De l’autre côté du bureau

Mon engagement politique est modeste: je suis conseiller municipal dans une commune de 5000 habitants. Et de ce fait, je tenais le bureau de vote n°5 ce dimanche avec quelques autres bénévoles de la commune.

Alors, bien sur, je pourrais commenter le fort taux d’abstention de mes concitoyens, ou pester contre ceux qui n’ont pas su donner envie aux électeurs de se déplacer.

Mais je préfère vous raconter quelques petites saynètes vécues ce week-end de l’autre côté du bureau de vote.

Une jeune fille hésite à entrer dans le bureau. Il faut dire que nous sommes huit assis les uns à côté des autres (il y a deux bureaux de vote dans la même salle). Elle prend son courage à deux mains et pousse la porte. Elle fonce vers moi et me tend sa carte d’électrice toute neuve. Comme je suis un peu surpris, elle se raidit et rougit un peu: « Je voudrais voter », bafouille-t-elle. Tout le monde sourit un peu tandis que je contourne le bureau pour lui montrer comment prendre procéder: il faut prendre un bulletin de chaque liste, une enveloppe et entrer dans l’isoloir pour un faire son choix en pliant (en huit!) le bulletin dans l’enveloppe. Elle me remercie et s’applique à exécuter la procédure. De retour derrière l’urne, j’ai pu voir sa fierté quand elle a glissé son enveloppe et que j’ai annoncé « a voté ».

Un jeune garçon entre avec ses parents et sa petite sœur. C’est la première fois qu’il vote car il était trop jeune la fois précédente. Tout ce petit monde est très fier de venir faire son devoir de citoyen. La mère me dit même: « vous savez, il y a des pays où l’on ne peut pas voter! ». Un assesseur prend sa carte d’électeur et me lit à voix haute le numéro d’inscription sur les listes: « n°453 ». Je tourne les pages du registre et mon doigt descend le long de la page: 450, 451, 452, 454… Pas de numéro 453. « Heu, vous n’êtes pas sur le registre! ». Un silence s’abat sur la salle. Tout le monde me regarde. « Vous êtes sur que vous êtes allé vous inscrire auprès de la mairie? » Il me dit qu’il a déménagé l’année dernière, mais qu’il est en règle. « La preuve, j’ai fais refaire ma carte d’identité cette année à la mairie! ». Oui, mais cela ne suffit pas à se faire inscrire sur les registres. Quand on déménage, cela ne suit pas dans les mairies ». Toute la famille est repartie très déçue…

Une dame aux cheveux blancs m’écoute énoncer le nom correspondant au numéro d’électeur de sa carte, pour vérification auprès du 1er assesseur qui a également sa carte d’identité. Elle me regarde avec un regard sévère et me dit « Vous savez, on ne m’appelle plus comme ça depuis 50 ans! ». « Et pourtant, Madame, c’est votre nom, et vous l’avez conservé, même si vous vous êtes mariée ». Elle finit par sourire, et me dit: « Mon mari n’aurait pas aimé ça. Il est mort l’année dernière vous savez! ».

A 18h01, une personne courait dans le couloir pour pouvoir venir voter. Personne dans le bureau n’a eu le cœur à lui dire que le bureau aurait du être fermé et nous l’avons laissé exercer son choix. Nous savions déjà que la participation était très faible, et que notre horloge murale pouvait bien avoir une ou deux minutes d’avance.

Il nous a fallu seulement 1h pour faire le dépouillement et tous les contrôles des bulletins. Mais plusieurs habitants de la commune étaient venus exprès pour nous aider et participer au dépouillement. L’atmosphère était sérieuse et empreinte de dignité pendant la procédure de comptage.

A 19h, je me disais en rentrant à pied chez moi que toutes les personnes qui se sont déplacées pour voter avaient été fières de le faire et parmi eux, beaucoup le faisait pour la première fois. Il ne faut pas les oublier en parlant toujours et uniquement de ceux qui ne sont pas venus.

J’ai vu beaucoup de regards briller ce dimanche, derrière une démarche timide et impressionnée.

5 réflexions sur « De l’autre côté du bureau »

  1. A mon tour, une petite anecdote…
    Je tenais moi aussi un bureau quand j'ai vu ma voisine me tendre sa carte d'identité. On se croisait de temps en temps sur le palier, bonjour, c'était à peu près tout.
    Sur la carte d'identité, je n'ai pu m'empêcher de regarder la date de naissance.
    Elle est repartie. Toute seule, à pied, comme elle était venue.
    Elle avait 97 ans. Je ne l'ai jamais revue au bureau de vote.

  2. Pour moi aussi c'était la première fois, et je suis déçu de voir si peut de monde s'impliquer. Sinon les enveloppes chez moi étaient très petites, c'est pareil partout? 😛

  3. Je pense que les enveloppes ont le même format, partout en France et quel que soit le vote.

    J'ai toujours du mal à comprendre que des gens refusent d'aller voter. Même si nos politiciens sont incompétents, népotistes et ne respectent pas les promesses faites, il faut profiter de l'occasion pour donner notre avis quand on nous le demande. Si les abstentionnistes refusent de voter parce qu'ils n'aiment pas les 2 principaux partis, il n'y a aucune chance pour qu'ils changent le paysage politique.

    Ne pas voter, c'est mettre fin à la démocratie.

  4. Bonjour, je ne suis pas aller voter car j'ai demenager 😀 (1000km pour voter faut le vouloir), mais je comprend la frustration de certain quand on voit l'importance des votes blanc qui ne font au final reflechir personne

  5. En général :
    J'ai toujours la sensation que les gens votent en réaction avant de voter en action.
    J'ai toujours la sensation que les gens votent pour le discours qui les séduisent le plus en fonction de leur patrimoine culturel plutôt qu'en fonction de réflexions pesées …
    J'ai toujours la sensation de voter plus par principe plus que par choix …

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