La petite anecdote que je vais vous raconter n’a d’intérêt que parce qu’elle est parfaitement authentique, et illustre bien les frictions du monde ancien avec le nouveau monde du numérique.
J’assistais à une formation réservée aux experts judiciaires et aux avocats, formation organisée par une compagnie d’experts de justice. Organisation impeccable, objet de la formation intéressant, programme alléchant, 4G disponible, lieu agréable. Bref, la journée s’annonçait bien.
Le premier conférencier est un magistrat de haut niveau, intervenant sans note sur un sujet pointu passionnant. Je suis concentré sur les concepts difficiles avec lesquels il jongle et qui échappent pour beaucoup à mon entendement. L’auditoire est captivé. Les avocats approuvent ou désapprouvent certains passages ou certaines subtilités juridiques. La conférence est passionnante.
Je publie discrètement sur Twitter quelques impressions admiratives à mes followers.
Au bout d’un quart d’heure, le conférencier est brutalement interrompu par l’un des organisateurs de la formation. Ce dernier crie littéralement dans la salle : « Quelqu’un dans cette pièce est en train de publier sur des RÉSEAUX SOCIAUX le contenu de cette formation. C’EST UN SCANDALE. La prochaine fois, dans nos programmes sera CLAIREMENT ÉCRIT L’INTERDICTION de dévoiler nos échanges ! »
Stupéfaction dans la salle.
L’organisateur me fixe d’un regard noir.
Mon cœur s’est arrêté.
Je me recroqueville sur mon siège.
Je me fais tout petit.
Quand tout à coup, depuis la scène où se trouvent installés plusieurs des conférenciers qui doivent intervenir à la table ronde à venir, tonne une voix de Stentor : « QUOI, QU’EST-CE QUE C’EST QUE CETTE FAÇON D’APOSTROPHER LES GENS ! OUI, JE TWEETE, OUI JE SUIS OUVERT SUR LE MONDE, SANS POUR AUTANT DÉVOILER OU ÊTRE DÉSOBLIGEANT AVEC LES ORGANISATEURS OU LES INTERVENANTS ! »
L’un des avocats qui devait intervenir pendant la formation, prenait pour lui les remontrances (humiliantes) qui m’étaient destinées… Comme moi, il avait posté quelques tweets à sa communauté (dont je fais parti) pour le plus grand plaisir de celle-ci.
Les organisateurs, plutôt gênés des effets collatéraux non prévus de leur attaque, venaient de découvrir la puissance de feu d’un avocat habitué aux assauts et aux joutes verbales.
J’ai assisté silencieux à leur retraite piteuse en rase campagne, « non, mais ce n’est pas vous, Maître, heu, bon on reprend ».
J’ai respecté poliment leur interdiction de tweeter pendant la formation.
Je trouve dommage que dans le milieux des experts judiciaires en informatique, il y ait encore des gens qui méconnaissent l’intérêt des réseaux sociaux, des gens qui soient encore enfermés dans leur univers clos du millénaire précédent, qui refusent l’ouverture vers le monde, le partage avec des « mékeskidis », la communication non contrôlée.
J’admets et je me soumets aux règles lorsqu’elles sont connues. Comme Lord Walder qui affirmait lors des Noces Rouges : « sous mon toit, ma loi », les organisateurs d’une formation peuvent imposer leurs règles.
Mais j’ai pris un certain plaisir (coupable) à voir une brillante éloquence remettre en place un sot. Étant moi-même un sot qu’on a tant de fois remis en place…
Bonjour,
la fracture numérique par l'exemple, et pas sou l'angle auquel il est communément abordé.
Mais surtout, sachez Mr Zythom, qu'un vrai sot ne se sait pas sot. La conclusion est donc que vous ne l'êtes pas.
Ce que savait déjà cet éloquent répartiteur, est que la meilleure défense est l'attaque.
C'est un procédé efficace, aussi bien dans le domaine de la rhétorique que dans certains aspects tactiques ou stratégiques.
En tout cas, ni votre humanité, ni vos préoccupations, ni vos compétences ne sont sottes.
J'en profite pour vous souhaiter une belle année 2018, et surtout que vous parveniez à minimiser vos affres.
Je ne doute pas que vous bénéficiiez du soutien silencieux de nombreuses personnes, en plus de celui de vos proches.
Un admirateur parmi d'autres.