18

Etre SST (Sauveteur-secouriste du Travail) dans une école d’ingénieurs, c’est gérer beaucoup de bobologie. Mais pas seulement.

Ce matin, j’ai été appelé car un étudiant avait un malaise.

Une fois sur place, j’ai découvert un étudiant allongé par terre, faisant des convulsions et ayant du mal à respirer.

C’est très impressionnant.

Il était entouré par ses amis. Comme il ne pouvait pas parler, ce sont eux qui m’ont expliqué que j’avais été dérangé inutilement car il faisait ce type de crise régulièrement, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, qu’il suffisait d’attendre et que cela allait passer…

Mon sang n’a fait qu’un tour: attendre, ne pas s’inquiéter, ne pas faire de vague, ne pas déranger, rester discret, ne pas prendre de décision, les-secours-mais-vous-n’y-pensez-pas…

J’ai immédiatement, et pour la première fois de ma vie, appelé le 18.

J’ai eu quelqu’un de très calme qui m’a posé quelques questions. J’étais moi-même très calme, à ma grande surprise. De la théorie à la pratique, il y a parfois un gouffre. J’ai ensuite demandé à deux des étudiants présents d’aller attendre et guider les secours jusqu’à nous dans le dédale de l’école.

Je suis resté avec l’étudiant malade en essayant de le détendre par des paroles rassurantes, en l’allongeant sur le lit de l’infirmerie. Les pompiers sont arrivés quelques minutes plus tard et ont pris les choses en main. Ils ont rapidement emmené l’étudiant à l’hôpital en observation.

Ensuite, il m’a fallu rassurer les amis de l’étudiant, leur expliquer qu’on ne peut pas regarder quelqu’un qui est peut-être en train de mourir, que ni eux ni moi ne sommes médecins. Je n’ai pas du être très convainquant car ils sont partis en me reprochant mon exagération. Tous les adultes présents semblaient assez d’accord avec eux.

N’empêche.

Depuis que j’ai accepté la responsabilité du service technique, et par là la gestion de la sécurité des biens et des personnes, j’ai décidé de bousculer les habitudes: plus de médicaments à l’infirmerie (uniquement des compresses stériles et des lingettes nettoyantes), une liste à jour des pansements et désinfectants, les instruments indispensables (ciseaux à bout ronds, pince à échardes, oeillère pour laver l’oeil, gants jetables, sachets plastiques, couverture de survie…

Et appel systématique aux urgences en cas de problème médical.

Cela a beaucoup changé les petites habitudes… Mais je résiste à la pression et essaye d’être pédagogique sur ces changements, sur la sécurité, etc.

N’empêche que quand les pompiers sont partis, je suis rentré m’isoler dans mon bureau et j’ai pleuré un bon coup. Le contrecoup sans doute.

Je suis trop sensible, j’aurais fait un mauvais urgentiste.

5 réflexions sur « 18 »

  1. La personne en question devait faire une crise d’épilepsie ; c’est très impressionnant, et, effectivement, ça ne nécessite pas systématiquement le déplacement des pompiers. Car certains épileptiques font plusieurs crises par jour/semaine, et pour eux l’essentiel est d’éviter de se faire mal avant (en tombant) ou pendant (se couper la langue). Une fois écarté ces dangers, c’est à dire une fois la crise commencée, il n’y a plus rien à faire qu’à attendre. L’appel au 18 n’apportera rien, effectivement, et je comprend la réaction de l’entourage : l’intervention du SAMU ne posait pas un problème de « visibilité » comme vous le suggérez, mais un problème d’efficacité.

  2. BRAVO !
    Ayant pendant plusieurs années pratiqué sur Paris le secourisme en équipe, je ne peux que souscrire à votre attitude et vous encourager à persévérer en ce sens.
    Vous n’imaginez pas le nombre de problèmes générés par l’attentisme ou, bien pire, une attitude irresponsable de la part d’infirmiers autoproclamés.
    Si je devais ne retenir qu’une seule chose de ce que j’ai appris pendant ces nombreuses astreintes en tant que secouriste, c’est qu’il ne faut jamais hésiter à faire appel à un plus qualifié que soi.
    Quitte à passer pour un alarmiste.
    La gêne n’a jamais tué qui que ce soit, l’incompétence si.
    Encore toutes mes félicitations et encouragements pour votre prise de position.

  3. Bonjour Zythom,

    Tout d’abord, bravo. Bonnes réactions et bonnes méthodes.

    J’ai été moi même assistant sanitaire en centre de loisirs et camps de vacances et c’est souvent du bobo. Mais, j’ai eu le droit une ouverture de tête, un non-réveil le matin être autres choses du genre.

    Je suis toujours parti de l’évidence que je n’étais pas médecin (et que les gens autour de moi non plus). Au mieux ses yeux quand j’en avais un au téléphone. Qui plus est, j’ai toujours préféré appeler un docteur ou un pompier, car en me mettant à la place des parents, j’aimerai que quelqu’un fasse cela pour mon gamin.

    Donc oui, toujours appeler les pompiers. Au moins pour une confirmation par téléphone. La France a au moins cette avantage d’avoir un système de santé et un système de secours coordonnés, gratuit et efficaces.

    Continuez ainsi, c’est ce qu’il y a de mieux a faire.

  4. Vous avez très bien fait. Cette mentalité d’ANCIEN que bon nombre de personnes ont, coûte des vies chaque année. Pour preuve, un proche se plaignait de douleur à l’estomac depuis des années, il n’est jamais allé consulter en se disant que ce n’était que le stress, un jour terrible douleur, direction le docteur, résultat cancer de l’estomac, décédé en 3 semaines. Moralité toujours aller consulter, c’est peut-être pour rien, mais un jour ça vous sauvera peut-être.

  5. Le plus terrible c’est de s’habituer aux situations impressionnantes sans ne rien faire parce que du point de vue médical ça ne sert plus à rien.

    Je me rappelle que lors d’un centre de vacances au ski, un jeune éducateur avait eu un grave accident qui lui avait fracassé le visage. Les services de secours sur place avaient pris très professionnellement les choses en main et attendaient l’évacuation de la victime. J’avais été surpris par le calme et la décontraction des secouristes face à cette urgence. J’avais demandé à pouvoir parler à l’accidenté ce qui m’a d’abord été refusé car médicalement ça ne servait à rien.

    Après avoir insisté j’ai pu lui dire que j’avais eu un accident comme lui m’ayant déformé le visage et que les techniques de reconstruction étaient maintenant très au point et qu’il pouvait être rassuré… la preuve vivante de mes allégations était devant lui !
    Je me souviens que lors de mon accident, après avoir subi les premiers secours d’urgence, j’avais été isolé et j’avais attendu des heures sans que personne ne vienne me réconforter. C’est sûr, j’ai survécu mais ce souvenir m’a vraiment marqué !

    Quelques mois plus tard j’ai revu le jeune éducateur accidenté. Il m’a remercié des quelques mots que je lui avais dit et qui lui avaient été du plus grand réconfort dans ce dur moment.
    Comme quoi, une assistance auprès d’un accidenté, même si elle n’a rien de médicale peut être importante ! Comme souvent, sous le prétexte que l’essentiel a déjà été fait, l’accessoire est négligé… surtout dans le milieu médical oserais-je dire.

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