J’entends très souvent autour de moi la phrase suivante: « J’aimerai bien apprécier les subtilités de tel ou tel domaine, mais je n’ai pas la connaissance nécessaire pour. »
Moi-même, il m’est arrivé assez souvent d’utiliser cette phrase dans les domaines tels que la musique classique, la peinture, la danse, l’art contemporain…
Je vivais très bien avec cet a priori quand je suis tombé sur ce billet-bd de Sylvie-Anne Ménard.
Je me suis hélas rendu compte que je pouvais tout aussi bien m’identifier au personnage qui dit « la musique classique, hein… Bah, j’écoute pas ça, moi, je suis trop nul! Je veux dire, j’ai pas assez de connaissance pour pouvoir apprécier. »
Puis, en réfléchissant, je me suis dit que les arguments de Sylvie-Anne pouvaient tout aussi bien s’appliquer à moi, sur la musique classique bien entendu, mais aussi sur d’autres domaines.
Est-il nécessaire d’avoir des connaissances pour apprécier le spectacle d’un ciel étoilé? Je conseille évidemment à tous les visiteurs de Paris la visite du planétarium du Palais de la Découverte ou de celui de la Cité des Sciences. Vous y apprendrez le nom des galaxies, des étoiles les plus remarquables. Mais le ciel garde toute sa beauté, même si (comme moi) vous oubliez la plupart des noms dès la sortie de ces planétariums.
Est-il nécessaire de connaître les principes du moteur à explosion pour bien conduire une voiture? Faut-il comprendre le principe du routage pour utiliser Internet? Etc.
Je reçois régulièrement des emails de lecteurs avouant leurs intérêts pour l’expertise judiciaire (informatique). Ils me disent ne pas oser franchir le pas, soit par jeunesse (moins de 40 ans), soit par peur de « ne pas avoir les connaissances nécessaires pour… »
A ces personnes, je réponds par une citation:
« Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons ainsi davantage et plus loin qu’eux, non parce que notre vue est plus aiguë ou notre taille plus haute, mais parce qu’ils nous portent en l’air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesque. »
(Bernard de Chartres, XIIe siècle)
Evidemment, les géants représentent nos prédécesseurs, mais aussi le savoir accumulé dans les livres ou sur internet. C’est aussi l’expérience de nos collaborateurs, les conseils de nos aînés, les avis de nos confrères.
Bref, si l’on doit bien sûr assumer ses propres responsabilités, il est bon de rappeler que l’on ne doit pas attendre de tout savoir, de tout maîtriser pour s’essayer à l’aventure, pour apporter sa propre pierre à l’édifice.
Oui, je me sens comme un nain juché sur les épaules d’un géant: parfois je vois loin et mieux que lui, parfois je ne vois rien car j’ai la tête dans les nuages.
Parfois, « j’ai la connaissance pour », parfois non.
On ne peut pas tout savoir, mais on doit savoir que l’on ne sait pas tout.
Etre expert judiciaire en informatique, ce n’est pas tout savoir sur toute l’informatique. Vous croyez vraiment que je ne transpire pas quand je lis un billet de Sid, de Nono, de Bruno Kerouanton ou de Pascal Charest?
Etre expert judiciaire en informatique, c’est être capable de donner un avis qui éclaire un magistrat. Et pour cela, avoir envie de tout mettre en œuvre pour ne pas se tromper.
«Je donne mon avis non comme bon mais comme mien.»
disait Michel de Montaigne.
C’est valable pour ce blog…
Mais pas pour un rapport d’expertise.
Et c’est très bien.
PS: De la genèse d’un titre…
J’ai failli mettre comme titre du billet « Je suis un nain posteur » par clin d’œil au titre de ce billet… Puis je me suis amusé avec « Je suis un nain blogueur », mais cela n’avait de sens que pour moi. Du coup, j’ai fait plus simple. Mais j’ai hésité!
« Est-il nécessaire d’avoir des connaissances pour apprécier le spectacle d’un ciel étoilé? »
Ha, éternel débat. Le romantique dira non, le curieux répondra oui. Peut-on être curieux et romantique ? Je ne le crois pas. Mais ça mérite un billet à part entière … 🙂
« Est-il nécessaire de connaître les principes du moteur à explosion pour bien conduire une voiture? »
Tu passes d' »apprécier » à « comprendre », la donne change, les problématiques ne sont en outre pas liées : pour bien conduire non, mais pour exercer le métier de motoriste, c’est préférable.
Cela ne signifie pas pour autant, comme tu le soulignes pour ta spécialité, qu’il faille absolument tout connaitre du taux de swirl pour régler un moteur …
Cher Eric C,
Ma déclaration va peut-être vous surprendre, mais c’est votre blog qui m’a donné envie de commencer le mien; Je vous lis toujours régulièrement même si je commente peu, et je suis flatté de votre présence ici.
Personnellement, je crois que l’on peut être romantique et scientifique (et donc curieux). Mais effectivement la question devrait faire l’objet d’un billet. A vous l’honneur ? (ceci n’est pas un tag 🙂
Comment va votre petite puce dont les aventures ont fait l’objet de quelques beaux billets sur votre blog?
Tiens, dans le même ordre d’idée ça me rappelle le sujet sur lequel j’étais tombé lorsque j’ai passé un diplôme d’éducateur sportif : « Faut-il maîtriser parfaitement la discipline que l’on enseigne pour bien l’enseigner ?… »
On est tenté de répondre bien sûr que oui ! Et pourtant…
Le meilleur contre exemple est celui de Jean-Claude Killy (champion olympique de ski) dont l’entraineur ne savait pratiquement pas skier.
Ha, j’ai oublié de vous dire que j’avais réussi mon diplôme avec la meilleure note à l’écrit de ma région .
La petite d’homme va bien, ce début d’année 2008 est bien plus tranquille, médicalement parlant, que la fin 2007. Elle s' »affirme », petit à petit, et la voir évoluer est un bonheur.
Merci pour l’attention 🙂
Je ne répondrais qu'une chose: "C'est en forgeant que l'on deviens forgeron."