La justice française ne dispose pas des moyens financiers lui permettant de fonctionner correctement. Il suffit de lire les différents billets de magistrats, d’avocats ou de greffiers sur ce sujet pour en être convaincu. J’ai moi-même, sans m’en plaindre outre mesure (ce serait indécent), évoqué plusieurs fois sur ce blog le délai important (un an) du paiement des factures d’expertise par les tribunaux.
Le justiciable ressent facilement tout cela avec « le temps judiciaire » très différent du temps commun.
Comment ces choses-là étaient-elles perçues du temps de nos ancêtres?
Et bien pareillement, mais avec des délais différents. Comme quoi, tout est relatif:
« Il ne faut pas trop s’étonner de la lenteur des instructions criminelles d’autrefois. En 1895, à Bourges, le marquis de Nayve fut acquitté après vingt-deux mois de prévention. Au mois de mars 1896, Tremblié fut condamné à mort par la cour d’assises de Douai après dix-huit mois d’attente. Le 28 mars 1896, la neuvième chambre du tribunal correctionnel de la Seine acquittait un nommé Wing, banquier américain, détenu depuis dix mois pour escroquerie! »
Note de bas de page dans l’ouvrage « Les erreurs judiciaires et leurs causes » de Maurice Lailler et Henri Vonoven, sur lequel je fonde ma rubrique consacrée aux erreurs judiciaires du passé.
L’auteur trouvait ces délais inhumains.
Ce texte date, rappelons le, de 1897…
Il faut remettre les choses dans leur contexte. Ces délais étaient véritablement inacceptable car jusqu’à la loi votée le 8 décembre 1897, les instructions se faisaient sans intervention de l’avocat. L’inculpé était placé en détention sur décision du juge d’instruction, qui instruisait comme bon lui semblait sans qu’un avocat ait accès au dossier ou puisse demander des actes ou faire appel des décisions du juge d’instruction. Ne parlons pas des expertises psychiatriques, inexistantes. Dans ces conditions, on se demande ce qui faisait tant traîner les choses.
Ha, et ne croyez pas qu’on parle d’un droit antédilivien. Si l’avocat a le droit d’assister son client dès la mise en examen depuis 1897, celui-ci devait se taire sauf s’il était invité par le juge à prendre la parole (art. 9 de la loi de 1897). Ce silence sera imposé jusqu’en… Allez, quelle année ?
Jusqu’à la loi du 15 juin 2000. Et à l’époque, l’opposition criait déjà au cadeau fait aux criminels.
Heureusement que des auxilaires de justice consciencieux comme vous font que la justice d’aujourdhui est moins longue et moins coûteuse…
PS: si ce blog n’est pas qu’imagination bien sur! 😉
@Maître Eolas:
Comme toujours, vous avez raison, et ces précisions montrent tous les progrès effectués depuis un siècle.
Il reste que je trouve « amusant » de sortir ces extraits de leur contexte en les introduisant dans notre époque, un peu dans l’esprit du voyage dans le temps.
J’aime montrer comment certaines choses que l’on croit modernes sont en fait liées à la nature humaine. Après tout, nos prédécesseurs d’il y a 10.000 ans avaient la même taille de cerveau que nous…
Dans le cas précis, je reconnais que l’augmentation des délais d’instruction est très largement compensée par l’intervention de plus en plus rapide des avocats dans celle-ci.
Je crois profondément au progrès.
@Guillaume:
J’essaye, j’essaye mais parfois je suis plus long que de raison.
Et ce blog n’est qu’imagination, toute ressemblance avec des faits ayant existé n’est que pure coïncidence…