Le grand nettoyage

La propreté, c’est important. Mais à l’armée, la propreté, c’est TRÈS important. Tout est sujet à nettoyage: les armes, la cour balayée par le vent, les chambrées balayées par nos pieds, les vêtements, avec un petit plus pour les chaussures, les douches, les camions, etc. On nettoyait même les balais.

Mon séjour “à la dure” n’ayant duré qu’un petit mois, autrefois appelé le mois “des classes”, je ne peux prétendre avoir nettoyé tout ce qui pouvait se trouver sur la base. Mais j’ai pratiqué pas mal.

Il faut dire que mon père et mes oncles avaient bercés mon enfance de toutes ces petites anecdotes qui faisaient le lien entre les adultes de sexe masculin après les repas dominicaux. J’étais donc préparé à tous les coups foireux qui allaient m’être proposés. Et cela n’a pas loupé.

M’étant fait remarquer par mon obéissance butée, je savais qu’il me faudrait assurer plus que les autres chacune des “missions” qui allaient m’être confiées, en tant que “chef” de chambre.

Les gradés nous avaient informés qu’une inspection des chambres allait être faite en fin d’après-midi, et que nous avions trois heures pour nettoyer nos chambrées en profondeur. Ma “mission” donc, était de faire en sorte que l’inspecteur n’arrive pas à trouver de poussière dans la chambre. J’ai réuni mes camarades de chambrée (nous étions 10 par chambre) et leur ai expliqué mon plan.

Nous avons donc commencé par le B.A.BA: rangement des lits (draps au carré) et nettoyage du sol.

Puis nous avons vidé nos placards et lavé l’intérieur de ceux-ci avant d’y remettre toutes nos affaires pliées et bien rangées. Le dessus des armoires a également été soigneusement dépoussiéré, ainsi que l’arrière et le dessous.

Nous avons démonté les pommeaux des têtes de lit pour y enlever les mégots laissés par nos prédécesseurs.

Nous avons essuyé le dessus des plinthes.

Nous avons nettoyé le dessous des chaises.

Nous avons nettoyé le dessus des plafonniers d’éclairage.

Nous en avons démonté les néons pour les tourner et en enlever la poussière.

Nous avons démontés les fenêtres pour en nettoyer les bordures intérieures et extérieures, et regraisser les gonds avec de la graisse propre.

J’ai pris un mouchoir pour nettoyer l’intérieur des prises électriques de la chambre…

Les lits et armoires ont été déplacés pour refaire le nettoyage du sol.

Et pour finir, nous avons éteint les lumières de la chambre pour nettoyer le dessus de l’interrupteur.

C’est donc avec un plaisir de fin gourmet que j’ai pu voir le sergent entrer dans la chambre pour l’inspection. Nous étions tous au garde à vous aux pieds de nos lits. Il avait mis ses gants blancs.

Il a passé un doigt sur une armoire.

Il a vérifié le bord intérieur de la fenêtre.

Il a vérifié le dessus des plinthes.

Il a sorti son mouchoir et vérifié l’intérieur d’une prise électrique.

Il s’est tourné vers le lieutenant et a dit “euh, cette chambre est propre mon lieutenant!”

Le lieutenant a pris son béret et l’a lancé sur le sol à travers toute la pièce. En le ramassant, il m’a fait constater que le feutre noir avait collecté quelques poussières et a dit “Sergent, cette chambre est sale! Faites le nécessaire!”.

J’ai nettoyé les douches avec une brosse à dent.

Mais dans les yeux du sergent, j’ai vu briller une petite lueur d’admiration.

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12 réflexions sur « Le grand nettoyage »

  1. Le coup de béret est un grand classique et à part la mise en place d'un système similaire à une salle blanche je doute qu'il soit possible de le contourner.

    Dans mes vagues souvenirs de militaire intérimaire la grosse corvée de nettoyage était celle des armes. Et la meilleure stratégie était finalement de faire correctement le premier nettoyage puis de se faire rejeter par l'armurier puis d'attendre la fin des trois heures allouées au nettoyage des armes pour que l'action du temps ait transformé la saleté en propreté.

  2. @Christophe: Je ne connais pas l'histoire de cette photo, mais si un lecteur peut me dépanner, cela me permettrait également de mettre le crédit du photographe.

  3. Le tank, il va marcher beaucoup moins bien, forcément…

    Sinon, jolie anecdote. Mais en effet, le truc du béret permet de ne pas repartir sans sanction.

  4. En tant qu'ancien responsable armement (et sous-officier), je n'ai jamais obligé les gens (appelés ou engagés) à rester pour rien. En revanche, j'ai toujours expliquer comment faire pour arriver à une arme propre rapidement.

    Exemple : pour vérifier un canon, on prend une surface blanche pour faire contraste (et pas directement la lumière blafarde du néon, qui éblouit), et on tourne le canon en suivant du regard les rayures. Il ne doit y avoir ni petite boursouflure (poussière), ni point particulier sur la surface (poudre sèche). D'ailleurs pour être tranquille sur le nettoyage, il vaut mieux huiler une ou deux minutes après le tir, de façon à ce que la poudre n'adhère pas : il est plus facile d'enlever de l'huile que de la poudre séchée.

  5. @Blabla je pense que c'est ce qui fait la différence entre les régiments qui utilisent leurs armes et ceux, comme le mien, qui ne les utilisaient pas. Sans aucune mauvaise foi et sans vouloir polémiquer je pense que 90% de armes qui étaient nettoyée n'avait pas bougé de l'armurerie depuis le dernier nettoyage. En tant que geek assumé j'aurai très probablement aimé que l'on m'explique plus en détail le nettoyage et la différence entre une poussière de la poudre séchée ou une trace de rouille avec bien sûr la stratégie de nettoyage à appliquer.

  6. Ah, le nettoyage et l'armée!!
    "Le nettoyage de l'armement est un acte de combat" comme répétait continuellement le SOA
    Et les semestrielles, vous avez fait?

  7. Je crois avoir lu sur un blog (peut etre maitre eolas), la méthode pour déjouer le coup du béret : prendre une veste en polyester (ou autre matière plastique), la frotter avec un morceau de plastique pour la charger en électricité statique, puis la passer sur le sol afin de collecter les dernières poussières 😉

  8. Ahhh les souvenirs de l'armée. Quand je suis arrivé je me suis extasié devant les camions neufs, c'est en nettoyant les boulons du pont arrière avec une brosse à dents (outil indispensable) que j'ai compris qu'ils n'étaient pas neufs. J'ai aussi cueilli les feuilles dans les arbres pour ne pas qu'elles tombent dans la cour. Toute une époque….

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