J’ai été contacté par un huissier de justice pour effectuer une saisie de données dans une entreprise. La situation est toujours la même: un salarié quitte son entreprise, crée une entreprise concurrente et son entreprise initiale l’accuse d’être parti avec le fichier client.
Le problème ici est que la mission de l’huissier est la suivante: entrer dans la nouvelle entreprise et saisir toutes les données concernant les clients (fichiers et bases de données).
L’huissier me contacte pour que je l’assiste techniquement (il n’est pas à l’aise avec l’informatique me confie-t-il).
Je lui explique comment je procède dans ce genre d’affaire, en insistant sur le fait que je place in fine mes propres scellés sur les données saisies avec la mention « les présents scellés ne doivent être brisés que sur décision de justice ».
Je sens alors une gène de la part de l’huissier: « l’ordonnance du Juge est claire sur ce point, je dois fournir les données à la plaignante ».
Je lui fais part de mon étonnement sur le fait qu’une société peut ainsi récupérer des données très sensibles sur une entreprise concurrente. Il me répond alors qu’il effectuera un « tri des données » en ne fournissant que les données communes aux fichiers clients des deux entreprises (l’objectif étant clair pour l’entreprise plaignante de démontrer le vol des fichiers clients).
Devant mon refus de l’assister dans ces conditions, nous engageons une conversation plus générale sur la « couverture » offerte par l’ordonnance d’un magistrat. Je suis en effet persuadé qu’un grand nombre d’ordonnance sont écrites « sous la dictée » de l’avocat de la partie plaignante. Mais que se passera-t-il si l’ordonnance permet à l’expert de se mettre dans une situation délicate (ce que ne manquera pas de démontrer l’avocat de la partie adverse)?
L’Expert restera seul devant sa faute.
J’ai fait pleinement mien le principe du contradictoire et j’essaye de l’introduire dans la procédure même quand le juge ne le demande pas.
Ainsi, la mise sous scellés d’expert des pièces constituant une preuve est une action par nature non contradictoire (l’entreprise visée n’est pas prévenue avant l’intervention). Il est par contre possible ensuite de démarrer une deuxième action juridique: l’analyse des pièces saisies. Cette deuxième action sera contradictoire, permettant ainsi à la partie visée de se défendre.
Pour l’anecdote, l’huissier a contacté le magistrat et l’avocat de la partie plaignante qui se sont mis d’accord pour modifier l’ordonnance en ce sens.
Abundans cautela non nocet
(Une précaution excessive ne fait pas de tort)
Cher confrère,
Il me semble que le point que vous évoquez dans ce post (la saisie) sera traité lors des prochaines journées techniques de la cnejita.
Bien à vous.