Vous êtes nombreux à me contacter pour avoir des détails sur la question de savoir comment devenir expert judiciaire. Je vais répondre de manière groupée en rédigeant une mise à jour de mes billets précédemment publiés sur ce sujet.
Expert Judiciaire : définition.
« Les experts judiciaires sont des professionnels spécialement habilités, chargés de donner aux juges un avis technique sur des faits afin d’apporter des éclaircissements sur une affaire. Ce sont des spécialistes de disciplines très variées (médecine, architecture, gemmologie, économie et finance, etc.).
Leurs avis ne s’imposent pas aux juges qui restent libres de leur appréciation. »
Source : Ministère de la Justice
Les experts judiciaires sont des professionnels reconnus pour leur compétence et leur expérience dans leur domaine d’activité qui sont chargés par le juge d’apporter des éclaircissements et de donner un avis technique sur des éléments d’une affaire. Ils prêtent serment et exercent leur mission en toute indépendance sous le contrôle du juge.
Les experts sont inscrits sur une liste établie auprès de chaque cour d’appel. Ils perçoivent des honoraires dont le montant, selon les domaines, est réglementé ou fixé par le juge.
Source : Cour d’Appel d’Angers
Un expert judiciaire, c’est quelqu’un qui est inscrit sur une liste tenue par une Cour d’Appel.
Le simple fait d’être inscrit sur cette liste donne le droit d’utiliser
le titre « d’expert près la Cour d’Appel de X ». Cette liste
permet aux magistrats ayant besoin d’un avis technique de désigner
quelqu’un pouvant les éclairer dans une affaire sur laquelle ils
travaillent.
Pour être inscrit sur cette liste, vous devez avoir un « vrai » métier
(celui qui vous fait vivre). Les magistrats qui gèrent cette liste
considèrent que l’activité d’expert judiciaire doit être une activité
annexe, ce qui me semble tout à fait raisonnable, tant il serait
dangereux de vivre uniquement aux crochets des régies judiciaires, qui
payent souvent avec beaucoup de retards (lire ce billet par exemple).
Le titre d’expert judiciaire est un titre prestigieux… Ou du moins qui
jouit d’un certain prestige. Beaucoup de personnes aimeraient bien
l’ajouter sur leur CV ou sur leur carte de visite. Certains considèrent
même qu’il s’agit de la consécration ultime d’une carrière
professionnelle, une forme de reconnaissance auprès de leurs pairs. Mais ne vous y trompez pas, en demandant à être inscrit sur une liste de Cour d’appel, vous acceptez seulement de consacrer une partie de votre temps au service de la justice et de lui apporter votre concours, vos connaissances techniques, votre expérience professionnelle en exécutant telle mission qui peut vous être confiée par une juridiction.
Devenir expert judiciaire : mode d’emploi.
La procédure pour devenir expert judiciaire est relativement simple: il vous suffit de déposer un dossier avant le 1er mars de chaque année auprès du procureur de la République.
Votre dossier va suivre tout un parcours, et s’il est accepté, vous
verrez votre nom inscrit sur une liste gérée par votre Cour d’Appel.
L’inscription sur cette liste fait de vous un expert judiciaire. Bravo
cher confrère ou chère consœur.
Le dossier de demande d’inscription sur la liste des experts judiciaires
doit comprendre toutes les précisions utiles permettant de juger de la
qualité de votre candidature, notamment les renseignements suivants :
1° Indication de la ou des rubriques ainsi que de la ou des spécialités dans lesquelles l’inscription est demandée. Vous trouverez la nomenclature des branches, rubriques et spécialités sur ce site.
2° Indication des titres ou diplômes du demandeur, de ses travaux
scientifiques, techniques et professionnels, des différentes fonctions
qu’il a remplies et de la nature de toutes les activités
professionnelles qu’il exerce avec, le cas échéant, l’indication du nom
et de l’adresse de ses employeurs. En terme plus simple, ressortez votre CV et mettez le à jour.
3° Justification de la qualification du demandeur dans sa spécialité.
Vous avez des lettres de recommandation, des courriers de vos pairs qui
admirent vos compétences, c’est le moment de les sortir de leurs cadres
et d’en faire une photocopie.
4° Le cas échéant, indication des moyens et des installations dont le candidat peut disposer.
Vous travaillez dans une université ou dans une grande entreprise dont vous avez le droit d’utiliser les installations pour une prestation extérieure officielle, si possible
gratuitement, alors c’est le moment de le signaler par écrit.
L’institution judiciaire est si mal pourvue en budget par les politiques
en charge des affaires…
Un coup d’œil sur le site web de votre Cour d’Appel est indispensable pour savoir s’il faut des documents complémentaires (photos, etc.) et pour télécharger le document intitulé « dossier de candidature ».
Comment s’effectue le choix parmi les candidatures ?
La décision d’inscription est prise par l’assemblée générale des magistrats du siège après enquête du Parquet.
C’est en fonction des besoins exprimés par les juridictions du ressort que l’assemblée générale de la cour d’appel apprécie les mérites des candidatures en veillant à ne retenir que celles déposées par d’excellents professionnels présentant, par ailleurs, des garanties de moralité, d’impartialité, d’indépendance et de disponibilité.
Je n’en sais pas plus. La procédure de sélection est relativement opaque : vous pouvez avoir un dossier fantastique, mais postuler une année où la Cour d’Appel n’a pas de besoin, ou inversement… Vous ne devez pas être déçu de ne pas être inscrit dès la première
demande. Le nombre d’experts retenus tient à des facteurs indépendant
des candidats, comme l’évolution du nombre d’expertises, le nombre
d’experts dans une discipline, les orientations générales de la
Chancellerie ou encore à d’autres facteurs relatifs à l’institution
judiciaire. Seuls les magistrats pourraient indiquer quels sont les
critères qui tiennent aux candidats eux-mêmes. Au vu des pièces
demandées, on peut toutefois estimer que les magistrats examinent la
compétence, l’expérience, la notoriété, la disponibilité, l’indépendance
et les moyens de remplir les missions que présentent les candidats.
Le rejet de la demande d’inscription sur la liste des experts, doit être spécialement motivé : l’assemblée générale des magistrats du siège, doit mettre l’intéressé en mesure de connaître les raisons pour lesquelles sa demande a été rejetée (source Dictionnaire du Droit Privé de Serge Braudo).
Un
conseil: après un refus, ne pas hésiter à représenter sa candidature
l’année suivante, surtout si l’on peut faire valoir des éléments
nouveaux.
Faut-il suivre une formation particulière pour devenir expert judiciaire ?
A ma connaissance, il n’y a pas de formation obligatoire pour devenir expert judiciaire. Il me semble important néanmoins de vous rapprocher du regroupement d’experts judiciaire de votre Cour d’Appel pour en savoir plus. Ces regroupements sont de statut associatif et s’appellent en général « Compagnie pluridisciplinaire d’experts de justice » et il y en a souvent une par Cour d’Appel. Je ne comprendrais pas un candidat expert judiciaire qui ne se rapprocherait pas de la compagnie pluridisciplinaire de sa Cour d’Appel. Y adhérer, au moins au début, est un conseil que je donne toujours.
Par contre, une fois inscrit sur la liste des experts judiciaires, il y a des sessions de formation obligatoire à suivre, en particulier sur la procédure. Ne les manquez pas !
Conclusion.
Il vous reste jusque fin février pour déposer votre dossier (qui doit être arrivé avant le 1er mars). N’oubliez pas de relire quelques billets de ce blog dans la rubrique Expert, et en particulier celui-ci avant de vous lancer dans l’aventure.
Pour casser un peu le mythe, la lecture de ce billet peut être utile…
Si votre demande est acceptée, vous serez convoqué pour prêter serment.
C’est aussi le bon moment pour contacter une compagnie d’experts pour
parler formations, procédures, assurance, et pour comprendre également dans quel guêpier vous êtes tombé avant de contacter les impôts, l’URSAFF et autres joyeusetés à qui vous allez expliquer votre activité (et comment ils doivent la gérer).
A bientôt, chère consœur et cher confrère 🙂
Le simple fait d'être inscrit sur cette liste donne le droit d'utiliser le titre "d'expert judiciaire près la Cour d'Appel de X".
=> En fait non, on ne peut utiliser que le titre de "expert près la cour d'Appel de X". Le terme "judiciaire" est réservé aux situations où l'on est judiciairement nommé. (Loi n° 71-498 du 29 juin 1971 modifiée, art.2)
C'est exact ! Je corrige, merci 😉
Une fois inscrit sur une liste, le domaine le plus nébuleux concerne les contraintes sociales, i.e. les obligations en terme de cotisations sociales sur les honoraires perçus. La situation était assez étrange jusqu'au 31 décembre dernier, Et intéressait les média quand fleurissaient les marronniers. L'été dernier le sujet des travailleurs au noir du Ministère de la Justice n'avait pas manqué de resurgir. L'affaire traînait depuis 2000. Elle est aujourd'hui réglée par un habile tout de passe passe dans lequel ce Ministère se lave les mains, et impose de nouvelles contraintes (et réductions de leurs émoluments), à une grande partie des experts en activité (et rend quasiment impossible la sollicitation par les magistrats de professionnels compétents non-inscrits, sauf à ce qu'ils exercent une activité libérale).
Cordialement.
Bonsoir Messieurs,
Je suis de nationalité marocaine, depuis 2011 j'exerce le métier d'expert judiciaire assermenté auprès des tribunaux et en même temps je suis un consultant technique auprès des entreprises BTP.
Je vous souhaite connaître la procédure d'inscrire dans la liste des experts canadiens.
En attente de vos recommandations et orientations, je vous remercie infiniment.