En procédure civile, lorsque l’une des parties a le sentiment de ne pas avoir été entendue, ou qu’il ne lui a pas été apporté de réponse satisfaisante aux questions posées, cette partie, par l’intermédiaire de son avocat, et de façon contradictoire en en adressant une copie à l’autre partie, à la faculté de rédiger un document qui s’intitule « dire à expert » qui expose par écrit sa position. L’expert est obligé de répondre aux dires des parties.
Article 276 du Nouveau Code de Procédure Civile (NCPC pour les intimes)
L’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.
Toutefois, lorsque l’expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n’est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l’expiration de ce délai, à moins qu’il n’existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.
Lorsqu’elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu’elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.
L’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
Extrait du livre blanc de l’expertise judiciaire:
En principe, le dire, que l’expert doit joindre à son rapport, doit formuler des observations ou des réclamations des parties.
Le dire doit être porteur d’une argumentation : la preuve en est que l’expert doit lui donner une suite et l’annexer à son rapport.
Or, on constate fréquemment que:
– il y a une inflation des dires, en particulier en fin d’expertise, voire à la veille du dépôt du rapport;
– il en est qui visent seulement une transmission de pièces techniques, demandées ou non par l’expert, comme si le conseil voulait s’assurer qu’elles seraient bien examinées;
– certains dires constituent plus une manière de poursuivre un dialogue conflictuel entre certains avocats ou certaines parties en prenant l’expert à témoin, qu’un apport d’argument;
– d’autres suggèrent de véritables extensions de mission sans respecter le formalisme des textes;
– des dires trop longs sont surchargés d’arguments hors sujet par rapport à la mission d’expertise ou même soulèvent des problèmes de droit pur qui échappent évidemment à la compétence procédurale de l’expert et au champ de la mission;
– les avocats laissent parfois leurs clients ou leurs experts d’assurance rédiger eux-mêmes des dires peu clairs souvent chargés de subjectivité, voire d’agressivité ou de contrevérités;
– ces dires hors sujet sont souvent d’un volume excessif; ils encombrent inutilement les diligences et l’avis de l’expert.
On assiste ainsi à une dérive de l’emploi du dire, qui, de support d’arguments, se transforme en un processus systématique, à la fois procédé dilatoire et rideau de fumée.
L’expert est plutôt mal protégé contre cette déviation qui constitue une véritable pollution de l’expertise.
Le juge auquel il va s’adresser ne pourra, en l’état des textes et de l’usage qu’en font certains avocats, que lui recommander de les appliquer, c’est-à-dire d’annexer au rapport des écrits largement digressifs et de formuler à leur sujet un avis, qui pourra alors être très bref… et consistera à préciser que le dire n’a aucun rapport avec la mission.
Il reste en outre à l’expert à régler, en accord avec les parties et leurs avocats ou, à défaut, avec le juge, le problème de la jonction au rapport des annexes des dires, dont le volume est souvent beaucoup plus important encore que celui des dires eux-mêmes.
Une anecdote:
J’avais déposé un pré-rapport auprès des parties afin qu’elles puissent formuler des dires. J’avais donné comme souvent une date limite correspondant à un vendredi soir afin de disposer du week-end pour répondre aux dires.
C’était avant l’introduction d’internet dans la procédure aussi les dires étaient traditionnellement adressés sous forme papier. Il me fallait donc un temps certain pour:
– soit saisir les dires sur mon ordinateur (par OCR ou saisie manuelle), ce qui est énervant quand on sait qu’une personne les a déjà saisis sous forme numérique avant de les imprimer…
– soit procéder à un découpage-ciseau-collage savamment synchronisé avec l’impression de mes réponses.
Il faut bien un week-end complet pour cela.
Dimanche soir, à 2h du matin (lundi donc en fait), mon rapport était fin prêt: 50 pages, dont 10 de savants collages et 200 pages d’annexes.
Lundi midi, je saute mon repas pour courir à la reprographie près de l’école (j’y croise souvent quelques uns de mes étudiants légèrement embarrassés de trouver l’un de leurs tortionnaires dans ce temple de la copie du savoir). Un exemplaire pour chaque partie (trois dans cette affaire), deux exemplaires pour le magistrat (la justice ne rechigne pas à faire parfois quelques économies sur le dos de la partie qui paiera l’expertise). Je garde l’original pour moi.
Lundi soir, en rentrant chez moi avec tous ces exemplaires
sous le brassur les bras, que vois-je sur mon télécopieur: un dire (tardif) de vingt pages.Aaaaaaarg.
La date de dépôt du rapport était fixé par le magistrat au lendemain mardi. L’avocat indiquait qu’il me fallait tenir compte de son dire à défaut de nullité de mon rapport.
Que faire?
Bien sur, je pouvais expliquer que le dire étant arrivé trop tard, je n’avais pas pu l’intégrer à mon rapport avant de l’imprimer, etc. Mais j’ai le sentiment que ce type d’argument trop terre à terre ne tient guère et donne une piètre image de l’expert (et pourtant!).
J’ai donc couru jusqu’au Palais pour y déposer mon rapport en case.
Au retour, j’ai écris de ma plus belle plume:
« Maître, ayant déposé mon rapport, je ne suis plus en charge de ce dossier. Les dires que vous m’avez adressé ce jour hors délai n’ont donc pas pu être pris en compte. »
Cela a fait tout un patakès.
Mais le magistrat m’a donné raison!
Bonsoir,
Il s’agit de procédure civile. Vous devriez le préciser, même si vous vous référez au NCPC, car beaucoup de vos posts sont sur du pénal.
J’ai corrigé le billet en ce sens (première phrase). Je suis heureux de voir qu’un confrère qui me lit va jusqu’à poster plusieurs commentaires (pertinents).
Aurais-je le soutien de quelques experts judiciaires dans ma démarche?
Bonjour
je vais prochainement formuler des dires, l'expert compte nous convoquer moi et la partie adverse pour nous donner les avis qu'il adressera au juge, lorsque je vais recevoir le pré rapport avant ce rdv puis je écrire mes dires avec l'aide de mon avocat et lui donner le jour de notre rdv? car apparemment plutot que de nous laisser lui envoyer nos dire sur papier il a pour préference de nous convoquer pour qu'on lui adresse de vive voix, ne serait ce pas une ruse pour nous induire dans l'omission des détails important ou éviter d'avoir trop a travailler sur les réponses qu'il doit faire face a cela? merci de votre sincérité que nous avons du mal a apprécier chez bons nombre d'expert médical
L'usage est de toujours travailler les dires avec son avocat et de les adresser par écrit par courrier recommandé avant la date limite de remise des dires. Rien n'empêche ensuite de rencontrer l'expert pour échanger de vive voix.
Mon meilleur conseil: toujours travailler avec votre avocat et suivre ses conseils.
Bonne chance pour votre procédure.
et vous trouvé normale cette réaction de courir au tribunal pour se débarrasser des dires d'une personne qui se defend??? je pense que les experts sont de connivences avec les parties qui les intéressent comme par exemple un expert qui défend un hopital dans lequel il a travaillé bien des années auparavant meme si celui ci à des tors! c'est juste honteux.
Les dires tardifs volumineux sont un vrai problème, et sont souvent utilisés à des fins dilatoires pour retarder le travail de l'expert.
Une bonne défense consiste à déposer les dires de manière à permettre à l'expert de disposer de temps pour y répondre, ce qui n'était pas possible dans l'anecdote que je cite ici.
Quant à votre remarque sur les experts "de connivences avec les parties qui les intéressent", elle n'engage que vous. Les procédures contradictoires sont justement faites pour pouvoir suivre le travail de l'expert qui doit pouvoir travailler en toute indépendance, mais aussi en toute transparence.
très bien, donc le contradictoire sert a vérifier si l'expert ne note pas des contre vérités dans le rapport c 'est bien cela? et avons nous le droit de le lui dire si cela s'avérait vraie? exemple, si un expert judiciaire médicale ne trouve pas de tort à l'autre partie alors qu'il y a préjudice subie voir souffrance endurées, préjudice esthétique etc. pouvons nous poser des questions à l'expert dans les dires? des questions qui n'auraient pas été exposé lors de l'expertise par ex.?
Non seulement vous pouvez poser toutes questions à l'expert, mais il doit obligatoirement les prendre en compte dans son rapport et y apporter une réponse (dans le rapport également, en général dans une partie intitulée "dires à expert").
Les questions (et leurs réponses) seront lues par les magistrats au même titre que le reste du rapport.
Je vous conseille de discuter de tout cela en priorité avec votre avocat qui, mieux que moi, saura vous guider dans les procédures.
très bien je vous remercie pour votre reponse, par contre je voudrais savoir une dernière chose, les "dires a expert" peuvent ils etre rédigé par la victime? ou bien par l'avocat? merci cdt
Les dires à expert sont rédigés par chaque partie, soit directement, soit par un avocat pour la partie qui lui a donné mandat de la représenter.
Je vous conseille de travailler les dires avec votre avocat qui sait comment les rédiger.
merci pour vos conseils.
cdt
bonjour
Dans une affaire civiles , lorsque vous recevez les dires des parties , répondez vous aux parties ou vous répondez dans le rapport que vous transmettez au juge.
Quel est le processus formalisé pour répondre aux dires après l'émission du pré rapport
merci
Je réponds dans le rapport final qui est celui que je transmets au juge ET aux parties. Dès lors que le rapport est déposé, je suis dessaisi de l'affaire.
Bonjour,
Je viens de lire avec intérêt l'ensemble des échanges ci-dessus.
Je suis actuellement en expertise dans un appel, et par ailleurs juge au TC au contentieux et chargé du suive de expertises.
Concernant la date buttoir donnée pour les dires des parties : pensez vous que la réponse argumentée à un nouvel argument non débattu exposé par l'expert en réponse à un dire au-delà de la date buttoir doit être ignoré du fait de cette date buttoir ?
Merci de votre avis
André
Bonjour André,
De mon point de vue, il faut bien donner une date limite à la discussion, sinon l'expert ne pourrait pas déposer son rapport si une partie décide de mener des actions dilatoires.
Dans le cas que vous citez, il me semble qu'il suffit de demander un complément d'expertise en demandant à l'expert de répondre aux points soulevés par la ou les parties.
Bonjour,
L'expert judiciaire a fixé un délai de 2 mois pour répondre à un compte rendu de mesures acoustiques. Une partie a répondu dans les délais (le dernier jour). L'autre partie demande un mois et demie après la date limite fixée par l'expert judiciaire un délai supplémentaire pour obtenir un accord de son assurance pour financer le recours à un conseil extérieur pour les aider à rédiger leur dire.
Cette pratique est-elle dilatoire ? L'expert doit il normalement l'accepter à votre avis ?
Je pense que cette partie pouvait financer ce conseil sur ses fonds propres dans le délai de 2 mois et l'expert judiciaire devrait rejeter cette demande. Est-ce courant comme pratique ?
Merci d'avance
Stéphane
Bonjour, ce type de question est à poser à votre avocat qui, mieux que moi, saura vous conseiller sur la bonne procédure.
Bon courage pour la suite de votre dossier.
Bonjour,
J'ai lu vos propos, très intéressants pour apprendre à connaître votre profession que je n'avais encore jamais rencontrée jusqu'à très récemment.
Cette première fois ne me laisse pas d'être inquiet.
J'ai en effet reçu en réunion contradictoire un expert judiciaire désigné par le Juge après assignation de ma part. Cet expert avait une mission très précise à remplir, concernant ma maison, or la lettre de contre-rendu de cette réunion (non le pré-rapport) que je viens de recevoir débat de tout sauf de l'objet de l'expertise.
C'est extrèmement déconcertant, tandis que mon avocat, débutant et nommé par l'aide juridictionnelle, paraît assez dépassé par la situation.
Aurai-je moyen, si besoin est, de "recadrer" l'expertise sur sa mission première?
Bien cordialement!