Ce week-end, je me suis retrouvé chef d’un centre d’organisation du concours de sélection des candidats souhaitant devenir élèves-ingénieurs.
Comment suis-je arrivé à ce poste?
L’informatique est au cœur du traitement de l’information, et le processus de recrutement dans une école d’ingénieurs est quasiment complètement informatisé, ce qui fait de moi l’une des personnes les plus au fait de la compréhension de ce processus. En tout cas, l’un des plus à même à répondre aux différentes questions du genre: « J’ai fais deux 1ère années de médecine, mais je souhaite me réorienter vers des études d’ingénieurs, en quelle année me prendriez-vous? »[1].
L’école où je travaille était ce week-end l’un des centres d’examen du concours de sélection, et il se trouve que j’y travaille également comme directeur informatique ET technique, ce qui me rend particulièrement intéressant pour répondre aux (autres) questions du genre: « Si l’alarme incendie se met en route, que doit-on faire? »[2], ou « Si un candidat est malade, que faut-il faire? »[3].
Bref, j’étais « volontaire » tout désigné pour assumer le rôle de chef de centre.
Hypothèses de travail:
Mon centre doit accueillir 200 candidats.
J’ai 10 personnes pour m’assister.
Je dispose d’un règlement de 20 pages couvrant tous les problèmes imaginés.
Les rails sont posés, il s’agit de ne pas s’en écarter.
Préparation:
La veille des épreuves, je configure la salle d’examen en ordre de bataille: étiquettes avec les noms des candidats, plan de placement avec liste alphabétique, rideaux baissés côté soleil, rideaux levés de l’autre côté, la rangée près des fenêtres neutralisé, issues de secours (toujours) dégagées, salle fermée à clef.
Il y a presque 30 ans, je m’apprêtais à passer le bac dans une salle d’examen lugubre avec un accueil pénitentiaire. J’ai donc pris l’initiative de faire acheter 50 bouteilles de boissons sucrées, 50 quatre-quarts et 20 kg de bonbons que j’ai fais disposer sur des tables dans le hall d’accueil.
Le jour J:
Le règlement mentionne que le centre d’examen n’est pas accessible aux accompagnateurs des candidats (les parents ou les grands parents en général). Le jour J, il pleut comme à Gravelotte, et comme tout bon soldat, il faut savoir transgresser un ordre manifestement inadapté. L’ensemble des accompagnateurs, candidats et organisateurs se réchauffent donc dans le hall avec un bon café/thé préparé pour l’occasion. J’avais en outre demandé à quelques étudiants d’être présents pour discuter avec les candidats et faire en sorte de les déstresser.
Néanmoins, à l’heure H, la minute M et la seconde S prévues par le règlement, je fais entrer les candidats dans la salle et les accompagnateurs dans leurs voitures.
Une fois tout le monde à sa place, il me reste cinq minutes pendant lesquelles je demande aux surveillants de faire signer la feuille d’émargement tout en contrôlant les identités. Et moi, je monte chercher les sujets dans le coffre fort. Pendant ces quelques minutes, je me suis souvenu de toutes les épreuves que j’ai pu passer dans ma (longue) carrière d’étudiant et surtout de ce que j’aurais donné pour avoir accès à ce fameux coffre fort…
Une fois de retour dans la salle d’examen, je décachète l’enveloppe en présence de l’appariteur du concours. Je profite de l’attention soutenue pour rappeler qu’aucun appareil électronique n’est autorisé: pas de calculatrice, pas d’ordinateur, pas de PDA, pas de téléphone mobile. Pas de papier brouillon, pas de trousse sur la table… Les candidats sont en slip[4].
Les sujets sont distribués, l’épreuve commence. Au bout de quelques minutes, je sens la tension retomber.
Au bout d’une heure, une candidate demande à sortir pour aller aux toilettes. Le règlement est précis sur ce point: aucune sortie de la salle pendant l’épreuve. J’ai de plus rappelé ce fait aux candidats avant le début de l’épreuve, entrainant ainsi la sortie préventive de quelques candidats avant la distribution des sujets. Un surveillant vient m’avertir du problème. Je ne vais quand même pas laisser une personne dans cette situation: au diable le règlement, j’interpelle une surveillante pour qu’elle accompagne la jeune fille au backhouse. Si elle arrive à y trouver une réponse en moins de 3 minutes sans se faire soupçonner, elle mérite d’être ingénieuse.
La journée s’écoule lentement. Certainement plus lentement que pour les candidats. De mon côté, je me souviens des concours que j’ai passés: les épreuves de 4h, l’angoisse des révisions, les psychostimulants (mon médecin m’avait prescrit un médicament qui luttait contre les asthénies psychiques et intellectuelles: je n’invente pas son nom, Ordinator[5]!).
Les épreuves s’enchainent sans incident.
Les copies sont numérisées après ramassage et photocopiées (ceinture et bretelles). Les originaux sont acheminés aux correcteurs dès la fin de chaque épreuve.
Je passe mon temps à compter et recompter les copies, les originaux, les signatures sur les feuilles d’émargement. Cela me rappelle un peu le bureau de vote.
Les candidats sont concentrés, silencieux, sérieux.
J’aimerais qu’ils réussissent tous leurs examens.
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[1] Réponse: en 1ère année. Et oui, les études d’ingénieurs sont parfois aussi longues que celles de médecine…
[2] Réponse: sortir. Mon rôle est néanmoins de faire en sorte qu’une fausse alerte ne se déclenche pas.
[3] Réponse: appeler les secours. Il se trouve que je suis SST (et donc parfaitement formé pour faire le 15 :).
[4] Il s’agit bien entendu d’une image, tant ce sous-vêtement semble avoir été remplacé par le caleçon ou le string. Bien entendu, c’est ce que l’on m’a dis, je ne suis pas allé voir. En tout cas, sans téléphone portable, les jeunes d’aujourd’hui sont quasiment en état de manque.
[5] Ce médicament a depuis été retiré de la commercialisation. Je déconseille fortement l’utilisation de médicament pendant les révisions et les épreuves. Je me demande encore aujourd’hui si je n’ai pas quelques séquelles…
Crédit images darkroastedblend.com
Des bonbons ! =)
En tant qu'étudiant en train de passer ses partiels, je ne peux que vous féliciter pour votre organisation et vos prises d'initiative. On vous sent empathique vis-à-vis de vos étudiants, et ça fait toujours du bien de se sentir dans un lien hospitalier plutôt qu'hostile.
Si comme je le suppose dans votre école il s'agit d'un concours, je crains que votre souhait final soit bien difficile à exhausser.
Arthur Rainbow, bien content de n'avoir jamais envoyé que des dossiers.
rah serieux..le coup des bonbons ! ils ont vraiment bcq de chance ! 🙂
moi je suis toujours tombé sur des ecoles de merde avec des responsables *** comme des valises :-/
il faudrait plus de gens comme vous !
il serait temps de penser au presidentiel ! 😀
si, si, vous devez avoir des séquelles….. 😉
Aaaargl la lecture de votre billet vient de faire remonter des tréfonds de ma mémoire ce satané stress des concours! J'en ai les mains toutes moites!
Backhouse et Bécosse : je tâcherais de me remémorer ce joli mot !