Les risques du métier

Ce billet s’adresse plus particulièrement aux futurs jeunes experts judiciaires.

L’activité d’expert judiciaire peut amener à prendre des risques et à se retrouver au pied du mur. Voici la mésaventure arrivée à un confrère, et rapportée dans la revue Experts (n°70 et 76) par l’excellent Gérard ROUSSEAU, Docteur en droit, expert honoraire près la Cour de cassation. Je la place dans ma rubrique Anecdotes d’expertises, en priant pour que ce type de mésaventure ne m’arrive jamais.

Un expert judiciaire est physiquement agressé pendant une réunion d’expertise par l’une des parties qui le projette à terre. Cette agression entraîne le dépôt d’une plainte par l’expert. Un mois après, l’expert dépose son pré rapport, preuve que l’expertise était avancée lors de l’agression. Un mois après, l’agresseur dépose une requête demandant la récusation de l’expert sur le fondement de l’article 341 du NCPC. Cette requête est rejetée trois mois plus tard par le magistrat en charge du contrôle des expertises qui confirme l’expert dans ses missions. L’agresseur fait appel de cette décision. Un mois après, parallèlement à l’affaire principale, il est condamné pénalement pour l’agression qu’il a commise sur l’expert. Pendant ce temps l’expertise continue, et un dire est déposé par l’agresseur trois mois plus tard. L’expert rend son rapport final un mois après. Un an passe avant que la cour d’appel ne confirme la décision du magistrat en charge du contrôle des expertises estimant qu’il n’y a pas lieu à récusation de l’expert. Pourvoi en cassation de l’agresseur. Un an plus tard, jugement au fond sur le rapport déposé par l’expert. L’agresseur perd son procès civil, mais fait appel. Une année s’écoule encore avant la cassation de la décision du magistrat ayant décidé qu’il n’y avait pas lieu à récusation de l’expert, avec retour devant la cour d’appel. Cette dernière jugera que la révocation de l’expert est justifiée.

Patatra.

Cette mesure est rétroactive puisqu’elle dénie au récusé toute légitimité depuis sa désignation. Elle entraîne la nullité de tous les actes effectués par l’expert. De plus, l’expert a été condamné à l’article 700 du NCPC (2000 euros) outre les entiers dépens (8500 euros). Le rapport étant nul, la rémunération n’est pas admise et celle perçue (2500 euros) devrait être remboursée indépendamment des frais.

Cela fait cher pour une personne au service de la justice.

Extrait des conclusions de Gérard ROUSSEAU: les juridictions du premier et second degré auraient dû mettre en demeure l’expert de suspendre ses opérations en attendant une décision passée en force de chose jugée, en l’occurrence l’arrêt de la Cour de cassation. Ou mieux de prononcer la récusation et de faire verser à l’expert le coût des travaux effectués. […] Quant à l’expert, nous savons que les techniciens ne sont pas des juristes, mais il aurait dû se déporter immédiatement, dès lors qu’un plaideur l’avait agressé.

J’aime bien ce passage aussi:

Si l’agression devient l’une des possibilités d’obtenir une récusation, la formation à l’expertise judiciaire devra pour le moins inclure une épreuve de lutte gréco-romaine qui pourrait utilement être enseignée à l’Ecole Nationale de la Magistrature, les magistrats étant eux-mêmes récusables.

Toujours envie de devenir expert judiciaire ?

6 réflexions sur « Les risques du métier »

  1. comme quoi dans la vie il vaut mieux parfois ressembler à un rugbyman qu’à un danseur étoile ça donne tout de suite moins envie de contester…

  2. moi je dis : honteux.
    En arriver là, c’est fait pour décourager les experts cet effet rétroactif ? achetez des gants de boxe on ne sait jamais… c’est la justice française dans toute sa splendeur …

  3. Probablement. Encore faut-il que l’expert prenne une assurance, ce qui est souvent le cas s’il est membre d’une compagnie pluridisciplinaire.

  4. si les experts avais plus d'humanités et de compassion pour les victimes ce genre d'agression ne se produirait pas

  5. je pense que les experts ce prennent pour dieu!qui peut se rapproché de la vérité? a qui doit profité le doute a des multi national ou a de pauvre malheureux ?

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