Les Assises

J’aime bien discuter avec d’autres experts judiciaires, et faire un retour d’expérience sur tel ou tel point technique de nos activités. Récemment, j’ai rencontré un expert judiciaire qui a vécu une expérience qu’il n’oubliera pas : témoigner dans un procès d’assises. Il a accepté que je rédige un billet sur son expérience pour vous la faire partager ici. Comme il est d’usage sur ce blog, les dates, lieux, sexes et noms des personnes ont été modifiés. L’expert judiciaire s’appellera Luwin.

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Le tribunal est silencieux pendant que je m’avance jusqu’à la barre. Nous sommes aux Assises et je dois témoigner en tant qu’expert judiciaire en informatique.


Il y a quelques semaines, un huissier est venu me délivrer une « citation à expert devant la cour d’assises ». Je suis appelé à témoigner en personne, c’est ce qui est inscrit. Ouf, c’est la cour d’assises de mon département. La dernière fois c’était à l’autre bout de la France. Je regarde les dates : mince, ça coince, entre les cours aux étudiants et des réunions prévues depuis plusieurs mois.

L’affaire ? Ah, oui, je me souviens. Quelques années auparavant, j’ai été désigné dans ce dossier pour analyser le contenu d’un ordinateur et y retrouver des vidéos tournées par l’accusé. Sale affaire. Les victimes sont des adolescents, encore enfants au moment des faits reprochés. Des faits graves.

Après les copies d’usage, et au premier abord, l’ordinateur était vierge de vidéos. Puis j’ai utilisé mes outils fétiches, comme Defrazer du NFI. Une par une, des vidéos sont reconstituées par les outils. Cela a pris des heures, des jours. Elles étaient toutes effacées, présentes uniquement sous forme de traces. Les vidéos n’ont plus de nom, le système de fichier les a oubliés. C’est donc moi qui les nomme, car il faut bien qualifier le contenu, décrire l’insoutenable.

Je sais que je n’ai pas retrouvé toutes les vidéos, que certaines sont incomplètes, que la plupart n’ont pas le son associé. Mais il n’y a pas à se méprendre : l’accusé est sur les vidéos, les petits garçons aussi. Ce qui était la parole d’un jeune garçon sur un procès-verbal d’audition devenait la réalité devant mes yeux. Je me suis alors rendu compte que seul l’accusé et moi avions vu ces vidéos.

Je dissipe mes souvenirs et contacte le greffe de la cour d’assises. Revenons sur Terre. Par chance la date et l’heure prévues pour l’audition tombent dans un créneau horaire libre. Dans le passé, il m’est déjà arrivé de faire changer la date ou l’heure d’audition. Tant que l’on s’y prend suffisamment tôt, et que l’ordonnancement des auditions est flexible, le greffe est conciliant.

Puis je m’enquiers du nom du président de la cour. Une question me dérange : dois-je présenter les vidéos aux jurés ? En effet ces vidéos sont présentes dans le rapport, sous forme d’annexes numériques, mais les jurés n’en ont pas connaissance. Ni du rapport d’ailleurs. Le greffier m’explique que la salle d’audience est toute neuve et que l’on peut projeter sur trois écrans (deux en face des jurés, un derrière eux), et m’indique le nom et le téléphone du magistrat.

Avant de l’appeler je ressors le rapport de mes archives. Le dossier comporte beaucoup de dates, d’éléments techniques. Je me replonge dans l’affaire, me remémore ces détails troublants comme ces courriers de l’accusé vers ses victimes, ou ses navigations Internet.

Je contacte le magistrat, qui prend le temps de m’expliquer le déroulement des assises. Il ne voit pas d’objection à ce que les vidéos soient projetées : il s’agit d’un élément central du dossier.

Cela m’a tétanisé.

Il y a un fossé entre un travail technique et scientifique solitaire dans son laboratoire et la présentation des résultats devant une assemblée, surtout lorsqu’il s’agit d’une cour d’assises, avec l’avenir d’un homme en jeu. Je n’ose même pas imaginer ce que devait être une cour d’assises quand la peine de mort existait. Puis je visionne à nouveau les vidéos, revois les victimes. Pour que l’œuvre de justice soit complète, je dois témoigner. C’est le jury qui décidera.

Le mieux à faire dans ces cas-là est de bien se préparer et de gérer tant que faire se peut la montée du stress. D’abord on contacte les collègues plus aguerris, ceux qui sont déjà passé par là. Tous répondent en prodiguant moult conseils, me soutiennent et m’encouragent, j’écoute beaucoup. Je sens bien qu’il est assez rare qu’un expert judiciaire en informatique vienne en personne dans un procès d’assises. Pour un expert psychiatre ou légiste, il doit s’agir d’une routine.

Puis viennent les inquiétudes techniques : comment faut-il faire pour projeter des séquences vidéos dans un tribunal ? Comment sont-ils équipés ? Que faut-il amener ?

J’ai bien entendu le greffier, mais je suis de nature méfiante. D’autant plus que je n’aurai pas le temps de « visiter » la salle avant d’y aller. La salle est neuve m’a assuré l’huissier, il ne devrait pas y avoir de problème particulier. Mais je décide de doubler le matériel en amenant mon propre vidéoprojecteur, deux ordinateurs portables, des clés USB et un DVDRom avec tout mon dossier gravé. Et une rallonge électrique. Et une multiprise. On ne sait jamais.

Le jour J approche. La tension monte.

Je mets à disposition chaque moment « libre » pour préparer le plan de mon « témoignage ». Aux assises, la procédure est orale, c’est-à-dire que les témoins doivent puiser dans leur mémoire les réponses aux questions. Quand il s’agit d’informatique, il est matériellement impossible de se souvenir de tous les fichiers, dates, éléments du dossier, sans avoir recours à la consultation du rapport. Les présidents de cour m’ont toujours autorisé à avoir recours à mes notes, à condition bien sûr de ne pas me plonger dans le rapport pour en faire la lecture à voix haute. Disons que le rapport est plutôt vu comme un aide-mémoire. Cela me rassure, car même si je suis sûr de venir à la barre avec tout le rapport en tête, tellement je l’aurai lu et relu, je ne suis pas à l’abri d’un trou de mémoire sur une question inattendue.

Je rédige alors un mémo, de trois pages au maximum, écrit gros car ma vue baisse, qui reprend les étapes principales de mon rapport.

Jour J.

J’arrive une heure et demi avant le début de l’audience. Je n’arrivais pas à dormir et je déteste arriver en retard. J’en profite pour prendre un expresso au « café du palais » (il y a toujours un « café du palais » à côté d’un tribunal). Je découvre alors dans le journal le contexte complet de l’affaire dans laquelle j’interviens. Auparavant je n’avais que l’ordonnance de commission d’expert et uniquement les informations nécessaires à la mission d’expertise. C’est encore plus glauque que prévu.

Le tribunal ouvre ses portes. Il n’y a presque personne. Je présente ma carte d’expert au portique d’entrée, ce qui me permet de ne pas sortir tout mon attirail de mes sacs.

Je me rends dans la salle, il n’y a personne. J’attends patiemment et au bout d’un moment l’huissier audiencier arrive. Il m’informe que la journée d’hier a été très longue et que ce matin nous aurons aussi le témoignage d’un militaire, initialement prévu la vieille, avant que je puisse passer. Bon.

Je demande si je peux commencer à brancher mon matériel. L’huissier me CRIE qu’il ne comprend rien au matériel. Je lui CRIE en retour de m’indiquer qui peut m’aider. Nous CRIIONS de concert non pas par énervement, mais parce que la pluie vient de tomber, et résonne de manière phénoménale dans la salle d’audience, située au dernier étage. Je comprends néanmoins que c’est le greffier « qui sait ». Le greffier arrive peu de temps après, avec l’arrêt de la pluie. « Ah, vous avez pris votre ordinateur ? Mais je ne sais pas comment on le branche, c’est tout neuf ici, vous n’avez pas une clé USB ? ». J’explique que j’ai les logiciels nécessaire au visionnage des vidéos sur mon PC, que je le maîtrise, et que je préférerais le garder, s’il vous plaît, merci. Le greffier n’y voit aucun inconvénient mais me laisse me débrouiller, il faut simplement que son ordinateur à lui continue de fonctionner.

L’endroit où je vais témoigner est en face du Président de la cour. C’est un pupitre, avec un micro. C’est tout. Pas de prise électrique ou vidéo. Je récupère une prise vidéo attachée à la caméra de document et une prise électrique vers le greffier. Je connecte mon portable : fils trop courts, je ne parviens pas jusqu’au pupitre. Je laisse donc mon ordinateur vers le greffier, je me déplacerai.

L’heure de début d’audience arrive et la salle s’est remplie. Finalement, de me concentrer sur les petits aléas techniques m’a permis d’ « oublier » là où j’étais. Mais je sens le stress qui revient.

J’avise une personne en uniforme sur un siège et vais me placer à côté d’elle. Il s’agit certainement du témoin qui va me précéder.

Une sonnerie stridente retentit. La cour fait son entrée, tout le monde se lève. Le Président et les deux magistrats professionnels qui le secondent sont au centre, les jurés de chaque côté. Le Procureur Général est à ma droite, avec les avocats de l’accusation. L’avocat de la défense est à ma gauche. Je le reconnais, c’est un bon.

Le Président ouvre les débats et appelle le militaire à témoigner. La personne à côté de moi se lève et s’avance à la barre. Le Président lui demande de décliner ses nom, âge, qualités et de prêter serment. Le militaire rend son témoignage entièrement de mémoire, avec tous les noms, lieux, dates et heures parfaitement appris. Je me sens misérable avec mon aide-mémoire. Le Président demande à l’Avocat Général puis aux avocats de l’accusation s’ils ont des questions, et donne la parole à l’avocat de la défense. Les questions pleuvent sur le pauvre militaire, accompagnées de rhétorique cinglante. L’avocat arriverait presque à faire passer le militaire pour un bourreau. Le militaire ne se départ pas de son calme et répond brièvement. « Avez-vous d’autres questions, Maître ? », demande le Président. « Non ?, dans ce cas nous vous remercions M. LeMilitaire et appelons à la barre l’expert informatique, M. Luwin ».

C’est à moi. Étrangement je suis très calme lorsque je me lève. Toutes les personnes présentes me regardent. La salle est silencieuse pendant que je m’avance jusqu’à la barre. Tout le monde sait que mon témoignage, et les vidéos que j’ai récupérées, sont essentiels.

Président : Veuillez décliner vos nom, date et lieu de naissance, adresse et qualité.

L : Luwin, 01-01-1970 à St Unix la Chapelle, expert judiciaire.

P : M. Luwin, Jurez-vous « de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité » ? Levez la main droite et dites « je le jure ».

L : Je le jure.

P : M. Luwin, veuillez décrire à la cour le déroulement de vos opérations d’expertise.

L : M. le Président, puis-je m’aider de mon aide-mémoire manuscrit ?

P : Mais bien sûr Monsieur l’Expert.

L : Merci Monsieur le Président. L’ordonnance qui m’a commis avait quatre chefs de mission, je vais les reprendre et expliquer en regard de chacun d’eux quels ont été mes opérations et leurs résultats. J’ai procédé à l’examen technique, bla-bla-bla…

L : …dans les vidéos on voit l’accusé en compagnie de petits garçons…

L : …Et j’ai remis mon rapport le 11 novembre 2011 au magistrat.

P : Monsieur le Procureur Général ?

PG : Merci Monsieur le Président. Monsieur l’Expert, …/…/… et donc à quelle date le système d’exploitation a été installé ?

L : !

Je feuillette mon rapport. Heureusement que tous mes rapports sont calqués sur le même modèle. Mais il y a 2 ans, est-ce que je relevais cette date ? Ah oui, j’ai trouvé, c’est à la page…

PG : C’est à la page 17 de votre rapport Monsieur l’Expert

L : Grmmll, oui, voilà : 18 juin 2003 à 12 heure 23 minutes et 6 secondes

PG : …/…/

P : Maître Jaccuse (avocat de l’accusation) ?

J : Pas pour l’instant Monsieur le Président.

P : Maître Défend (avocat de la défense) ?

D : Oui, merci Monsieur le Président.

L’avocat s’approche du pupitre, son regard pétille. Zut, il tient quelque chose.

D : Monsieur l’expert, quelle formation avez-vous ?

L : je suis docteur/ingénieur en informatique

D : Très bien. Avez-vous une formation qui permette de déterminer que les vidéos que vous avez retrouvées sont à caractère pédopornographiques ?

L : Non, Maître

D : Ou pornographique ?

L : Non, Maître

D : Très bien. Les vidéos que vous mentionnez n’ont pas de son, comment pouvez-vous affirmer que mon client a « ordonné » à un jeune homme de réaliser tel ou tel geste sexuel ?

L : En interprétant le langage corporel, Maître

D : Vous interprétez ! Mais vous n’avez pas de formation dans ce domaine non plus ! Je pourrais interpréter, moi, d’une autre façon, n’est-ce pas ?

L : Oui, Maître

D : Je n’ai plus de question, Monsieur le Président

P : Maître Jaccuse, vous aviez une demande ?

J : Oui, je voudrais que les jurés visionnent les vidéos 3, 7 et 11 contenues dans le rapport.

P : Très bien, je déclare le huis-clos pour permettre le visionnage. Le public est prié de quitter la salle.

Le public quitte la salle. Les victimes aussi, bien qu’elles puissent rester. L’atmosphère s’alourdit.

Je me dirige vers le PC portable et commence à diffuser les vidéos. Chaque vidéo dure plusieurs minutes. Aucune n’a de son. L’effet n’en est que plus ravageur.

Une demi-heure après, je coupe le vidéoprojecteur. Les lumières reviennent dans la salle. Les visages des jurés sont fermés. La défense accuse le coup. L’atmosphère est très lourde.

Le Président déclare une suspension de séance.

Je range mon matériel méticuleusement. Mon témoignage technique est terminé. Je sors de la salle. Je m’assoie sur un banc et je souffle. Tout s’est bien passé : l’ordinateur n’a pas cafouillé, les vidéos ont fonctionné, le vidéoprojecteur n’a pas lâché, l’écran de projection était à la bonne hauteur, je n’ai pas tremblé pendant mes réponses aux questions des avocats.

Je sens la baisse d’adrénaline. Je suis vidé.

Le lendemain, j’apprendrai dans les journaux que l’homme de mes vidéos a été condamné à 10 ans de prison ferme.

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Source photo www.tres-drole.com

25 réflexions sur « Les Assises »

  1. Quand les faits parlent d'eux-mêmes dans une affaire glauque comme celle-ci, l'expert que vous êtes, et dont l'intervention a surement été déterminante, a-t-il le sentiment d'avoir oeuvré pour la bonne cause ou reste-t-il froid et distant lorsqu'il apprend le verdict ?

    • Les faits ne parlent jamais d'eux-mêmes, et pour ma part, je ne ressens rien à l'énoncé d'un verdict.

  2. Cher Zythom
    Je ne comprends vraiment pas ce que vient faire cette image obscène du christ sur ce post. S'agit-il d'une erreur, d'humour, de haine?

    Un lecteur assidu qui apprécie énormément ce blog mais qui est choqué par votre illustration!

    • Ça s'appelle de l'humour, mais personne n'est obligé d'en rire. Je pense que celui qui a fait le design de cet interrupteur n'a pas fait attention à l'interprétation que ça pourrait donner.
      Je précise à tout hasard que je suis chrétien et non un anti-clérical de passage.

    • Il y a une chose que je ne comprends pas : Luwin a gardé chez lui, pendant 2 ans, des copies des vidéos qu'il a extraites du disque dur ?
      Il dit notamment "Puis je visionne à nouveau les vidéos, revois les victimes." : il se les remémore ou les visionne en vrai sur son écran ?
      De plus en lisant je comprend que c'est lui-même qui apporte les vidéos avec son matériel.

    • @Anonyme: Je cherchais une image en rapport avec ce type de dossier. J'ai trouvé qu'elle l'illustrait bien, sachant que tout le monde comprend que le concepteur n'a pas recherché son côté horrible. Amère ironie.

      @Joseph: Les experts judiciaires conservent leurs rapports, ainsi que les annexes, justement pour pouvoir répondre à une convocation devant la justice.

    • concernant l'image… probablement la plus drôle de toutes sur ce blog.

      Bien sûr, l'humour est toujours quelque chose de très personnel : je l'ai montré à mon épouse qui me demandait pourquoi je riais autant devant mon ordi et elle n'a pas vraiment apprécié : « c'est vraiment pas drôle »

      ps pour Zythom : ne passeriez-vous pas plus te temps à chercher des images qu'a rédiger les billets ?

    • Durant mon enfance et pré-adolescence, il trônait à la maison une tirelire en forme de Sainte-Vierge. L'objet était ainsi fait que la tête, indépendante du corps, acquiesçait en oscillant quand on lui mettait une pièce dans la fente prévue sur le devant du corps. Mes parents, croyants et pratiquants fervents, n'ont jamais senti rôder en ce bibelot rose et bleu l'ombre du grotesque et de l'atroce indissolublement mêlés.

  3. Au final, vous avez le droit de transporter ce genre de vidéo sur votre ordinateur ou sur un quelconque média ?

    • Les experts judiciaires ont le droit de conserver ce genre de vidéos dès lors qu'il s'agit d'un archivage de dossiers, et non pas d'une consommation personnelle.

      D'où l'enquête de bonne moralité…

  4. "une prise vidéo attachée à la caméra de document" –> qu'est ce qu'une "caméra de document" ?

    • Une petite caméra permettant de filmer un document ou un objet posé sur une table (sous la caméra).

  5. Il y a un point qui me chiffonne. J'avais cru comprendre que les témoins ne devaient pas assister aux autres témoignages "avant le leur", afin d'éviter tout parasitage. Cela ne semble pas être le cas ici.
    Ma mémoire me ferait-elle défaut ?

  6. Pour l'image, peut-être faut-il y voir une allusion à l'auteur. On ne peut hélas pas dire que ce serait du jamais vu dans le clergé.

    La fait que cela touche plus souvent la religion catholique devrait d'ailleurs, plutôt que de s'indigner sans savoir sur une simple image, faire se poser des questions sur les retentissements psychologiques du célibat imposé aux prêtres… L'amour de dieu c'est bien, mais un homme cela a en général besoin d'autre chose: En le lui refusant on entrouvre amha la porte à de bien sombres dérives, autrefois contenues par la "bonne du curé" sans doute?

  7. Merci de ce témoignage. Je suis convoqué comme témoin et expert pour dans deux semaines. C'est la première fois. Je stresse. J'ai l'impression d'être M. Luwin. C'est vrai que la question sur la capacité à qualifier une image de pédoporno est pertinente mais nonobstant c'est bien à l'expert qu'il est demandé de faire un tri préalable pour ne pas inonder le juge d'instruction de centaines voire milliers d'images simplement pornos. Et en plus si on ne peut même pas qualifier une image de porno alors notre travail ne sert plus à grand chose si ce n'est de passer un logiciel de récupération d'image ou vidéo.
    Merci pour votre blog que je lis assidument.

  8. Je trouve que ce passage est le plus interessant,
    «D : Monsieur l’expert, quelle formation avez-vous ?
    L : je suis docteur/ingénieur en informatique
    D : Très bien. Avez-vous une formation qui permette de déterminer que les vidéos que vous avez retrouvées sont à caractère pédopornographiques ?
    L : Non, Maître
    D : Ou pornographique ?
    L : Non, Maître
    D : Très bien. Les vidéos que vous mentionnez n’ont pas de son, comment pouvez-vous affirmer que mon client a « ordonné » à un jeune homme de réaliser tel ou tel geste sexuel ?
    L : En interprétant le langage corporel, Maître
    D : Vous interprétez ! Mais vous n’avez pas de formation dans ce domaine non plus ! Je pourrais interpréter, moi, d’une autre façon, n’est-ce pas ?
    L : Oui, Maître
    D : Je n’ai plus de question, Monsieur le Président
    P : Maître Jaccuse, vous aviez une demande ?
    J : Oui, je voudrais que les jurés visionnent les vidéos 3, 7 et 11 contenues dans le rapport.
    P : Très bien, je déclare le huis-clos pour permettre le visionnage. Le public est prié de quitter la salle.
    »
    Comment reconnaitre de la pédopornographie,
    Quelle est la différence entre une vidéo innocente d'une famille dans un camp nudiste, et de la nudité infantile,
    Comment faire la différence entre majeur et mineur sachant que l'age de la puberté est assez aléatoire. Ado j'avais des copines qui a 15 ans avait encore un cord d'enfants et d'autres qui avaient déjà leurs corp d'adulte.
    Et quid de ce genre d'image (Je linke un article, pas les images que j'ai jamais regardé)https://jezebel.com/5842172/reddits-pedophilia-defenders-and-the-return-of-jailbait

    J'imagine que présenter la vidéo au jury est la seule solution.

    • La question de l'interprétation est monnaie courante dans le contre interrogatoire.

      Potter Stewart (Gouverneur de l'Ohio) avait dit quelque chose du genre : "je ne saurai pas vous définir ce qu'est la pornographie, mais je sais quand j'en vois". Réponse évasive mais intéressante.
      Si quelqu'un trouve une source plus ancienne, qu'il n'hésite pas.

  9. Merci, Zythom, de ce billet qui rend bien l'atmosphère de tension régnant dans une salle d'audience, surtout aux Assises.
    Personnellement, je n'ai assisté qu'à des audiences en correctionnelle, moins stressantes peut-être, mais la sensation de l'estomac qui descend sous terre quand on se lève pour aller à la barre est la même, je pense.
    Ainsi que ce grand calme qui se fait en vous quand il faut témoigner et qui résulte de la concentration extrême sur ce qu'on doit dire.
    Et enfin l'impression d'être épuisé, vidé, l'esprit mort, comme si on avait brûlé toute son énergie, après avoir témoigné.
    Tout cela est bien rendu et devrait aider ceux de vos collègues qui doivent témoigner pour la première fois.

    Nous devrions peut-être, en France, prendre exemple sur les procédures américaines et admettre qu'un témoin témoigne mieux s'il est assis aussi confortablement que les magistrats 🙂

    Sur le côté technique de la prestation de l'expert : il a eu de la chance de trouver un minimum de matériel pour se brancher car les salles d'audience peuvent être très vieillottes (euphémisme) et pas du tout adaptées aux techniques modernes.

    A ce sujet, je trouve que lors des réfections de Palais de Justice, il serait bon que les architectes demandent aux utilisateurs réguliers quels sont leurs besoins : ça éviterait que les experts doivent apporter – et bidouiller pour installer – leur propre matériel…On peut rêver!

    Encore merci de l'éclairage que vous apportez sur votre travail d'expert car plus votre métier sera connu, mieux les magistrats et les jurés pourront mesurer ce que l'expertise apporte dans un procès et la différence fondamentale entre ce qu'ils voient dans les séries de fiction et la réalité de l'approche expertale, et mieux les juges d'instruction pourront discerner dans leurs listes qui sera le meilleur expert pour telle affaire qu'ils instruisent.

  10. "la sensation de l'estomac qui descend": c'est une "ptose"…
    je le sais depuis hier parce que je cherchais "chute de rein" en 5 lettres aux mots croisés…. donc j'en fais profiter les lecteurs de ce (beau) blog;
    Sinon, pour l'image on dira que Zythom a "pété les plombs"…
    Et on attend l'article suivant!

  11. Souhaitant de toutes mes forces devenir médecin légiste, je trouve particulièrement intéressant cet article. Même si je ne suis pas sûr que les procédures détaillées soient les mêmes que dans mon pays.

    Excellente nuit.

  12. Comme EJ Toulouse, je m'étonne de la présence du témoin pendant le témoignage précédent. S'agit-il d'une spécificité des assises, ou bien la mémoire de l'expert aurait-elle malencontreusement interverti l'ordre des témoignages ?

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