La grosse affaire

L’avocat me contacte d’abord par email. Le message est concis et clair : merci de m’appeler par téléphone à ce numéro. Je profite de ma pause de pas-déjeuner pour mener sur internet une petite enquête sur le cabinet : une grosse structure basée au Luxembourg…

Je l’appelle avec mon téléphone privé-réservé-aux-expertises :

Bonjour, je m’appelle Zythom et vous m’avez contacté par email pour un de vos dossiers en me demandant de vous appeler.

« Euh, oui, sans doute, mais c’est le secrétariat, là. Vous voulez joindre quel avocat ? »

[Brblgblglb…] Je voudrais parler à Maître M.M. Murdock, s’il vous plaît.

« Ne quittez pas, je vous le passe ».

Bonjour, Maître Murdock à l’appareil, je suis content que vous m’ayez appelé aussi vite.

L’avocat me présente alors les grandes lignes de son dossier, puis répond à mes questions. La conversation devient de plus en plus technique. Je me rends compte que j’ai à faire à un avocat qui connaît bien l’informatique et qu’il est possible de voir où je vais mettre les pieds. Il s’agit d’un gros dossier international : une société basée à Hong-Kong poursuit un éditeur basé en suède pour dysfonctionnement de son logiciel de pilotage de navire marchand. Du gros, du lourd, de l’affaire avec des avocats partout dans le monde. J’ai un peu la tête qui tourne.

« Euh, mais quelle serait ma mission dans cette histoire ? »

A ce stade, je suis concentré comme jamais, et j’écoute, fasciné, l’avocat m’expliquer que les parties souhaitent un expert français en informatique impartial et que mon nom est sorti par le jeu d’un réseau relationnel improbable… Il me donne les détails de la mission. L’affaire m’intéresse au plus haut point, surtout que j’ai déjà traité un dossier contenant ce type de logiciel. Je demande un peu plus de détails techniques, que l’avocat me donne volontiers.

Le courant passe bien, la discussion est stimulante et intéressante.

Je parle de mes honoraires et l’avocat me dit « pas de problème ». Je demande alors où doit s’organiser les différentes réunions d’expertise, et l’avocat m’explique que compte-tenu du choix des parties de prendre un expert français, les réunions doivent être organisées à Paris. Je lui réponds « pas de problème ».

Nous raccrochons tous les deux en nous donnant quelques jours pour organiser la gestion administrative, les courriers, l’envoi des documents, etc. Je passe la nuit les yeux ouverts à me repasser la réunion téléphonique dans la tête. Il y a quelque chose qui cloche, mais quoi ?

Le lendemain, un doute m’habite : en quelle langue se déroulera la réunion ? Je rappelle aussitôt l’avocat qui me confirme que bien évidemment la réunion se déroulera en anglais… Je lui explique que, si je maîtrise parfaitement l’anglais technique et que cela ne me pose aucun problème de travailler en anglais, il m’est difficile pour autant d’envisager d’animer une réunion juridique pointue en anglais.

Il ne m’a jamais rappelé.

C’est ce qui s’appelle « To be left in the lurch »…

I will never set the Thames in fire

Ne me jugez pas…

3 réflexions sur « La grosse affaire »

  1. Ah, le choix du mot "difficile"…

    Suivant les cultures, c'est tout de même plus proche de « laisse béton » que de « ça m'angoisse mais ça m'intéresse, on peut trouver une solution ? »

    On ne nagerait pas en plein quiproquo ?

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