Je me suis lancé depuis quelques temps dans une activité freelance, dont je parle un peu sur mon blog dans cette rubrique, et aujourd’hui j’ai envie de vous faire partager mes erreurs de débutant…
Je suis avant tout un passionné de la technique. J’aime la bidouille et je suis toujours curieux du fonctionnement d’un ordinateur, d’un système d’exploitation, d’un système de virtualisation, ou d’une paire de lunettes de visualisation 3D.
Je suis depuis 1999, prestataire de service auprès de ma cour d’appel, inscrit à la rubrique qui va bien sur la liste des experts judiciaires. J’attends qu’un magistrat ait besoin de moi et je réponds en mon honneur et conscience aux missions qu’il souhaite me confier.
Quand on se lance dans une activité freelance, il y a une dimension supplémentaire à prendre en compte : le marketing. Je vous laisse lire cette merveilleuse page Wikipédia qui relève pour moi plus du chinois que d’une passion première. J’ai beaucoup simplifié la méthodologie pour l’adapter à mon niveau : j’ai une gamme de services, je dois les faire connaître auprès de mes clients potentiels, puis amorcer le cercle vertueux de la satisfaction client.
La gamme de service est simple, j’en ai déjà parlé dans ce billet (je ne vais pas y revenir, il y a des lecteurs que ça agace ;-). La satisfaction client est simple également : il suffit d’accepter des missions pour lesquelles je suis compétent, puis de bien travailler. C’est la partie identique aux missions judiciaires. Mais entre les deux, il y a une petite difficulté : il faut se faire connaître auprès de ses clients potentiels…
Tout d’abord, il faut définir ses prospects : qui sont mes clients potentiels ? Dans mon cas, j’ai décidé de me limiter aux seuls avocats. Mon marché est donc une niche très petite : les avocats souhaitant se faire assister (eux ou leurs clients) par un expert informatique (cf gamme de service).
Les objectifs de ma campagne de prospection sont donc simples : je dois contacter les 56 000 avocats de France pour leur proposer mes services. Bien. Mais comment ? J’organise une réunion de brain storming avec moi-même et en dix secondes j’ai trouvé la solution parfaite :
« Bah, je vais leur écrire un email. »
C’est ainsi qu’avec la foi du jeune débutant, je me suis lancé dans une magnifique campagne de promotion basée sur l’envoi massif d’emails. Si, si. Même pas peur. Sans penser une seconde aux conséquences. Sans tenir compte d’une longue expérience dans la lutte permanente contre ce fléau de l’email non sollicité. J’ai même écrit sur ce blog deux billets consacrés à ce passionnant sujet (sur une bourde en 2006 et sur postgrey en 2007).
C’est donc avec cette foi inébranlable en ma bonne étoile que j’ai commencé à collecter à la main tous les emails des avocats de France, de Navarre et d’Outre-Mer (on dit maintenant DROM-COM). Pendant six mois, à raison d’une heure par jour tous les soirs après le repas, j’ai écumé A LA MAIN tous les sites des barreaux, j’ai copié A LA MAIN toutes les adresses emails de tous les sites d’avocats que j’ai pu trouver. Bref, je me suis constitué un fichier prospect (déclaré à la CNIL) grâce à ce travail de romain…
Au bout de six mois, j’étais à la tête d’un fichier de 45000 adresses emails !
Et là, j’ai commis ma première grosse erreur technique : fidèle au principe du DIY (Do It Yourself, ou FLVM dans la langue de Jean-Baptiste Poquelin) , muni du logiciel qui va bien (dont je tairai le nom, à cause du réchauffement climatique), j’ai envoyé le plus gros emailing de toute ma vie : 45000 emails personnalisés.
Là, je pense que mes lecteurs vont se séparer en deux groupes : ceux qui vont éclater de rire, et ceux qui vont pleurer toutes les larmes de leur corps (les deux groupes ayant une intersection non vide).
Cher lecteur clairvoyant, pourquoi cette tentative était-elle vouée à l’échec ?
Il y a plusieurs raisons que j’expose ci-après, uniquement dans un esprit de partage destiné aux jeunes freelances « ayant trop la foi », et pas du tout pour (plus) me ridiculiser :
– qui, de nos jours, accepte de lire avec sérieux un email publicitaire, et prend note des coordonnées pour une prise de contact ultérieure ?
– les fins techniciens que vous êtes ont parfaitement perçu qu’au bout de quelques heures, le nom de domaine que j’ai acheté pour réaliser mon emailing était durablement blacklisté par tous les gros opérateurs de messagerie, malgré la déclaration en règle de mon serveur smtp.
Résultats de cet énorme emailing :
– 45000 emails envoyés
– 1500 retours « user unknown » sur des adresses emails pourtant affichées sur les sites des barreaux
– 2000 systèmes antiSPAM me demandant de cliquer pour prouver que je suis un humain et pour que mon email puisse être distribué
– 50 réponses m’informant avoir pris bonne note de mes coordonnées
– 5 engueulades par email
– 1 plainte auprès du président du Conseil National des Compagnies d’Expert de Justice (qui a contacté aussitôt le président de ma compagnie d’expert de justice pour me demander d’arrêter immédiatement, ce qui a entraîné rapidement la décision décrite dans ce billet).
Conclusion à destination des freelances débutants : ne faites pas comme moi, et évitez à tout prix la prise de contact par email. Il faut privilégier une méthode plus douce, plus agréable pour le prospect. Pour ma part, j’ai choisi les réseaux sociaux professionnels. J’utilise donc maintenant LinkedIn et Viadéo pour proposer aux avocats d’être en contact avec moi (avec une forte préférence pour LinkedIn). J’ai un taux d’acceptation assez élevé, preuve que mon profil intéresse quand même les avocats. Ensuite, je les contacte par le biais de la messagerie interne du réseau social pour préciser ma démarche de service.
C’est plus long, mais c’est plus respectueux des usages.
Ne me lancez pas la pierre et souvenez vous de vos premiers pas.
On peut débuter, même après 50 ans.
Soyez indulgents, il y a des erreurs plus graves…
Et c'est comme ça que je me retrouve avec ton profil proposé dans mes contacts Linkedin grâce à 2 de mes amies avocates que nous avons en commun…
S'en est bien entendu suivi immédiatement un SMS de "mais comment connais-tu ce monsieur là?" avec pour réponse ce que tu as exposé dans ce billet…
En tout cas la démarche avait l'air d'avoir été bien prise par mes amies… J'ai bien sûr souligné le sérieux de ton hypothétique prestation à venir!
PS: Merci le SSTIC pour avoir permis de te croiser au moins 2 fois (et à quelques soirées associées) et qui me permet maintenant de te reconnaître sans trop de problème!
J'adore la photo du pneu et du gars à la pompe, elle peut illustrer beaucoup de situations 😉
Mais un truc me tracasse : pourquoi ne pas avoir demandé conseil ???
Et autre question : pas eu de problème de mauvaise pub après cela ?
Je suis toujours à l'écoute de conseils, seulement je connais très peu de freelances… Et cela n'empêche pas forcément les bêtises 😉
Je ne peux pas mesure l'impact de mon emailing en matière d'image, mais ce qui est certain, c'est que je ne recommande pas cette approche !
Non mais mec… :') Bon courage
A partir de combien de destinataires un email devient-il un spam ?
Je reconnais que je suis déçu qu'une fois les 45 kadresses collectées, vous n'ayez pas tilté…
Votre chère et (j'imagine) tendre épouse n'aurait-elle pas pu/su vous conseillez ?
Le résultat pour moi de ce billet intéressant comme d'hab, est de me faire remonter en mémoire mon premier mailing (un vrai par la Poste) sur mon premier PC en 1985 avec une suite bureautique Open Access.
Le but : proposer ma pomme pour me lancer dans la formation sur PC et en gestion de projets avec une expérience proche de zéro.
Les chiffres et résultats :
18 adresses, 3 réponses, dont une positive qui m'a suffit pour mettre le pied à l'étrier. Moi, content.
A refaire aujourd'hui ? Oui, les réseaux dits "sociaux" et professionnels et en ciblant sur un premier cercle de contacts réels qui propageront ensuite.
Avec ce genre de trucs on est forcément débutants. Et d'ailleurs c'est ce dans quoi je me lance à la rentrée pour une activité complémentaire proposant mes services en matière de structures géodésiques..
Remarque : saisir à la main 45 k @ mail, tu montres que c'est possible, mais je n'aurais pas pu, j'aurais demandé un devis pour acheter ce genre de fichier et selon, j'aurais soit payé, soit revu mon projet à la baisse (ex, seules les jolies avocates en bord de mer et à moins de 2 h de trajet de chez moi, ça ne doit pas faire plus de mille @…).
Bonne chance et qui sait…