L’intimidation

L’avocat me lance un regard noir, il est furieux.

Je viens de donner mon avis en réunion d’expertise, et celui-ci est très défavorable à son client.

La tension est palpable dans la salle de réunion, les esprits sont fatigués, la réunion dure déjà depuis plus de six heures (avec une pause déjeuner d’une heure, je ne suis pas un monstre).

Je sais que le moment est délicat, mais je sais aussi que c’est le travail et le rôle de l’expert que d’expliquer aux parties où il en est de ses réflexions, même si elles ne font pas plaisir à tout le monde. Je ne suis pas là pour faire plaisir à tout le monde, je suis là pour comprendre les enjeux techniques et donner un avis écrit en répondant aux questions (écrites) posées par le magistrat (qui n’est pas présent).

L’avocat se lève et range ses affaires. Il fulmine.

Il me regarde en partant et me lance : « Nous nous reverrons ! »

La violence du propos et les sous-entendus qu’il laisse planer m’atteint de plein fouet. Ma formation GERME m’aide à gérer la situation. De toute manière, la réunion d’expertise est terminée.

Reste une question qui m’obsède sur le chemin de retour vers mon havre de paix sucré : « qui protège l’expert judiciaire contre les tentatives d’intimidation ? ».

La base de ses protections est l’article 434-8 du Code Pénal français :

« Toute menace ou tout acte d’intimidation commis envers un magistrat, un
juré ou toute autre personne siégeant dans une formation
juridictionnelle, un arbitre, un interprète, un expert ou l’avocat d’une
partie en vue d’influencer son comportement dans l’exercice de ses
fonctions est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros
d’amende. »

En théorie.

En pratique, cela relève souvent du fonctionnement gris des relations interpersonnelles : il faut savoir fermer les oreilles et ne pas monter sur ces grands chevaux à chaque provocation, et encore moins en voir derrière chaque mot ou sous-entendus.

Il faut encaisser les coups, et ne pas les rendre.

Il faut laisser glisser les critiques et ne pas prendre la mouche.

Il faut gérer son égo et celui des autres.

Bien sur, il n’est pas possible d’excuser une agression physique, ni une agression tout court, fut-elle psychologique.

Pourtant, qui pour me dire de stopper toutes opérations d’expertise et de déposer une plainte pour menace ou agression, sur les bases de ce bel article 434-8 du Code Pénal ?

Qui pour me dire alors ce qu’il en sera du travail réalisé ?

Qui pour me dire si je dois déposer mon rapport en l’état ?

Mon travail pourra-t-il être payé, et par qui, surtout s’il n’est pas fini ?

Il faut surtout savoir qu’en déposant plainte contre l’une des parties, l’expert n’est plus indépendant. Son rapport pourrait-il être considéré comme objectif ?

Je n’ai pas les réponses à toutes ces questions. Il me faut donc prier et me souvenir du serment solennel que je voulais faire il y a maintenant de longues années :

« La
nuit se regroupe, et voici que débute ma garde. Jusqu’à ma mort, je
la monterai. Je ne prendrai femme, ne tiendrai terres, n’engendrerai. Je
ne porterai de couronne, n’acquerrai de gloire. Je vivrai et mourrai à
mon poste. Je suis l’épée dans les ténèbres. Je suis le veilleur au
rempart. Je suis le feu qui flambe contre le froid, la lumière qui
rallume l’aube, le cor qui secoue les dormeurs, le bouclier protecteur
des royaumes humains. Je voue mon existence et mon honneur à
l’Expertise, je les lui voue pour cette nuit-ci comme pour toutes les
nuits à
venir. »

Je n’ai jamais revu cet avocat.

J’ai pris femme et j’ai engendré trois enfants.

J’ai une grande épée deux mains.

Mais j’ai prêté un autre serment !

Pour cette nuit comme pour les autres, il est encore inscrit sur le fronton de ce blog…

8 réflexions sur « L’intimidation »

  1. Je me pose une question, à partir de quand un propos est-il considéré comme une menace. Faut-il nécessairement menacer de quelque chose, ou, comme dans l'article, est-ce le contexte qui donne aux propos tenus la qualification de menace ?

    • Il n'y a pas de règle. On se "sent" menacé… Mais cela fait partie du jeu, surtout lorsqu'il y a de gros enjeux.

  2. Si il ne vous a dis que "Nous nous reverrons !" même avec les yeux injectés de sang et la bave aux lèvres je trouverais ça étonnant que vous puissiez porter plainte pour tentative d'intimidation…
    De même, si vous vous êtes senti blessé ou attaqué pourquoi ne pas avoir répondu? en restant poli évidement (ce dont je ne doute pas en vous lisant) pour moi des adultes devraient pouvoir régler "leurs problèmes" non?

    • Il ne faut pas entrer dans le jeu de la provocation. Il faut rester sur le terrain technique et apprendre à gérer ses émotions.

  3. jaime game of trone mais intimidation c comme une ganme de hockey tu criss lintimidation dans le coin pi la ta 3 non 2 défenseur pi 3 attakan fake la tu score un but pi le goal ya block pas pi la tu reprend le pock pi tu fait un deuxieme but pi un troisieme mais apres ten fait pas dautre pcq c plate fake lon ton goal ye fait une carte blanche pi la tes rendu avec linterview dapres match avec le coach pi y dit bah la la on na bien jouer le pock on a joué 100min pi c ca ps:ta mer

  4. Bonjour,

    Un élément de réponse ici : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007049955
    En gros un expert agressé qui porte plainte contre l'agresseur peut être récusé.
    Après sur le fait de savoir si un expert récusé touche ses honoraires, vous savez cela mieux que moi. A priori cela ne devrait pas être le cas, si la récusation s'est faite sur un motif validé par la justice (ici exigence d'impartialité).

    Bonne journée

    D'ailleurs je ne sais plus où j'avais vu un billet sur cette affaire, manifestement ce n'est pas chez vous (ou alors un billet plus récent?). bref.

    Oui je sais la réponse a trois ans de retard. Tant pis.

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