Redif : Au nom de la commune

Dans le cadre des rediffusions estivales, je vous propose ce billet publié en septembre 2010, et qui m’a valu un des plus beau moments de mon activité de conseiller municipal.

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20h30, c’est le début du conseil municipal. Comme d’habitude, tous les
conseillers sont là ou presque. Le pompier arrivera en retard, à cause
de son métier. L’infirmière aussi.

La liste des sujets à débattre est longue, et le conseil municipal
risque fort de se terminer tard dans la nuit. Mais nous sommes là, tous
les 26, assis dans cette grande salle avec les tables en carré.

Parmi les sujets du jour du soir, un point qui fait
débat dans la commune depuis plusieurs années: la construction d’une
aire d’accueil de gens du voyage.

La commune où j’habite vient juste de franchir la barre des 5000
habitants. C’est un seuil important, et parmi les nouvelles obligations
de la commune, il y a celle de mettre à la disposition des gens du
voyage un endroit où pouvoir séjourner. Le conseil municipal précédent
avait déjà débattu de la question, mais sans pouvoir trouver un endroit
adéquat.

Le maire, conscient des difficultés à fédérer les conseillers sur un
projet particulier, a choisi d’inviter au conseil municipal le
spécialiste de l’accueil des gens du voyage de la communauté
d’agglomération à laquelle la commune appartient.

Cette personne nous a présenté pendant une heure les différents aspects
de la communauté des gens du voyage, bien loin des clichés que pouvaient
avoir certains conseillers. Il nous a parlé des difficultés rencontrées
par cette communauté, de sa richesse culturelle mais aussi de sa
pauvreté, de son illettrisme parfois. Il nous a montré les
contradictions de notre société qui souhaite sédentariser ces
populations pour permettre la scolarisation réussie des jeunes, et qui
considère les aires d’accueil comme des lieux de passage.

Il nous a expliqué leur mode de vie, leur travail et leurs aspirations.
Par exemple, il nous a montré que beaucoup d’aires d’accueil de notre
communauté d’agglomération étaient construites sur un modèle
architectural identique, avec des défauts (blocs sanitaires utilisés
pour le stockage de nourriture, pas d’emplacement prévu pour un lave
linge, pas de rangements…)

Il s’est dit étonné et particulièrement heureux d’avoir appris que notre
conseil municipal avait décidé de passer par un bureau d’étude auquel
nous avions demandé l’établissement de plans pour notre future aire
d’accueil. Il était surtout content d’avoir pu participer à la critique
du projet avant sa réalisation, afin de nous faire profiter de son
expérience de plus de dix années à son poste.

Enfin, il était content de l’emplacement choisi par le conseil municipal
lors d’une délibération précédente: près du centre culturel et sportif
de la commune, près d’un arrêt de bus pour l’école et près des
commerces.

Le conseil municipal étudie alors avec soin les travaux de la commission
voirie qui avait en charge le suivi du travail du bureau d’étude.
L’aménagement de l’aire d’accueil retenu par la commission est voté par
le conseil municipal à l’unanimité. Celle-ci sera végétalisée et
permettra l’accueil de 16 familles.

Le maire nous lit alors la pétition qui circule dans la commune et
demandant le déplacement de la future aire d’accueil à un endroit « moins
visible », près de la 2×2 voies qui traverse la commune. Le maire
explique que l’endroit choisi par les organisateur de cette pétition se
trouve dans la zone des 100m inconstructibles de la voie rapide et
répond point par point à tous les arguments de la pétition.

Le maire a conclu sa présentation en ces termes: « nous travaillons sur
ce projet depuis des mois, voire des années. Il se termine alors que le
gouvernement de la France est en pleine polémique sur une catégorie de
gens du voyage. C’est triste, mais c’est comme cela. Je vous propose une
chose simple: lorsque l’aire sera terminée, nous irons tous accueillir
en personne, ensemble et au nom de la commune les premières familles qui
viendront s’y installer. » Sa proposition a été acceptée par tous.

Dommage qu’il n’y avait personne dans le public, car ce soir là, nous avons appris beaucoup sur les autres.

Fin du conseil municipal: 2h du matin.

Une réflexion sur « Redif : Au nom de la commune »

  1. Il aurait été interessant de faire un retour sur cela.

    Est-ce utilisé, y a-t-il encore des contestations, y a-t-il eu des problèmes, etc…

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