Si j’étais mauvaise langue, je dirais que la déontologie, c’est ce que l’on enseigne aux jeunes pour éviter qu’ils ne piquent trop vite les clients des vieux…
Seulement voilà, je ne suis pas mauvaise langue et je ne pense pas un mot de ce que j’écris (cette phrase s’applique également à elle-même).
J’étais à une réunion d’informaticien dont l’objectif était l’échange des bonnes pratiques en matière de gestion des messageries électroniques et des accès internet. Après avoir présenté le système que j’ai mis en place dans mon établissement, notamment le « grey listing« , l’un des participants m’interpelle et me dit « tout cela n’est pas très déontologique… En refusant une première fois l’arrivée d’un message, vous prenez le risque qu’il ne soit pas réémis (si la machine expéditrice ne respecte pas correctement le protocole des messagerie), et donc que le destinataire ne reçoivent jamais le message! »
Il a parfaitement raison, mais tout est dans la mesure du risque.
Mais le problème n’est pas là, il vient du fait que j’ignorais alors les règles déontologiques dont il voulait parler.
La déontologie (du grec deon, -ontos, « devoir ») est la science morale qui traite des devoirs à remplir. Ces devoirs peuvent être regroupés en un ensemble qu’on appellera alors un « code de déontologie ». Il y a ainsi des textes qui régissent la profession d’avocat, d’autres les professions médicales, etc.
Tout le monde connait l’existence du serment d’Hippocrate, mais peu l’on lu et encore moins savent qu’il a été réactualisé en 1996:
Extrait du serment d’Hippocrate (version antique):
je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et, s’ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement.
Extrait de la version réactualisée:
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Tout cela est très joli, mais quid de l’expert judiciaire en informatique?
Pour la partie informatique, je recommande la lecture du rapport 2006 du CIGREF sur la déontologie des usages des SI.
Morceaux choisis:
Les Technologies de l’Information, de la Communication et de la Connaissance (TICC) occupent une place centrale dans l’entreprise. Celle-ci ne peut plus négliger les risques liés à l’usage de ces technologies dont les problèmes de conformité ne sont plus seulement techniques, mais aussi et de plus en plus juridiques. Dès lors, quelles bonnes pratiques mettre en place pour garantir un usage éthique et juridiquement conforme du Système d’information?
La déontologie en entreprise a pour finalité la formulation de règles de conduite inspirées tant des normes externes que des valeurs de l’entreprise traduites en principes d’action. Elle s’appuie à la fois sur des normes impératives telles que les lois et les règlements, sur des règles considérées comme essentielles pour l’ensemble des professionnels d’un même secteur d’activité, ainsi que sur des principes internes à l’entreprise (le plus souvent repris dans des chartes ou des codes de conduite).
La question de la déontologie des usages des Systèmes d’information revient donc à s’interroger sur une utilisation des outils informatiques de l’entreprise conforme aux règles éthiques, morales et juridiques définies. Il s’agit de réfléchir d’une part, sur la manière dont les règles existantes sont traduites en termes d’application concrète et, d’autre part, sur les limites de leur champ d’application. La déontologie des usages des Systèmes d’information sert ainsi de maillon fondamental entre l’utilisation régulière des outils et le comportement des utilisateurs.
La déontologie se propose en ce sens de donner à l’entreprise un certain nombre d’outils pour l’accompagner dans la mise en œuvre de procédures rigoureuses, destinées à l’aider à contrôler son degré de conformité aux dispositions légales. Elle rappelle les règles de bon sens qui, sans représenter une conformation au droit stricto sensu, ne peuvent que l’aider à se maintenir et à envisager sa pérennité.
Je vous rassure, il y a des dessins dans le rapport…
Y a-t-il des règles déontologiques spécifiques aux experts judiciaires?
La réponse est oui, dès lors qu’il est adhérent à une compagnie membre de la Fédération Nationale des Compagnies d’Experts Judiciaires, et vous les trouverez ici sur le site du Conseil National des Compagnies d’Experts de Justice. Morceaux choisis:
I – 6) – L’expert doit remplir sa mission avec impartialité. Il doit procéder avec dignité et correction en faisant abstraction de toute opinion ou appréciation subjective.
I – 7) – L’expert doit conserver une indépendance absolue, ne cédant à aucune pression ou influence, de quelque nature qu’elle soit.
V – 38) – S’il s’agit d’assister une partie alors qu’un expert a déjà été chargé d’une mission par un juge et n’a pas encore terminé de la remplir, il ne peut qu’exceptionnellement accepter de donner une consultation privée de cette nature. Dans ce cas, la consultation sera diligentée avec la volonté de répondre objectivement et dans un esprit de loyauté et de confraternité à l’égard de l’expert judiciairement commis, qu’il informera préalablement à son intervention.[…]Les observations du consultant privé ne peuvent être utilisées dans des observations écrites de la partie consultante que si elles sont produites dans leur intégralité.
A ces 40 règles, il convient d’ajouter les recommandations sur les bons usages entre avocats et experts. Quelques extraits choisis innocemment:
La communication des pièces incombe aux conseils des parties et non à l’expert.
Un bordereau inventoriant les pièces transmises est nécessaire. La numérotation de celles-ci est requise.
La transmission de l’entier dossier n’est pas nécessaire. Il est important de procéder à la sélection des pièces réellement utiles aux différents aspects de la mission de l’expert.
L’avocat modère son client si celui-ci se départit de son calme ou manque de courtoisie.
Il rappelle au besoin le rôle technique confié à l’expert par le Juge.
Mais les avocats étant plus futés que les experts judiciaires, le document donne beaucoup plus de devoirs aux experts qu’aux avocats.
Futur confrère expert judiciaire, beaucoup de lectures à apprendre par coeur!!!
Pour finir, ma pensée du jour:
« Il n’y a pas de règle, voilà la règle » (Zythom)