org/wiki/11'09%2201_September_11). Quand on réalise le décalage entre ces 3000 morts* et les bien plus nombreux morts dans d'autres catastrophes/guerres/conditions de vie, on est perturbé.
* si je m'en tiens au 11 septembre uniquement, sans compter les conséquences.
Ce n'était pas à côté de la plaque, bien au contraire. Pourquoi se forcer à l'émotion pour ces morts là, et fermer les yeux devant tous les autres que l'on ne voit pas ? Parce qu'ils sont blancs et possèdent une télé à écran plat, comme nous ?
Je passais dans un couloir, un collègue m'a appelé : un avion s'était encastré dans une des tours du WTC !
Ma réflexion sur le coup fut que n'ai pas pu m'empêcher de faire partager à ce collègue : "Bon ben c'est ballot mais un accident ça peut arriver y zon qu'a pas survoler les villes aussi ces couillons !"
Je suis ensuite retourné à mon bureau, et je regardais de temps en temps les infos sur cet accident quant 15-20mn après un deuxième avion se crache dans l'autre tour !
"Bon ok c'est pas un accident… alors c'est peut-être la 3e guerre mondiale ou au moins un gros bordel en préparation… y sont cons aussi ces ricains de se la jouer toujours à celui qui a la plus grosse, fatalement ça donne envie à certains de participer au concours !"
Puis un avion dans le pentagone puis les tours qui s’effondrent avec des gens qui sautent pour mourir écrasé plutôt que brulé.
Merde ça va faire un paquet de morts, je prends alors conscience de l'horreur de la situation a New-York.
Mes réflexions sur le coup étaient surement très bêtes et je n’ai pas plus de talent et d'imagination pour prédire l'avenir qu'un analyste politique.
Il n'y a pas eu une 3e guerre mondiale, mais il y a depuis une telle régression des libertés sur l’autel de la sécurité que je pense que les terroristes ont largement gagné : on est terrorisé et les USA et ses alliés sont allé jusqu’à bafouer toutes leurs convictions affichées en s’asseyant sur les conventions internationales régissant les prisonniers de guerre et sur la justice et en pratiquant ouvertement la torture (que ce soit dans des geôles américaines style Guantánamo ou en envoyant les prisonniers dans des mains "amies" )
Je laisse au second plan les mensonges éhontés ayant conduit à la guerre d'Irak car il semble que la plupart des américains aient été dupé par l'équipe Bush.
Chez nous les poubelles restent en plastique transparent (ça, ça date de 95 on devrait avoir l'habitude, ben moi, non) et Vigipirate reste rouge (on a même inventé le niveau écarlate) et, si l'insécurité ne descend pas, il devient difficile d'aller faire pipi contre un arbre sans se faire filmer par les caméras de surveillance.
Il semble cependant certain que la destruction des tours ait eu pour conséquence plus de morts civils en Afghanistan et en Irak qu'aux États-Unis et je les déplore tous de la même façon.
J’espère retrouver un jour une société plus libre ou l'on ne se méfieras plus, a priori, du voisin, ou l'on ne demandera plus a des gamins de 4 ans de boire dans leur bouteille au contrôle pour prendre l'avion (dès fois qu'ils veuillent mourir pour une cause quelconque a cet age) et où les militaires en armes (des fusils d’assaut en plus) cesseront de patrouiller dans nos gares. Ce jour là on aura gagné contre les terroristes beaucoup plus surement qu'en tuant, sans autre forme de procès, un Ben Laden.
Malheureusement, il n'y avait pas grand chose à faire pour ceux qui étaient déjà morts ou pas loin de l'être… et s'il est sans doute plus aisé de rester figé devant le niveau jamais atteint de ces attentats, réfléchir aux tenant et aboutissants n'en est pas moins humain.
Peut-être que ce type de réflexion aurait amené à d'autres actions sur la décennie passée, rendant moins probable la réitération d'évènements tragiques de ce genre…
Ce n'est hélas pas ce qui s'est passé et le monde est encore bien plus troublé maintenant qu'il y a 10 ans.
Car "dans la vie, on récolte toujours ce que l'on sème".
L'adage paysan frappé du bon sens, certes plus évident au niveau individuel, s'applique aussi aux états.
Le rappeler n'a rien d'insensible, c'est juste voir au delà de l'orthodoxie informationnelle.
Tout le monde n'en semble hélas pas capable, sinon le monde tournerait sans doute mieux.
Au final, nous continuons de coincer un nombre croissant de populations avec notre toute puissance militaire… ne leur laissant de fait comme seule possibilité pour rendre des coups que de les placer au dessous de la ceinture.
Comme disait Desproges : "J'ai repris 3 fois des nouilles"… et 10 ans après, je m'en contrefous encore plus…
Sur les remarques de bon sens, cette citation:
« Tant qu'un homme peut mourir de faim à la porte d'un palais où tout regorge, il n'y aura rien de stable dans les institutions humaines ».
Eugène Varlin
Pour tout dire, je l'ai lu ici:
https://education.blog.lemonde.fr/2011/09/08/rentree-scolaire-demoralisante-la-patience-coute-peu-a-qui-travaille-beaucoup-%E2%80%A6/
Toutes ces considérations de diabétiques et crève la faim se sont bien rapprochées, en seulement 10 ans… et nos politiques, que le ridicule ne tue (hélas?) pas, de prôner la moralité sur PDF, en CP…
Ce sont eux, qui sont lamentables… et probablement sans remords, eux.
A défaut de question politique, on peut poser une autre question:
Peut-on vivre au travers de ce que l'on nous montre ?