Le coût d’une expertise

Combien coûte une expertise ?

Voilà la question qui m’est souvent posée, soit dans le cadre de mon activité d’expert judiciaire (par le magistrat qui souhaite me désigner), soit dans le cadre de mon activité de consultant freelance, soit dans le cadre de ce blog.

J’ai déjà répondu à cette question, dans différents billets :

Mais il est vrai que je rencontre encore beaucoup de personnes qui s’interroge sur le prix (élevé) d’une expertise. Ces interrogations sont légitimes.

Tout d’abord, une précision : je ne suis pas un organisme de sondage à moi tout seul. Les informations que je donne ici ne sauraient constituer une vérité universelle. Elles ne sont que le reflet des connaissances que j’ai en la matière, et qui sont très parcellaires. Elles ne concernent d’ailleurs que les expertises informatiques.

Quand quelqu’un rencontre un problème informatique, il va chercher à le faire résoudre par un informaticien. L’informaticien est un expert en informatique. Il y a des experts autoproclamés (le petit neveu qui s’y connaît en informatique), des experts de terrain (qui ont un métier dans l’informatique) et des experts diplômés (qui ont… un diplôme).

Chacun pourrait raconter des histoires croustillantes sur les trois sortes d’experts dont je viens de parler, mais il existe réellement des gens compétents dans chacune des catégories.

Il existe une catégorie un peu à part, regroupant un peu des trois précédentes : je pense aux consultants. Les consultants font métier de vendre leurs compétences aux plus offrant. Il y a des consultants dans tous les domaines, et en particulier en informatique. Il existe des consultants indépendants, dit freelance, et des consultants regroupés dans des structures qu’on appelle SSII (ok, je simplifie ;-).

Quand j’étais jeune, au siècle précédent, on appelait cela des SSCI (société de services et de conseils en informatique). C’était aussi la belle époque du Sicob (ok, je digresse).

« Expert » est une appellation générique qui n’appartient à personne et tout le monde peut s’autoproclamer expert dans un domaine de son choix. Mon parcours personnel et professionnel fait que je pense que des études et un diplôme validé sont les conditions nécessaires pour pouvoir accéder à un certain niveau d’expertise (mais vous connaissez certainement des experts excellents qui n’ont pas fait d’études ou qui n’ont pas de diplôme). Tout le monde sera d’accord pour dire que ce ne sont pas des conditions suffisantes. Il faut de l’expérience. Et des expériences réussies. Les échecs et les désillusions amènent de l’expérience, mais il faut bien qu’un jour cela se traduise par des réussites à valoriser.

Vous faites donc appel à un expert quand vous ne disposez pas des compétences nécessaires à la résolution d’un problème. C’est le cas pour votre chauffage, pour votre sommier de lit, pour votre électricité. On ne peut pas être expert en tout. Chacun dispose de sa zone de confort.

Pour trouver l’expert dont on a besoin, tous les moyens sont bons : l’annuaire (je parle du bottin, pas de l’AD), les moteurs de recherche, le bouche à oreille, la réputation, la publicité, le « vu à la télé », etc.

Pour les magistrats, une liste des experts agréés est mise à leur disposition par les Cours d’Appel de l’ordre judiciaire. Les personnes ayant leur nom sur cette liste peuvent utiliser un titre protégé : « expert judiciaire ». Pour la petite histoire, les Cours Administratives d’Appel ont récemment créé des listes ayant même objet, mais pas de titre protégé. Les compagnies d’experts ont choisi comme nom « expert de justice » pour désigner indifféremment une personne inscrite sur les listes de l’ordre judiciaire ou sur celles de l’ordre administratif.

Être inscrit sur ce type de liste donne une certaine « valeur » à la personne concernée car cette inscription se fait selon une procédure de sélection sensée garantir la qualité de son savoir et de son expérience.

Le coût d’un expert, qu’il soit judiciaire ou pas, peut être libre, encadré ou fixé. Dans mon cas, les honoraires sont libres, mais les magistrats chargés du contrôle des expertises disposent d’une grille leur permettant de repérer les experts trop chers. L’expérience m’a montré que cette grille est souvent mal utilisée…

Pour ma part, j’ai établi la grille suivante, lorsque je vends mon savoir-faire au plus offrant :

90 euros TTC / h pour les missions confiées par des magistrats

220 euros TTC / h pour les autres missions (arbitrage, expertises privées, exégèses expertales, etc.)

C’est mon prix de marché.

Comment ai-je pu fixer ce tarif ? C’est assez simple. La grille de référence utilisée par ma Cour d’Appel en 1999 faisait mention d’une fourchette de tarifs de 80 euros à 120 euros de l’heure pour les expertises informatiques. J’ai pratiqué le tarif bas pendant dix ans avant de le réactualiser. Quand on propose ses compétences à la Justice, ce n’est pas pour chercher à s’enrichir (du moins financièrement). Et pour le tarif « expert informatique », j’ai regardé ce qui se pratiquait autour de moi et établi ce montant par tâtonnement. Il y a peu de blog d’experts informatiques qui donnent ce genre d’informations. Tous les avocats à qui j’ai fait gagner leur affaire sont 100% satisfaits 😉

Bien sûr, il faut être capable d’estimer le volume d’heures qu’il va falloir consacrer à un dossier. Et tenir au courant le client par anticipation d’un éventuel dépassement du temps si l’estimation initiale s’avère franchement inadéquate. Pour ma part, je me tiens toujours strictement au devis que j’ai établi, quand bien même mon estimation s’avérerait très sous-estimée, et je restitue le trop perçu si mon estimation était à l’inverse sur-estimée (cela arrive parfois). C’est une question de principe.

Lors d’une exégèse expertale, j’ai eu l’occasion d’analyser finement le rapport d’expertise informatique d’un de mes confrères. J’ai eu la surprise de voir que son tarif horaire était de 40€/h, mais que le temps facturé était de 50h (soit un total de 2000€), là où j’ai pu faire le même travail en 10h que j’aurais facturé 90€/h (soit 900€). Cela fait une grosse différence !

Le taux horaire n’est donc pas le seul élément à prendre en compte, en plus de l’efficacité, il faut aussi comparer l’efficience… Et qui mieux que les magistrats et les avocats peut comparer l’efficience des experts ?

C’est pour cela que le conseil que je donne, à presque toutes les personnes qui me contactent par l’intermédiaire de ce blog pour me demander le coût d’une expertise, est le suivant : contactez votre avocat. Il saura mieux que quiconque vous orienter vers la meilleure procédure, et vers le meilleur expert, au coût le plus juste.

Bien sûr, tout cela a aussi un prix. C’est pour cela que les avocats se battent pour la survie du système de l’aide juridictionnelle pour que les plus démunis puissent accéder aussi à la Justice. C’est pour cela que certains experts, dont je suis, acceptent un certain nombre d’affaires pro bono.

Parce que parfois, un bon conseil, une attestation technique évidente, une note technique pédagogique qui permet à l’avocat d’éclairer le magistrat, cela peut se faire gratuitement. Même si cela engage ma responsabilité.

L’aide envers son prochain, parfois, n’a pas de prix.

2 réflexions sur « Le coût d’une expertise »

  1. bonjour,
    pourriez vous en dire plus sur ce que vous appelez exégèse expertale? je suppose que c'est un rapport critique d'une expertise. Celle de 10 heures dont vous parlez correspondait à quel type d'expertise ? civile, administrative, pénale?

  2. "Quand j'étais jeune, au siècle précédent, on appelait cela des SSCI (société de services et de conseils en informatique). C'était aussi la belle époque du Sicob (ok, je digresse). "
    Ah oui, c'est pas tout jeune ça …. 😀
    Bien que dans l'informatique, je ne me lancerait pas dans des expertises. Il faut de l'expérience et des connaissances assez pointues. (et puis de la place et du matos)
    Bravo pour votre blog (et vos expertises)
    NicK.

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