Commentaire sur l’ordonnance du mois d’avril 1667

Ou de la simplicité supposé du droit des anciens…

Article XIII de l’ordonnance
“Si les experts sont contraires en leur rapport, le Juge nommera d’office un tiers qui sera assisté des autres en la visite, et si tous les Experts conviennent, ils donneront un seul avis et par un même rapport, sinon donneront chacun leur avis.”

Commentaire rédigé en 1776 par M. François Serpillon, Lieutenant-Général Criminel, et Conseiller-Civil au Bailliage et Siège Préfidial d’Autun:

Lorsque le tiers Expert s’accorde en partie avec l’un des Experts, quoique dans les autres parties il ne soit d’accord, ni avec l’un, ni avec l’autre, on homologue le rapport pour la partie sur laquelle il s’est accorde avec l’un des Experts, et on ordonne qu’à l’égard du surplus il sera nommé un autre tiers Expert qui sera tenu de se ranger du parti de l’un ou de l’autre des premiers Experts. C’est ce qui a été jugé au Parlement de Dijon le 7 Janvier 1755, sur la plaidoirie des Avocats Roche et Courbabon. Cette décision est fondée, sur ce qu’il n’est pas permis à un tiers Expert, d’élever un tiers avis. Il ne peut que lever le partage qui se trouve entre les premiers Experts. Voyez cependant ci-après.

Il s’agissoit d’un surtaux[1]; la Cour mit sur l’appellation, la demande en homologation du rapport à néant, en homologant à l’égard du surtaux de l’année 1749, et condamna la veuve Ratet en la moitié des dépens. Et à l’égard de l’année 1750, il fut ordonné, que par un autre tiers Expert qui seroit nommé, il seroit procédé à la levée du partage des deux premiers Experts, et qu’il seroit tenu de se ranger à l’avis de l’un ou de l’autre des deux premiers Experts, dépens réserves pour ce chef; présidant M. Languet de Rochefort.

Le 13 du même mois il y eut deux autres Arrêts rendus par la même Cour qui décidèrent pareillement cette question; l’un par assentement, et l’autre contradictoirement, encore sur la plaidoirie de l’Avocat Roche et de Chantepinot. M. Jousse, sur cet article, tire du même principe la même conséquence; il dit que quand un tiers Expert estime un ouvrage, il ne peut l’estimer plus haut que le plus haut prix, ni plus bas que le plus bas prix de la première estimation; il ajoute que plusieurs Arrêts ont annulé des rapports de tiers Experts qui avoient contrevenu à cette règle.

M. de Fromental Procureur du Roi au Présidial du Puy, dans son Dictionnaire de droit imprimé en 1740 in-fol. p. 299, au mot Experts, dit aussi que le tiers Expert doit se ranger à l’avis de l’un des Experts partagés, sans qu’il lui soit loisible d’ouvrir un nouvel avis, à peine de cassation de son rapport. Cet Auteur ajoute, que cependant cette Jurisprudence a changé par deux Arrêts de la Cour des Aides qu’il ne date pas, lesquels deux Arrêts ont jugé que les rapports des tiers Experts qui contenoient des avis particuliers, étoient valables.

Ces deux Arrêts de la Cour des Aides de Toulouse cités par M. de Fromental, sont conformes à l’usage présent en Bourgogne. Malgré les Arrêts du Parlement de Dijon, qui viennent d’être rapportés, on laisse au tiers Expert toute liberté dans son avis; nous le voyons pratiquer tous les jours; il a prêté serment d’estimer en conscience, il faut qu’il le fasse librement. Il en arriveroit de grands inconvénients; deux Experts d’intelligence, affecteroient d’estimer fort bas les choses, en mettant cependant quelque différence dans leurs avis, et par-là ils forceroient le tiers Expert à se ranger au plus haut, qui pourroit être fort au dessous du véritable prix de la chose à estimer. Il n’est pas vrai que le tiers Expert soit appelé pour lever le partage, il est nommé pour dire librement son avis, après cependant avoir médité sur celui des autres, et avoir pris d’eux des instructions.

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[1] Taux ou taxe supplémentaire, surtaxe (wiktionary).
Quand même ils seroient faits avec toute la fidélité imaginable, on en peut y apporter la même économie & le même soin, que des Négocians qui chercheroient leur intérêt personnel; d’où il s’ensuit un surtaux indispensable qui est payé par le Prince, ou par le Peuple. (Claude-Jacques Herbert, Essai sur la Police générale des Grains, 1753)