J’ai déjeuné avec un jeune RSSI dynamique et enthousiaste. Il s’agissait d’un repas professionnel, ce que j’évite en général tant les postures y sont artificielles.
La discussion était pourtant intéressante et nous en étions à échanger sur nos parcours respectifs quand le jeune me dit soudainement :
« vous ne seriez pas Zythom par hasard ? »
Un peu interloqué, j’acquiesce puisque je ne me cache pas vraiment derrière ce pseudonyme, qui me sert plus de sas entre ma vie professionnelle et ma vie de blogueur. C’est alors qu’il me dit « Incroyable, j’ai choisi mes études et ce métier (de RSSI) grâce à votre blog ! »
Nous avons ensuite discuté jusqu’à une heure avancée de la nuit, partageant nos passions de l’informatique en général, et de la sécurité informatique en particulier. Mais sa remarque m’avait profondément ému.
Mes 10 années comme professeur d’informatique à plein temps dans une école d’ingénieurs m’ont appris ce plaisir de revoir des anciens étudiants aux détours de leur carrière et d’échanger sur leur jeunesse et mon impitoyable « UN ALGORITHME, CA DOIT TOUJOURS TENIR SUR UNE FEUILLE A4 ! », et sur les 1000 petites anecdotes qui rythment les amphis, les TD, les TP ou les salles informatiques en libre service. Mais c’est la première fois qu’un expert de la sécurité me dit que ce blog est à l’origine de sa passion et de son métier.
« Vous avez raconté la réalité des enquêtes informatiques que vous avez menées pour le compte de la justice, et vous l’avez expliqué dans des termes accessibles à l’adolescent que j’étais… »
Diantre, cela m’a touché beaucoup plus que je ne le pensais.
Je me suis souvenu alors de mes années d’adolescent écartelé entre les filles et les bricolages électroniques, entre les filles et le club d’informatique, entre les filles et les revues scientifiques, entre les filles et les avancées de l’intelligence artificielle, entre les filles et le LISP, entre les filles et le calcul des prédicats…
Je me suis souvenu que dans le club d’informatique de mon école, il y avait un panneau à l’entrée de la salle sur lequel nous avions écrit « Hacker’s corner » et qu’à l’époque, « hacker » signifiait simplement « bidouilleur ». Nous étions à la fois des jeunes curieux et de curieux jeunes. Nous étions passionnés et nous avions envie de partager notre passion. Nous avions envie de montrer que l’informatique pouvait être facile, pouvait faciliter la vie des gens, pouvait offrir un monde meilleur.
Et puis le temps est passé, la réalité des adultes s’est imposée à moi. La vie a été une longue descente aux enfers : chercheur en IA, puis professeur d’informatique, puis DSI et expert judiciaire, puis enfin RSSI. De la tour d’ivoire, à la soute.
Alors quelles ont été mes motivations ? Qu’est-ce qui peut bien motiver le RSSI que je suis devenu ? Voici mon top 3 :
La première me semble être la soif d’apprendre. Bidouiller, démonter, comprendre, hacker restent mes moteurs principaux. En 1159, Jean de Salisbury prête à son maître Bernard de Chartres la citation suivante : « Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux. » Le philosophe Francis Bacon ne nous enseigne-t-il pas également que « Nam et ipsa scientia potestas est » (Savoir, c’est pouvoir), lui qui a inventé en 1605 un système de stéganographie qu’il a appelé « alphabet bilitère« , basé sur un code binaire et un texte de couverture. Pour revenir à mon époque, je dirai plutôt que je me sens comme un homme de petite taille cherchant à escalader des géants.
Ma seconde motivation est sans doute plus pragmatique : dans un monde numérique qui va de plus en plus mal, il faut/faudra de plus en plus de soldats pour défendre le village global. J’ai envie d’être membre du bataillon d’exploration avec pour objectif de rendre à l’être humain la liberté qu’il a perdue lors de l’attaque des Titans (ne spoilez pas, je n’en suis qu’à la saison 2 !).
Enfin, ma troisième motivation vient de ma rencontre, certes (sans jeu de mot) brutale, avec le monde de la cyber lors des 10 ans du SSTIC en 2012. J’y ai découvert des intelligences hors normes (et hors diplômes), des techniciens hors pairs et une agitation cérébrale bon enfant. J’ai eu envie d’en rencontrer plus.
Mais vous, si un jour vous croisez quelqu’un qui a déclenché en vous le déclic, n’hésitez pas à le lui dire, cela l’emplira de bonheur.
Je pense qu’on est assez nombreux à avoir été inspiré par vos écrits.
C’est en grande partie grâce (ou à cause) à vos billets de blog qu’à 45 ans j’ai repris des études en cybersécurité. Et je ne regrette absolument pas ce choix
J’ai démarré la lecture de vos billets sur le tard. J’étais geek… avant l’invention d’Internet… Je me suis convertis dans l’informatique sur le tard.
Là où vous m’avez aidé, c’est de me dire que je n’étais pas une merde malgré les retours de certains professionnels.
Je suis au chômage et ce n’est pas prêt d’arrêter. Mais au moins je sais que je vaux quelque chose. En partie grâce à vous.
+1 Je n’ai pas fait carrière dans la SSI, mais cela m’a toujours intéressé et les articles que vous avez proposés étaient toujours intéressant 🙂
Votre témoignage est touchant. C’est certainement très valorisant d’être à l’origine de vocations. Aujourd’hui il est courant que les professeurs gardent le contact avec des élèves à qui ils ont donné des cours dix ou vingt ans plus tôt, il suffit d’avoir l’email de ses étudiants pour rester en contact (parfois par l’intermédiaire de l’école) et voir comment ils évoluent dans leur carrière ou juste pour rester en contact régulier par e-mail.