Un salarié quitte son entreprise. Lorsqu’il part, il emmène ses connaissances, son savoir-faire. Parfois, il emmène plus qu’il ne devrait, ou l’entreprise pense qu’il le fait. Et cela amène les deux parties devant un tribunal.
Et parfois, le dossier contient des pièces informatiques que le magistrat souhaite voir analysées par un expert judiciaire.
Me voici donc devant un ordinateur appartenant au salarié parti (son ordinateur personnel ou son nouvel ordinateur professionnel) et faisant l’objet d’une plainte de la part de son ancienne entreprise: le salarié aurait volé un fichier informatique contenant des formules appartenant à l’entreprise et contenant tout son savoir-faire.
Ma liste de missions est claire, j’organise la réunion, j’entends les parties, j’étudie attentivement les pièces, mène les investigations informatiques en présence des parties, rédige un pré-rapport, puis un rapport final avec réponse aux dires des parties.
J’ai eu à gérer plusieurs affaires de ce type, et souvent le cœur du problème concernait le départ de l’employé avec des fichiers Excel contenant des formules et des macros, fruits de nombreuses années d’expérience de l’entreprise.
Mon travail consiste alors à trouver des similitudes entre les formules utilisées par des différentes parties pour dire si oui ou non les fichiers (avec les formules) ont été « volés ». Techniquement, c’est assez intéressant en ce que cela demande d’être capable de scientifiquement définir la notion de similitude dans les formules Excel.
Parfois, il suffit de regarder le menu « Propriétés » du document pour y trouver le nom de l’ancienne entreprise…
Mais le plus fascinant est pour moi le travail des Avocats qui argumentent sur le terrain du Droit (qui n’est pas le mien). Cela m’a fait m’interroger sur les questions suivantes:
– à qui appartient l’expérience d’un salarié?
– quand un salarié quitte son entreprise, et qu’il recrée des outils de toute pièce, où est la limite entre copie « de mémoire » et savoir faire personnel?
Toutes ces questions ont des réponses juridiques sur lesquelles les avocats bataillent. Parfois j’en suis le témoin en réunion, et ces sujets sont passionnants. Mais c’est le travail du Juge que d’en trancher les nœuds, sauf inscription explicite dans les missions de l’expert.
Enfin, il m’arrive parfois de regarder autour de moi, dans mon bureau professionnel, toutes les choses qui s’y accumulent depuis 15 ans en me demandant ce qui m’appartient réellement, et que j’emporterais si je devais partir. Mon bollard et mon couteau peut-être?
Bien peu de chose en vérité.
Mais une bonne formation humaine et une solide expérience… Qu’il me faudra valoriser.
un ancien employeur viens de me sortir ca (que mon savoir viens de chez lui).
Ayant migrer quelques serveurs sous linux pour des raisons de licence et de fonctionnalite.
Il veut que je revienne benevolement expliquer l’archi au nouvel admin (bien que j’ai fait une doc).
bien sur je l’a inviter a rencontrer la population grec masculine.
@Pasgeek: Vous avez eu tord: vous avez raté une superbe occasion de facturer une prestation de rêve. En effet, du point de vue de votre ancien patron, vous êtes un expert ayant une expertise rare: la connaissance exacte du système mis en place. De quoi pouvoir se mettre d’accord sur une prestation rondelette…
Pasgeek a écrit bénévolement… c’est de suite moins intéressant !
Sinon, il est vrai que la question est ténue. Sauf copier coller, en général on est capable de faire ce qu’on a déjà fait, en plus rapide en plus. Pourquoi s’en empêcherait on ?
@Julien: Je trouve normal que l’employeur ait tenté le coup. Mais entre 0 euros et JAMAIS, vous avez la place pour une négociation qui peut aboutir.
Concernant votre deuxième remarque, je ne suis pas juriste, mais il me semble que c’est un peu le principe du copyright et des brevets… Voire des clauses de non concurrence.
bonjour,
je suis formateur dans un établissement qui revendique la propriétés de mes cours, les cours que je créé devrais-je dire. Pas les miens spécialement, c’est indiqué sur le contrat de travail de tous les enseignants de l’établissement.
Bien entendu, la problématique est ici un peu différente: aucun partant (même si la plupart du temps, c’est de retraite qu’il s’agit) n’a jamais été embêté à partir avec une copie de ses propres cours, et à ma connaissance ni avec une copie du cours des collègues (avec leur autorisation).
En revanche, c’est une copie qu’il prend, et les cours restent à disposition de l’établissement.
@Noisette: Quid si un formateur démissionne pour aller enseigner chez un concurrent?
-> L'enseignant peut-il demander que son ancien établissement cesse d'utiliser son cours en arguant que son contrail de travail contenait une clause abusive?
-> Peut-il utiliser sa création telle quelle?
-> Peut-il continuer à l'enrichir?
Je n'ai pas la réponse à toutes ces questions, ni à celles que je pose dans ce billet, mais je les trouve très intéressantes et regrette parfois de ne pas avoir un peu plus étudié le droit.
Il me semble, mais je ne suis pas spécialiste de la chose, que cela relève du droit de la propriété intellectuelle. Le Code y relatif dispose, article L.111.1 que « L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code.
L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’oeuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France ». En clair, le salarié ne perd pas ses droits du simple fait qu’il est salarié, cela doit être convenu dans le contrat. L’article L.131-3 al. 1 dispose que « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».
Et même si un acte de cession a été conclu, l’auteur demeure titulaire du droit moral afin d’empêcher par exemple que l’entreprise n’utilise son travail sans indiquer qu’il en est l’auteur.
AMHA, c’est bien expliqué ici:
https://www.alienor.org/bibliotheque/exploitation_creation/point1.htm
« …définir la notion de similitude dans les formules Excel… »
Assimiler la reproduction d’une formule Excel à du pillage industriel, c’est comme si on devait verser des royalties à Pythagore ou ses descendants chaque fois qu’on calcule l’hypoténuse d’un triangle rectangle !
Bientôt, avec les progrès de la médecine, les entreprises de haute technologie imposeront l’implantation d’une prise usb sur la tête de leurs salariés pour être sûr que les informations ne sortent pas de l’entreprise.
Merci evematringe , pour les explications et le lien: en ce qui me concerne, ça va, mais quelques collègues inquiets seront ravis d'en prendre connaissance.:-)
Je laisserai mes cours à mon remplaçant avec plaisir, en tout cas dans mes dispositions actuelles. Ceux de mes prédécesseurs ont parfois allégé mes débuts. Et les cours sont faits non pour leurs auteurs mais pour être transmis.
@ Zythom: "-> L'enseignant peut-il demander que son ancien établissement cesse d'utiliser son cours en arguant que son contrail de travail contenait une clause abusive?"
Cela ne semble pas s'être passé en ce qui concerne mon établissement, mais certains sont tout de même partis en ne laissant derrière eux ce qui apparait le strict minimum au premier regard, quelques bribes quand on y regarde de plus prêt.
Dans la pratique, le remplaçant est parfois expérimenté et a sa propre production en réserve, soit il est débutant et ne se permet pas de critiquer un ancien de l'équipe. Faut pas abuser non plus. ^^'(En vérité, j'ai fait un peu partie de ceux-là)
Quoiqu'il en soit, le cours d'un(e) autre ne peut jamais convenir tout à fait, et assez vite, on se rend compte qu'il faut tout refaire.
"Peut-il utiliser sa création telle quelle?"
Je ne vois pas ce qui pourrait l'en empêcher: à mon niveau d'enseignement en tout cas, il n'y a pas de concurrence, en tout cas pas affichée: nous avons plutôt l'habitude d'afficher nos réussites, nos qualités en propre. Un enseignant ne sera pas surveillé non plus pour vérifier le contenu des cours (dans le sens de la paternité).
D'ailleurs, pour être franc, un cours n'est pas voué à être statique, et il est rarissime que je ne modifie rien à un cours d'une année sur l'autre. Ce n'est pas une généralité, mais une majorité des enseignants que je côtoie ajustent régulièrement leurs cours. On y gagne au passage un métier plus passionnant, ou moins monotone (c'est selon).
"Peut-il continuer à l'enrichir?"
C'est tout autant son intérêt que celui de son public :-).
J’ajoute que la direction départementale du travail doit pouvoir répondre avec précision puisqu’il s’agit d’une question qui touche les droits du salarié. Chez nous, ils sont ultra compétents et gratuits.
Les formules excel bien que ça peut paraître ridicule sont très utilisées par les entreprises sans informaticien ou développeur.
C’est tellement vite fait que parfois ça finit par devenir une application à part entière.
J’ai déjà vu une société utiliser un moteur de calcul fait en excel pour trouver quel produit correspond au client en fonction d’un grand nombre de paramètres. C’est devenu l’application « savoir-faire » de la boîte. Personne n’est capable de refaire les formules. Elles ont été modifiées tellement de fois de façon crado qu’on ne pourrait pas développer la même chose à partir de 0 😡
Tiens, pour illustrer ma suggestion d’implanter une prise USB sur le cerveau des employés d’une entreprise de Hight-Tech…
Hier soir j’étais au super marché, et à la caisse il y avait un homme avec des lunettes et une apparence intellectuelle, mal rasé et un look savamment négligé (sûrement un informaticien), avec un air un peu ailleurs et qui m’a fait penser à Zythom (plus exactement à son billet) : les yeux levés au plafond, ce curieux personnage ânonnait des mots inintelligibles avec une sorte de clé USB implantée dans l’oreille !
Je me suis dit : tiens ce doit être un ingénieur qui a oublié de laisser sa clé usb de savoir-faire et de compétences appartenant à son entreprise, et loin du serveur wifi, il commence à bugguer…
J’ai mis un moment avant de comprendre qu’il téléphonait avec une oreillette ! 🙂
Il y a un coté « justice sociale » que vous n’évoquez pas je crois:
Une personne accepte de se former dans un domaine hautement spécialisé et non interchangeable: les outils excel de l’entreprise. Ce faisant, il renonce à acquérir un savoir plus universel.
Il est payé pour, par une entreprise mais le temps et le « cerveau disponible » qu’il utilise pour se faire ne sont pas récupérable à son départ. Celle-ci a donc un devoir (moral en l’état actuel des choses) de lui permettre de retrouver ses neurones de jeune homme en se formant après licenciement.
En effet, si ce n’est pas le cas, le salarié a accumulé de l’expérience qui n’est utilisable QUE dans cette entreprise, donc qui n’a aucune valeur sur le marché du travail (ailleurs).
Il peine donc à retrouver du travail, et *en plus* l’entreprise aurait seule le droit d’utiliser librement les créations de l’esprit du salarié?
Ce problème de savoir-faire et d’expérience acquis dans l’entreprise (on non d’ailleurs) pose aussi le problème des clauses de non concurrence qui sont de vrais obstacles pour des salariés spécialisés qui veulent, ou qui sont obligés de changer d’employeur.
A la plupart des spécialistes dans des domaines techniques et/ou scientifiques pointus, ou simplement de savoir-faire peu répandu, les employeurs font généralement signer une clause de non concurrence qui exclut de retrouver un emploi dans le département, voire même dans les départements limitrophes.
Qui faut protéger en priorité : l’entreprise ou le salarié ?