Je viens d’être rendu destinataire d’un courrier assez amusant puisque je sais de source sûre que les juridictions sont en proie aux affres de l’installation de nouveaux logiciels dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne présentent pas les garanties de bon fonctionnement attendues…
Les différents textes relatifs au régime social de l’expertise de justice, décidant l’affiliation des experts judiciaires au régime général de la Sécurité sociale (régime identique à celui des salariés, par opposition au régime des Travailleurs Non Salariés), publiés depuis 1998 pour la loi et 2000 pour son décret d’application, n’ont jusqu’ici jamais été appliqués, en raison de difficultés de gestion qui sont restées insurmontables pour les juridictions.
Ces textes, s’ils avaient été appliqués, auraient eu pour effet de traiter l’expert, selon le cas, comme un salarié des parties (expertises civiles) ou de la juridiction qui le commet (expertises pénales). Ces situations sont absurdes en droit français, où il est constant que l’expert remplit sa mission en toute indépendance et hors de tout rapport hiérarchique.
Pour autant, la Chancellerie, dans le fil de la démarche de rattachement de l’expert au régime général de la Sécurité sociale, vient d’établir un logiciel de gestion (nommé Chorus) pour le paiement des frais de justice (dont les expertises pénales), et elle en a demandé la mise en place dans les cours d’appel à partir du 1er janvier 2011 : il en résulte que les mémoires d’honoraires et frais d’expertise seront traités sous la forme de bulletins de paye (avec les retenues de cotisations sociales réglementaires).
Comme je préfère rire que pleurer, dans le pays du roi Ubu, je n’ose même pas imaginer les délais de paiement des expertises que cela va générer. Actuellement, certains tribunaux règlent les frais (avancés) des expertises et les honoraires avec plus d’une année de retard. Je sais (toujours de source sûre) que certains tribunaux vont utiliser leur budget 2011 pour finir de payer leurs frais de 2010, et donc que le budget initialement prévu pour couvrir leurs frais de 2011 permettra de tenir, disons jusqu’au mois d’août…
Je passerai rapidement sur le fait qu’une loi de 1998, disposant d’un décret d’application paru en 2000 ne soit toujours pas appliquée. Surtout que son application entraine une situation de dépendance de l’expert aux parties qui va donner lieu à de belles prises de têtes.
J’attends de voir mes premières feuilles de paie…
En attendant, sachant que la majorité des experts judiciaires exercent leur activité principale en libéral, je me demande ce qui va se passer pour moi qui suis un salarié.
Pour les lecteurs experts judiciaires qui exercent leur activité principale en libéral, je recopie ici la suite du courrier, qui ressemble pour moi à un exercice de chinois:
Aussi pour la grande majorité d’entre nous dont l’activité principale est libérale, convient-il de profiter de la possibilité offerte par l’article 3 du décret du 17 janvier 2000, et de demander, à chaque remise d’un mémoire d’honoraires, le rattachement des honoraires d’expertise au compte de leur activité principale au régime RSI. La procédure de rattachement est décrite dans la circulaire n° 2008-065 de l’ACOSS.
La demande doit être jointe au mémoire présenté au Service centralisateur des frais de justice dont dépend la juridiction qui a désigné l’expert.
Elle nécessite, comme vous pourrez le lire, la production soit de la « fiche reflet » de la carte Vitale (appelée aussi attestation Vitale), soit d’une attestation émanant de votre caisse d’assurance maladie.
La fiche reflet est le courrier qui accompagnait votre carte lors de son envoi à votre domicile.
Il va falloir que j’en parle à mon avocate favorite, moi…
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Titre du billet tiré de la chanson Rap-Tout (Vampire) des Inconnus.
C'est 1er janvier 2011 ou 1er janvier 2012 ?
"Sa fin, d'abord prévue pour l'année prochaine a déjà été reportée au 1er janvier 2012."
https://www.journaldunet.com/solutions/intranet-extranet/chorus-et-retards-de-paiement.shtml
Bonjour,
faut-il continuer le travail dans ces conditions ?
Dans quelle mesure un blocage du travail est devenu le seul moyen d'être entendu, et encore.
Faut-il continuer de servir la justice quand elle déraille ? Jusqu'à quel point ?
Dans quelle mesure continuer dans ces conditions participe au maintien de ces conditions ?
Je n'ai pas de réponse, mais je trouve qu'en règle général, notre soumission à tous nous rend un peu coupable, chacun à notre niveau (car ce que vous décrivez n'est pas l'apanage de la justice, malheureusement).
Bien entendu, c'est plus compliqué pour certains que pour d'autres (je pense aux soignants par exemple), mais sinon, faire en maugréant, est-ce toujours raisonnable ?
Bonne journée, et bonne fin d'année.
Avec le danger suivant qui a bien fait rire mon controleur des impots:
Une fiche de paye peut être émise sans que l'on soit payé de suite…
Si, si! Les universités sont spécialistes pour faire ça avec les vacataires. Du coup le montant passe sur votre déclaration d'impots via l'automatisation de la fiche et vous n'avez pas eu l'argent sur votre compte!
Super classe, super français…
Je confirme le commentaire de Guillaume / vacataire et université : on est imposé sur des sommmes pour lesquelles un bulletin est émis, mais qui ne nous ont pas été versé – j'ai vécu le problème personnellement (et meme redressement à la clé, car je n'avais pas déclaré, n'ayant pas reçu les sommes)
Le décret 2000-35 devait être appliqué au 1° août 2000. Etant expert en balistique à cette époque (salarié par ailleurs) j'ai demandé l'application du texte et ais été….. radié. Depuis, toujours pas payé, multiples demandes y compris en Conseil d'Etat: rien. Enfin en mai 2010 TF1 est venu me voir pour son émission HD dans laquelle j'ai fait 3mn. Il y a 2 mois j'étais au service AB3 du ministère qui ne m'a toujours rien répondu…
En clair, si vous êtes salarié par ailleurs, l'Etat vous doit une fiche de paie et il paie les cotisations sociales y compris retraite…. Par contre si vous avez une activité libérale majoritaire incluant ou non l'activité d'expertise, vous devez fournir copie de votre carte vitale lors de la remise de votre mémoire (Cf ACOSS N° 2008-065)et c'est à vous de payer l'URSSAF, la CIPAV etc
CHORUS ne concerne pas uniquement la Chancellerie, mais tous les ministères (à commencer par Bercy).
Pour un projet de cette envergure, il est presque normal qu'il y ait des problèmes…
@Anonyme: Dans ma vision de l'informatique, les problèmes ne sont pas normaux.
Chorus est une grosse bouse imposée par Bercy, mais sans mettre les moyens ad hoc en face (entre autre pour former les gens…).
Quand au RSI, toutes mes condoléances: je me demande quelles sont leurs compétences…
A ce sujet, je suis comme vous salarié, et comme vous je reste dans l'expectative et dans la plus complète perplexité. Cela étant, faire de l'expertise devient un sport à risque dont les dérives en tous sens (qui se transforment en autant de difficultés quotidiennes) me démotivent chaque jour davantage. Est-ce grave Docteur ?
@Benaref: Ce n'est pas grave tant que vous êtes bien entouré…
Renseignement pris ce jour auprès de la Chancellerie, le décret 2000-35 pourra et devra être appliqué à partir du 1° janvier 2012 (Via logiciels Chorus + LDMJ).
Ce serait la saisie de la CNIL qui aurait décalé d'environ un an l'application du décret qui, ne l'oublions pas, devait l'être depuis le 1° août 2000.
Donc, à partir du 1° janvier 2012 l'expert qui n'aura pas donné copie du reflet de sa carte vitale au greffe sera considéré comme salarié occasionnel et il recevra un bulletin de paye, l'Etat faisant son affaire du paiement URSSAF et autres charges sociales. Qu'on se le dise….
Ce jour dans la presse (Libération) "Le ministère de la Justice emploie 40 000 personnes au noir..
En effet, le décret 2000-35 publié le 17 janvier 2000 pour être mis en application au 1° août 2000, définit le nouveau statut social des collaborateurs occasionnels de l'Etat (entre autres).
Si on prend les experts il y a deux types de statut: ou bien l'expert nommé par le juge exerce une activité libérale principale, dans ce cas il relève du RSI, ou bien il n'est pas libéral, par exemple salarié d'une société à titre principal et, dans ce dernier cas, il relève du décret 2000-35.
L'expert libéral (relevant du RSI) doit émettre une facture charges sociales et TVA 20% incluses. Généralement ces factures ou mémoires sont payés par les administrations.
L'expert non libéral, relevant du décret précité, doit recevoir la rémunération de son travail, par fiche de paie ou autre émis par l'administration qui l'a employé ponctuellement. Ors c'est là que le bas blesse, car l'Administration est totalement incapable de traiter cette fonction par manque d'outil informatique adapté. Elle devrait payer elle même, directement, les charges patronales à l'URSSAF mais rien n'est fait.
Pour information: arrête du 21 juillet 2000 portant fixation des cotisations forfaitaires et des assiettes forfaitaires pour les catégories de personnes mentionnées dans le décret n° 2000-35 du 17 janvier 2000 portant rattachement de certaines activités eu régime général – page 11856 JO du 1° août 2000 – Circulaire DSS/SDFGSS/5B n° 2000-430 du 21 juillet relative à la mise en œuvre des dispositions relatives au rattachement au régime général de la sécurité sociale des collaborateurs occasionnels du service public – Circulaire ACOSS n° 2000-099 du 08/11/2000: assujettissement et assiette des cotisations des collaborateurs occasionnels du service public – décret n° 2008-099 du 18 mars 2008 arrête du 18 mars 2008 (abattement 20%) et circulaire…
A ma connaissance le Ministère de la défense, qui n'est pas concerné par ce décret, est un des seuls ministères à payer correctement ses collaborateurs occasionnels.
L'auteur de ces lignes ancien expert judiciaire près une Cour d'Appel avait demandé l'application du décret de janvier 2000 et….. çà n'a pas trainé…. radié. J'ai plié la caisse à clous mais l'Etat me doit toujours de l'argent pour des expertises non payées.
Aujourd'hui les révélations de la presse me rendent une partie de mon Honneur perdu
Bonsoir à tous
Quelles sont les bons astuces pour mener une expertise sur la défaillance d'un logiciel dans une entreprise?